Après un lundi noir à Moscou, l’asphyxie programmée de l’économie panique les oligarques et inquiète la classe moyenne.
Lundi noir à Moscou : la mécanique des sanctions va générer de l’inflation et les armes sont impuissantes contre l’inflation. Le rouble s’est effondré, les marchés financiers ont été fermés, les taux d’intérêt sont passés de 9 à 20% et les banques manquent de liquidités.

Vladimir Poutine se serait enfermé toute la journée avec ses conseillers économiques pour évaluer l’ampleur des dégâts. Il pensait régler le sort de l’Ukraine en quelques jours et ça traine. Même les chars d’assaut hésitent aux portes de Kiev. Vladimir Poutine pensait que les sanctions économiques mettraient du temps à bousculer et gêner le système économique, il s’est trompé. Tout juste annoncées, la plupart des sanctions économiques et financières ont réussi, en 24 heures, à semer un début de panique dans les milieux financiers, les banques et les grandes entreprises. Au bout des sanctions, c’est l’inflation et l’armée russe ne sait pas émécher l’inflation. A tel point que Vladimir Poutine aurait passé sa journée, enfermé dans son bureau, à chercher des solutions.
Ce lundi restera, dans la crise ukrainienne, comme un lundi noir que les Russes ont rarement connu dans leur histoire. Le rouble s’est littéralement effondré en perdant, dans la matinée, 30% de sa valeur. La banque centrale s’est aperçue que les réserves qu’elle détenait à l’étranger ont été bloquées partout sur la planète et notamment aux États-Unis et en Europe. Des réserves considérables qui auraient permis à la Russie de tenir un moment. Du coup, impossible de rapatrier de l’argent pour approvisionner le système bancaire domestique. Le gouvernement a donc fermé le marché financier pour empêcher les investisseurs de vendre leurs titres, mais il a aussi interdit aux étrangers de vendre des titres d’entreprises russes qu’ils détenaient. Cette décision était un peu ridicule parce que de toute façon, les actifs russes ont beaucoup de mal à se vendre.
Pour enrayer cette pénurie, la banque centrale russe a doublé, en catastrophe, le taux directeur de 9,5 à 20 % afin d’amortir la baisse de la monnaie. Mais ce qui va surtout booster ensemble des taux de crédit et par conséquent, allumer les mèches de l’inflation. C’est d’autant plus vrai que les clients consommateurs épargnants ont déjà quelques difficultés à retirer du cash aux distributeurs de billets de banque.
Alors que les sanctions économiques ne sont pas encore toutes appliquées, leur perspective alimente la défiance des populations qui commence à s’interroger sérieusement sur l’efficacité de la politique économique de Poutine, mais aussi sur son opération ukrainienne. Cette défiance ira-t-elle jusqu'à provoquer des manifestations hostiles, et de quelle ampleur ? Personne ne le sait. Ce que l’on sait en revanche, c’est que ce climat de défiance, ajouté aux disfonctionnements techniques de l’économie, va générer une inflation. Or, Vladimir Poutine ne peut rien faire contre l’inflation.
Il pourrait bloquer les prix, mais il entrainerait des secteurs tout entiers dans les pertes. Il peut augmenter les taux d’intérêt, ce qu’il a fait ce week-end, mais l’augmentation des taux n’est qu’un des moyens de l'austérité, et l'austérité, c’est une baisse du pouvoir d’achat programmée.
La population russe, aussi docile soit-elle, n‘acceptera pas très longtemps la misère, surtout venant de Vladimir Poutine qui leur a vendu en permanence le retour à la puissance et à la gloire de jadis. Foutaises que tout cela pour des gens qui vont faire la queue dans les magasins ou devant les caisses d’épargne.
Du côté des oligarques, ça commence à grogner déjà beaucoup. Parce que tant qu’on leur a disait que les sanctions économiques gêneraient les systèmes de production, ils ne le croyaient guère. Ils savent que, d’expérience, les différents embargos décidés jusqu’alors ont été assez peu efficaces. Ils les ont détournés en leur offrant au passage l'occasion de faire du business d'un genre nouveau. Mais maintenant, ils ont compris que les Occidentaux allaient non seulement mettre des freins à leur business très lucratif, mais ils vont les empêcher de jouir de leur fortune ou de voyager. Entre le gel des comptes en banques à l’étranger et des avoirs en actifs financiers et le séquestre des actifs immobiliers ou même des yachts et des avions privés, les oligarques vont se retrouver coincés. Soit à Moscou s’ils y étaient le weekend dernier, soit à Londres, à Paris, à Genève, à Monaco ou à Courchevel. Bref, partout là où ils ont installé leurs familles. C’est assez gênant, d‘où le début d’une rébellion à la cour du tsar qui reçoit des notes le priant de changer de politique.