Avec le télétravail et la pénurie d’experts, c’est le Ghosting qui perturbe le marché de l’emploi

Le Ghosting est le dernier sport à la mode chez des demandeurs d’emplois. Ca consiste à décrocher un entretien d’embauche et même un contrat CDD ou CDI, et disparaître sans donner de nouvelles. Faire le mort face à un recruteur ou jouer les salariés fantôme.

C’est une pratique née sur les réseaux sociaux mais qui s’est peu à peu répandue au monde : le ghosting, ou l’art de faire le mort face à un recruteur. Les jeunes sont les principaux concernés. Enfin les jeunes, ils peuvent avoir trente ans et plus. Cette génération fait de moins en moins la différence entre monde du travail et celui des réseaux sociaux et des sites de rencontres. Les comportements qui sont nés de relations virtuelles s’immiscent de plus en plus dans la vie réelle. Au grand dam des recruteurs. Le candidat a un job vient à un premier rendez-vous, promet qu’il viendra au deuxième et disparaît. Parfois, il va jusqu’à signer son contrat mais ne se présente pas le jour J.

On les appelle les candidats fantômes, tous ceux qui disparaissent ainsi, au bout de 2 ou 3 entretiens passés et qui ne donnent plus signe de vie. Ils ignorent les appels et les mails.

Selon certains cabinets de recrutement interrogés, ils seraient environ 1 candidat sur 10 à ne plus donner signe de vie, ne plus répondre dans le cadre d’un processus d’embauche. La « non réponse » serait devenue une forme de réponse, comme sur les sites de rencontre où les profils qui ne matchent pas sont  tout bonnement ignorés. Certains candidats se paieraient même le luxe de décaler ou ne pas se présenter à des rendez-vous calés avec de potentiels supérieurs hiérarchiques important, ou carrément de faire faux bond le premier jour de travail après avoir signé un contrat.

Et on peut parler de problème générationnel concernant le phénomène. Selon une étude qu’a réalisée LinkedIn, le ghosting concernerait essentiellement les personnes de moins de 35 ans. Ils seraient seulement 26% à éprouver une gêne quant à leur comportement. Ce qui fait que près des ¾ trouvent cela tout à fait normal de ne pas se justifier voire de ne pas prévenir.

C’est aussi une forme de vengeance puisque la pratique a toujours existé de la part de l’entreprise. Les recruteurs sont eux-mêmes des « ghosteurs », quand ils ne répondent pas à toutes les candidatures reçues (encore la majorité des cas aujourd’hui, selon l’Apec).

Le rapport de force entre employeur et futur employé s’est nettement inversé. Avec la reprise de l’activité économique, certains secteurs se retrouvent en pénurie d’offre de travail et les employés doivent aujourd’hui faire le tri dans les propositions qui affluent.

Dans l’informatique et des nouvelles technologies, c’est monnaie courante depuis longtemps, parce que les formations sont longues à s’adapter aux nouvelles compétences demandées (codage, développeur, data-scientist ou cybersécurité) et à attirer les étudiants. La digitalisation de l’économie, accélérée par la pandémie, a encore gonflé la demande qui est très supérieure à l’offre.

Les geeks n’ont jamais eu de mal à trouver un job et encore aujourd’hui, le pouvoir de négociation est entre leurs mains. Aux entreprises de se plier à leurs règles.

Depuis la pandémie,  d’autres secteurs qui se sont retrouvés en tension. Des secteurs où les salariés ont des contraintes fortes (horaires décalés, éloignement, travail physique) comme l’hôtellerie-restauration ou le secteur de la construction qui, aujourd’hui, peinent à recruter parce que beaucoup d’anciens salariés ont, pendant le confinement, voulu réorienter leur carrière vers des emplois moins contraignants ou plus indépendants. Ces travailleurs aujourd’hui sont très sollicités et plus susceptibles d’ignorer ou de snober les recruteurs. 

De plus en plus, la pratique du ghosting se répand aussi chez les jeunes cadres, avec des profils pourtant plus éduqués notamment dans les services, banques, assurances. Le télétravail a augmenté le phénomène. Au début, le télétravail était une contrainte, mais la majorité des cadres s’y sont habitues et ne veulent pas travailler autrement qu’en visio à partir de leur cadre de vie qu’ils ont souvent aménagé à la campagne. Le tiers des cadres moyens et supérieur ont demandé à rester en teletravail sinon , ils partaient ailleurs .

Mais Il existe aussi des explications plus sociétales à la multiplication de ces comportements.

Les délais importants (5 semaines en moyenne pour un processus standard et 2/3 entretiens) et la complexification des processus de recrutement sont largement regardés et appréhendés par les candidats, qui ont aujourd’hui plus envie d’instantanéité et de réponses rapides qu’avant. Ce sont donc aux entreprises de s’adapter sur ces points si elles veulent continuer d’attirer les candidats.

L’abondance d’offres sur les sites de recherche ou les sollicitations directes peuvent donner l’impression à ces salariés que le changement d’emploi est facile, remplaçable et donc ne donner aucune valeur au processus d’embauche qu’il entame ou aux offres qu’il reçoit.

Les entreprises, elles, sont dans la position de devoir convaincre. Elles doivent améliorer leur offre. En termes qualitatifs, sur le contenu des postes, le climat d’entreprise, les valeurs et le sens donné à l’action, qui sont autant de critères regardés aujourd’hui pour rester durablement sur un poste. Mais aussi en terme quantitatif. La rémunération continue de primer dans le choix des candidats, même chez les plus jeunes générations. L’heure est à la revalorisation des salaires pour faire la différence. Des hausses de salaires qui ne seront pas forcément perçues comme telles dans un contexte d’inflation de plus en plus généralisée.