Bruxelles s’attend à une petite croissance, prépare un plan de compétitivité mais n’annule pas (encore) les contraintes de Maastricht

La Commission de Bruxelles remonte ses prévisions de croissance pour 2023 mais rappelle les risques courus par l’Union européenne, confirme une nouvelle gouvernance économique mais ne touche pas pour l’instant aux critères de Maastricht.

+0,9% en 2023

Ça va mieux sur le front de la croissance en Europe. La Commission de Bruxelles a révisé hier ses prévisions de croissance à la hausse, à condition que les pays membres restent vigilants sur les risques. Et parmi les risques courus, il y a ceux qui s’imposent de l’extérieur et ceux qui dépendent du propre comportement des gouvernements des pays membres.

Sur le front de la croissance, la Commission de Bruxelles s’est finalement alignée sur les dernières prévisions du FMI, de Davos (fin janvier) et des banques centrales qui ont tous depuis le début de l’année, révélé que les risques de récession n’étaient pas certains et que par conséquent, le ralentissement serait moindre que ce qu’on croyait au deuxième semestre de l’année 2022.

La Commission de Bruxelles anticipe une progression de 0,9 % dans la zone Euro en 2023. (0,8% pour l’ensemble de l’Union européenne).  On échappe donc à la récession. Alors ça ne sera pas l’euphorie (un demi-point de croissance, c’est sans doute la marge d’erreur -) mais au moins va-t-on échapper à la descente aux enfers qu’on nous annonçait? Pour 2024, Bruxelles nous promet 1,5 % de croissance dans la zone euro.  

Pour ce qui concerne les poids lourds de la zone euro, la Commission de Bruxelles donne la France à 0,6 % de croissance pour 2023 et 1,4% pour 2024. L’Allemagne serait à 0,2% pour 2023 et 1, 3% pour 2024. L’Italie pourrait le mieux profiter du plan de relance (0.8% en 2023).

Les facteurs de ralentissement qui pesaient sur les prévisions l’année dernière sont en train de se dissiper. Il n’y a plus de grosses inquiétudes sur les approvisionnements en énergie. Pour le gaz, les pays ont trouvé des alternatives au gaz russe, à un prix beaucoup plus raisonnable que ce qu’on a vécu fin 2022. Pour l’électricité, la France a réussi à faire redémarrer quelques réacteurs, et en prime, l’hiver aura été assez clément.

Les entreprises tournent, tirées par l’investissement et la consommation et l’emploi est très tendu partout en Europe. L’Union européenne n’a jamais eu un taux de chômage aussi bas depuis sa création.

Bruxelles : météo instable

Maintenant la météo de Bruxelles n’oublie par le risque de formations nuageuses qui peuvent brouiller le scénario et la visibilité des investisseurs.

D’abord, la guerre en Ukraine n’est pas terminée et il ne faudrait pas qu’elle ne se prolonge ni se propage. Or aujourd’hui, il n’existe aucun signe de volonté de trouver un compromis.

Ensuite, le taux d’inflation est toujours menaçant. Bruxelles attend 5,6% dans la zone euro et 5.2% en France, c’est-à-dire beaucoup moins que le pic d’octobre dernier.

Mais à l’avenir, tout va dépendre de l’ampleur et des modalités d’une reprise en Chine. La faiblesse de l’activité en Chine permet de maintenir un calme relatif sur les prix des matières premières et des énergies. Peu probable que la Chine reste calme.

Il reste donc une inflation sous-jacente très menaçante. Sous-jacente, c’est-à-dire hors prix de l’énergie et alimentation. Et cette inflation sous-jacente pèse d’abord sur les produits alimentaires, c’est-à-dire sur les classes moyennes les moins favorisées

Enfin, il existe des facteurs de détérioration du logiciel de croissance qui sont endogènes et qui dépendent des politiques économiques menées par les Etats eux-mêmes.

L’Allemagne se retrouve avec un problème de compétitivité grave parce que l’Allemagne a perdu une énergie pas cher avec le gaz russe.

La France a elle aussi un problème de compétitivité à cause du prix de son modèle social qui l’oblige en plus à emprunter massivement à l’extérieur. D’où les efforts compliqués faits par Emmanuel Macron pour apporter la preuve que la France a la volonté de redresser les comptes et ses finances publiques, la réforme des retraites a cet objectif : convaincre les marchés que la France est capable de redresser ses finances publiques et par conséquent, qu’elle peut compter sur ses financements extérieurs.

Sur ces deux dossiers, l’Allemagne d’un côté, qui doit prouver qu’elle peut changer son modèle énergétique, et la France qui doit apporter la preuve qu’elle pourra maitriser son modèle social, les jeux ne sont pas faits.

C’est d’autant plus risqué que l’Amérique de Joe Biden ait lancé un plan de relocalisation de ses industries et boostant l’attractivité de son modèle. « L’inflation act » démarre à peine qu’il attire déjà des investisseurs européens : les Allemands, les Français et les Italiens sont forcément intéressés.

Maastricht oublié?

Dans ce contexte de reprise fragile de la croissance, les 27 pays membres de l’Union européenne doivent revoir le pacte de stabilité. Comment modifier les contraintes de Maastricht pour favoriser l’investissement intérieur à l’Union?Parce que les besoins sont énormes.

-Besoins de services publics plus efficaces dans le domaine de la santé et de l’éducation nationale.

-Besoin de participer à la lutte contre le réchauffement climatique et œuvrer pour la décarbonation.

-Besoin de protéger la souveraineté industrielle des 27

Et enfin, dégager des moyens pour construire une véritable politique de défense extérieure 

C’est toute la gouvernance économique qu’il faudra changer pour l’adapter à ces besoins. L’axe majeur de cette gouvernance économique est dominé par la monnaie et les critères de Maastricht.  Jusqu’à aujourd’hui, après une crise financière, une crise des gilets jaunes en France et une poussée populiste en Europe, après la crise du Covid et la reprise post Covid, face à la crise écologique, les critères de Maastricht sont restés immuables. La guerre en Ukraine et la crise énergétique commandent peut être de changer le logiciel. Tout le monde y pense mais à Bruxelles, bien peu en parle. Maastricht, c’est encore sacré, donc tabou. 

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