A multiplier les commandements et les directives, les écologistes prennent vraiment les consommateurs pour des irresponsables.

Le Jour du dépassement, cette date très symbolique à partir de laquelle la planète toute entière a consommé les ressources qu’elle est capable de régénérer en un an, engendre une fois de plus un déferlement de conseils et de demandes d’interventions étatiques, comme si les acteurs du système économique n’étaient ni conscients de l’urgence, ni responsables

Au moment de ce Jour du dépassement, Julien Vidal a raison. Son combat consiste à dire que pour protéger la planète et l’environnement, il faut que tout un chacun fasse un effort individuel. Un petit geste quotidien. Il est devenu l’apôtre d’une écologie de proximité. Son livre, Ça commence par moi, aux Edition du Seuil, a bousculé toutes les prévisions. Il profite donc de la saison pour arroser ses amis des réseaux sociaux de quelques recommandations à prendre en compte à titre individuel pour participer à la protection de la planète. Alors, c’est très intéressant, parce que c’est ultra simple, ça fait appel au bon sens le plus basique, ça donne bonne conscience mais une fois de plus, ça ne résoudra pas le problème. Si on confronte les commandements avec les contraintes auxquelles on n’échappe pas et dont il faut bien tenir compte, on s’aperçoit que la cohérence du système dans lequel on vit vole en éclat. Ces commandements sont tellement simples et évidents qu’on se demande pour quelles raisons nous ne nous les imposons pas spontanément. Et bien tout simplement, parce que la plupart entrainent des dégâts collatéraux qu’on ne veut pas voir ou pas mesurer. L’addition de petites décisions micro économiques prises pour des raisons plus morales que techniques ne fait pas une macroéconomie plus équilibrée. 

Prenons d’abord les dix commandements sélectionnés par Julien Vidal et ensuite inscrivons-les dans une logique d’ensemble. Les dix commandements sont très pédagogiques.   

 Le premier, on se déplace à vélo. Ok, mais d’abord il faut des vélos : qui les fabrique ? A quel prix et avec quel bilan carbone ? Ensuite, il faut des infrastructures ou de sites de circulation : où, comment, à quel prix ? Le consommateur est plus à même de choisir. 

 

Le deuxième, je dis stop au gaspillage alimentaire. Ok, tout le monde est pour, évidemment. Mais le gaspillage alimentaire est simplement une variable d’ajustement entre l’offre et la demande. Problème de gestion, problème de coût. La responsabilité du consommateur est totale dans le choix de ce qu’il mange, mais marginale dans le gaspillage qui est une question technique de gestion de stock.

 

Le troisième, je prête et emprunte des objets à mes voisins. Très bien, mais tellement naïf, utopique. D’ailleurs, on le fait déjà beaucoup via les systèmes de location. Parce que l’économie de troc ou d’échange crée beaucoup d’inégalité et d’injustice. Le système de location permet de réguler cette économie circulaire fondée sur l’usage, plutôt que sur la propriété. (Drivy, Blablacar, Airbnb.)

 

Le quatrième commandement, j’achète de l’électricité verte... Formidable, tout le monde est d’accord sauf que son prix de revient est supérieur de 30 à 50% à l’électricité d’EDF, et elle le sera encore plus si l’on réduit la part d’électricité nucléaire. L’électricité verte, oui, mais actuellement c’est l’électricité nucléaire ou le contribuable qui la paie. Est-ce juste ? Au passage, l’électricité nucléaire est propre (pas autant qu’on l’affirme) mais beaucoup plus que l’électricité à base d’énergie fossile comme celle qu’utilisent les « Verts » allemands. 

 

Le cinquième commandement, le boycott des entreprises climaticides. Ok, tout le monde est d’accord pour les supprimer sauf que personne n’est d’accord pour les choisir, les condamner et en assumer les effets sociaux. Batailles d’experts et problème d’emplois. Qui règle ? 

 

Le sixième commandement, je mange local et de saison. Bien sûr, mais ça relève de la liberté du consommateur. Le consommateur a une demande de qualité, il a aussi une exigence de pouvoir d’achat. Depuis le mouvement des gilets jaunes, on le sait bien ! L'arbitrage qu'il fait entre manger local et manger exotique dépend de sa culture et du prix. S’il a les moyens de payer le prix qui épongera l’empreinte carbone de ses fruits exotiques, pourquoi l’en empêcher ? Le prix du carbone quand on saura le fixer sera plus efficace pour influencer le consommateur dans ses choix, que toutes les injonctions administratives. 

 

Le septième commandement, le choix d’une banque éthique.Que l’argent serve à financer une économie verte, oui. Mais là encore, le consommateur a le choix entre ce qu’il considère comme plus important. Le prix ou l’avantage vert. 

 

Le huitième commandement, la démocratie de demain. Évidemment, mais le meilleur moyen c’est encore de voter. Battons-nous contre l’abstention et pour fabriquer une offre politique qui soit désirable et responsable. 

 

Le neuvième commandement, je deviens végétarien.Très bien, mais c’est plus un choix éthique, idéologique que technique... Et que fait-on des cheptels de bêtes et des personnels qui travaillent dans le secteur agricole ? Où va-t-on trouver le soja, le riz et le blé nécessaire ? En décidant ainsi, on donne une prime à ceux qui sont les plus riches. En laissant le consommateur choisir librement, on lui permet d’organiser la transition qui, de toute façon, doit protéger la liberté de ceux qui veulent manger de la viande. 

 

Le dixième commandement, je prends le train plutôt que l’avion, parce que le train émet moins de CO2. Mais qui le sait ? Aucun expert n’est aujourd’hui capable de nous dire ce que l'infrastructure ferroviaire et l’alimentation électrique produisent en CO2, personne n’est capable de dire les progrès que peut faire l'avion dans les prochaines années. Là encore, il faudrait condamner l'usage d'une technologie au moment où elle est devenue accessible au plus grand nombre. Et comme d’habitude, le vrai juge de paix sera le prix du transport à condition qu'on ne triche pas dans l'établissement du prix. 

 

 

Les dix recommandations tiennent la route, évidemment à deux conditions :

La première étant qu'on évite de regarder de trop près l’écosystème et l’impact de toutes ces évolutions. 

La deuxième, qu'on torde le bras du consommateur quand il fait ses choix. 

 

La lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l'environnement sont incontournables, mais plutôt que de pondre des normes et des directives, sans parler des commandements avec des connotations morales ou même religieuses, qu'on commence par améliorer le fonctionnement de l'économie de marché. Le système libéral qui permet à une multitude d’acteurs de prendre ses décisions en toute liberté sera beaucoup plus efficace que tous les gouvernements réunis.

Le consommateur, l’investisseur, le salarié s’ils sont libres de leur choix en toute connaissance de cause feront avancer le problème beaucoup plus vite qu’une organisation internationale ou un gouvernement. A cette seule condition, des campagnes comme celle que mène Julien Vidal seront utiles.

 

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