A trop célébrer l’attractivité française, on en oublie les effets pervers

Lapresse.ca

Depuis 3 ans, l’attractivité de l’économie française s’est améliorée et le pouvoir y voit les premiers résultats du chapelet de réformes lancées depuis le début du quinquennat. Emmanuel Macron a raison mais l’explication est un peu courte, et surtout cet afflux d’investissement n‘a pas que des avantages. 

Les autorités francaises ont raison de se féliciter des progrès de l’attractivité du système. Les résultats sont explicits, ces investissements se montent par dizaine de milliards d’euros par an et principalement dans l’industrie qui en a bien besoin. D’où les créations d’emplois (500 000 depuis 3 ans), d’où l’arrêt sensible de la désindustrialisation des régions françaises. 

Alors, le président de la République met l’accent sur les réformes qu’il a initiées : la fiscalité, le droit du travail, la réforme de la formation et enfin la réforme des retraites. Toutes ces réformes sont le fruit d’un accouchement difficile, elles entrainent un désordre social et public inquiétant parfois, mais le monde des affaires français et les investisseurs étrangers considèrent que tous ces chantiers sont nécessaires si on veut moderniser le pays et l’inscrire avec ses atouts dans la compétition internationale. 

 

Les investisseurs étrangers affluent certes en France, parce que les attitudes par rapport au business ont changé, parce que ces réformes ouvrent plus de flexibilité et de potentiel mais aussi parce la France reste globalement compétitive par rapport à ses voisins. Où s’installer en Europe quand l’Allemagne donne des signes d’essoufflement avec un marché de l'emploi complètement fermé ? Où s’installer quand l’Italie et l’Espagne ne sont toujours pas au niveau international ? Où s’installer tant que la Grande Bretagne n’a pas stabilisé sa mutation ?

Où s’installer sinon en France ? Les investisseurs choisissent la France par défaut, sachant que l’art de vivre à la française et la richesse de ses équipement collectifs (santé, éducation, transport) restent très compétitifs en dépit des difficultés d’équilibre que traversent les services publics. 

Donc, on peut se féliciter de cette attractivité mais elle n’est pas gravée dans le marbre, d’autant que la France est une des pièces maitresses de l’Europe qui a du mal à façonner son unité. 

 

Cela étant, l’attractivité du pays peut très bien ne pas avoir que des effets bénéfiques. Elle révèle des effets pervers.

D’abord parce que si les capitaux étrangers viennent s’investir dans l’hexagone, c’est parce que les capitaux français ne sont pas suffisants. L’épargne française est très abondante, mais elle n’est pas fléchée sur l’économie et les entreprises, elle sert principalement au financement de la dépense publique et sociale, parce que, par nature, ce serait moins risqué. C’est une distorsion structurelle grave. 

Ensuite, à partir du moment où les capitaux étrangers s’investissent en France, ils portent un risque de perte de souveraineté française, ce qui alimente alors le populisme de certains, alors que les responsables en sont les Français avec des comportements qui perdurent : l’épargne sécurisée à tous les coups, le livret A ou le fonds euros.

Enfin, ces capitaux étrangers vont certes créer des emplois et de la valeur. Mais cette valeur va repartir en dividendes dans leur pays d’origine. Donc au profit des fonds de retraite ou de pensions anglo saxons et autant de recettes fiscales en moins pour la France.

 

On a une épargne considérable mais elle ne sert pas à sécuriser l’avenir. 

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