Accusé de faire une politique pour les riches, Emmanuel Macron prend pourtant le risque d’un conflit grave avec les patrons.

La logique libérale défendue par Emmanuel Macron va l’amener à affronter les patrons qui, dans leur majorité, ne sont pas libéraux.
Emmanuel Macron est sans doute à la veille d’un paradoxe dont il ne soupçonne sans doute pas la brutalité. Alors qu‘il a bouclé comme prévu la loi travail qui simplifie le code du travail et accorde plus de flexibilité au marché de l’emploi, alors qu’il va faire passer l’abrogation de l’ISF sur les valeurs mobilières, qu’il va instaurer la flat tax de 30%, qu’il va imposer une majoration de la CSG. Bref, alors qu’il va équiper la France d’un collier de mesures libérales, il va se retrouver nez-à-nez avec des patrons qui n’ont pas trop l’intention de se transformer et d’assumer des ouvertures comme celles qu’on leur propose.
Macron va passer la première année de son quinquennal en se faisant accuser de président des riches et de fossoyeurs de la classe moyenne mais il va devoir ensuite, pour faire aboutir son projet, forcer la main des chefs d’entreprise.
Explications :
Le logiciel de politique économique mis en route par Emmanuel Macron est simple. Son objectif est de relancer la machine à produire des richesses, de la croissance et de l‘emploi. Il actionne donc tous les leviers qui permettent d’accroire la compétitivité, d’où baisse des charges, soutien à l’innovation, flexibilité du marché du travail, apprentissage, formation, expertise, mobilité, concurrence, solidarité européenne etc. d’où la mise en chantier des principales réformes administratives et fiscales.
Cette politique de liberté est parfaitement assumée par le président qui réfute l’idée qu’elle ne profiterait qu’aux élites et aux riches.
En réalité, cette politique de réformes profite avant tout aux entreprises en tant que centre de créations de richesse. Une politique qui ne profiterait qu’aux riches et aux nantis n’aurait aucun sens. Elle conduirait même le système à la ruine.
L’entreprise ne se développe pas pour son seul patron, l’entreprise doit satisfaire ses actionnaires, ses salariés, ses clients et même son écosystème. Sinon, elle est bancale.
Antoine Riboud, le fondateur du groupe Danone et père de Franck, avait ébranlé le CNPF (le patronat de l’époque) par un discours tonitruant qui expliquait que l’entreprise avait un double projet : économique et social. L’entreprise ne pouvait pas marcher sur une seule jambe. Il lui fallait les deux. Aujourd'hui, l’entreprise doit respecter les marchés financiers, les salariés, les clients et son environnement.
La politique qui a aujourd’hui pour objectif de restaurer la croissance va demander à l’entreprise d’équilibrer ses objectifs. Sinon, ça ne marchera pas.
Mais pour que ça marche, il va falloir se réformer grandement et à tous les étages de l’entreprise.
A l’étage de la direction financière, il va falloir prendre en compte les états d’âme des actionnaires, mais il va falloir aussi que les actionnaires s’organisent. Peut être va-t-il falloir que l’Etat français favorise enfin l’émergence de fonds d’actionnaires français ou européen. Actuellement, ils sont anglo saxons ou chinois. La perspective de développer les formules d’intéressement et de participation peuvent offrir des opportunités de changement.
A l’étage des ressources humaines, il va falloir se rendre compte que les syndicats ne sont pas que toxiques. Si on veut entrer dans une logique de compromis, il faut respecter le pouvoir syndical.
Du côté des syndicats, il va falloir aussi se rendre « désirables » plutôt que d’attendre les élections en gérant des pré carrés au niveau des caisses de retraite, d’assurance maladie ou de l’Unedic.
A l’étage du marketing, il va falloir intégrer le fait que le client est devenu un être intelligent et informé, mais à ce niveau, les gens du marketing ne sont pas en retard. Ils ont simplement tendance à mépriser un peu vite les associations de consommateurs. Lesquelles manquent souvent de moyens.
A l’étage de la Direction générale, il va falloir assumer un monde de concurrence, arrêter de réclamer des aides et des protections. Et au final, accepter le changement qui dérange parfois les intérêts acquis, les habitudes.
Au fond de sa culture, de son ADN, le patronat français n’est pas des plus audacieux, il recherche encore plus souvent la protection de l’Etat et de l’administration que d’affronter la concurrence mondiale et l’innovation. Ce n'est pas dans les entreprises que l'on trouve les plus ultra libéraux.
Le logiciel Macron est entièrement tourné vers l’entreprise. Et si on pense qu‘il ne s’adresse qu‘aux chefs d’entreprise, on se trompe. Les patrons vont être obligés de prendre leur part de responsabilités dans la transformation de la société et le changement.
C’est la raison pour laquelle ils préféraient en majorité un candidat comme François Fillon. Ils se souvenaient bien, les patrons, qu’Emmanuel Macron avait travaillé dans la commission Attali. C’était sous Nicolas Sarkozy. Mais les prescriptions Attali demandaient aux patrons de tels efforts de changement que le président de la République n’a jamais pu en appliquer plus du tiers des prescriptions. Les patrons français sont encore, pour beaucoup des enfants de Colbert ou de Keynes.
Emmanuel Macron, lui, raisonne comme Steve Jobs ou Xavier Niels ou Schumpeter. Les facteurs de mutation offrent des opportunités de progrès considérables, à condition qu’on les assume.
