Comment expliquer que l’Education nationale coute si chère avec des enseignants qui sont parmi les plus mal payés en Europe ?

Les personnels de l’Education nationale ont raison de demander des rallonges de salaires, mais à service égal, l’Education nationale coute pourtant beaucoup plus cher en France qu‘ailleurs. C’est assez surréaliste comme situation.



Surréaliste ou extravagant, les enseignants français sont, parmi les européens, ceux qui avec les italiens, sont les moins bien payés. Alors que le budget de l’Education nationale français est un des plus lourds du monde.
Côté rémunération, le ministre de l’Education nationale Jean Michel Blanquer a annoncé une hausse moyenne de 300 euros pour tous les enseignants à partir de l’année prochaine. 300 euros représentent en moyenne 25 euros par mois.Pas de quoi faire la fête, mais cette annonce peut désamorcer la grogne des enseignants qui menaçaient déjà de jouer les gilets jaunes le jour de la rentrée.
Cela dit sur le fond, cette augmentation ne règlera pas la situation de misère dans laquelle on maintient le corps enseignant français.
Si on prend les chiffres de l’OCDE, un professeur de collège gagne en moyenne 27.000 euros bruts par an en début de carrière.
Son voisin allemand en gagne lui 56 000 ;
le Suisse 56 000 ;
le Luxembourgeois est le mieux loti avec 70 000 euros ;
L’Espagnol est à 38 500 euros ;
Le Hollandais : 36 500 euros ;
Le Suédois : 33 300 euros ;
Le Portugais : 29 000 euros ;
Le Français et l’Italien : 27 000 euros ;
Le grec est le plus pauvrement traité avec 17 000 euros.
Alors tous ces enseignants font grosso modo le même métier, ils enseignent les mêmes matières de base et font en tout, à peu près le même nombre d’heures. Les Allemands travaillent plus que les Français, 747 heures par an contre 684 heures.Mais on peut penser que dans beaucoup de cas, les enseignants, quand ils ne sont pas en train d’enseigner, préparent leurs cours ou se forment.
Donc le modèle de l'entreprise Education nationale est à peu près identique partout. En revanche, ce qui ne l’est pas, c’est le budget.
Globalement,la France consacre plus de 160 milliards d’euros à son système éducatif, soit 6,7 % du PIB.
La dépense moyenne pour un élève ou un étudiant est de 8 690 euros. Elle augmente avec le niveau d’enseignement, allant de 6 550 euros pour un écolier, 8 710 euros pour un collégien, 11 190 euros pour un lycéen à 11 670 euros pour un étudiant.
L’État est le premier financeur de l’éducation (57,4 %), devant les collectivités territoriales (23,3 %). Alors que les communes et les départements ont tendance à stabiliser leurs dépenses d’éducation depuis 2015, celles des régions augmentent chaque année.
Les pays européens dépensent globalement entre 20 et 30 % de moins. En comparaison avec d'autres pays dans le monde, la France arrive en 3ème position pour ce qui est de la part des dépenses d'éducation dans le PIB national (%).
Avec 6.3% de son produit intérieur brut, la France se situe derrière les Etats-Unis (7.3%), l’Angleterre, la Suède et la Finlande (ex aequo à 6.5%).Tous les autres pays européens dépensent moins que nous. Beaucoup moins.
Les Allemands, qui ont le même nombre d’élèves scolarisés et d‘enseignants, dépensent près de 40 milliards d’euros en moins que nous. Ce qui diminue d’autant le cout de l’éducation par élève.
En personnel, nous avons 1 150 000 fonctionnaires en poste actuellement dont 870 000 seulement enseignent dans les écoles et les établissements du 2edegré, et 145 000 dans le privé (mais ils sont comptabilisés dans le budget).
Nous avons cependant aussi 274 400 fonctionnaires enseignants, mais qui n’enseignent pas et qui exercent des missions d’assistance éducative, d’administration, de direction et d’animation pédagogique etc.
Ces chiffres doivent être analysés par rapport aux résultats délivrés, par rapport à la qualité de l’enseignement, à son utilité, mais aussi à l’employabilité des élèves qui sortent du système. Est-ce que notre Education nationale est à la hauteur de son cout ?
En termes de résultats, nous ne sommes pas les champions du monde et pas même les champions d’Europe.
Le nombre de jeunes qui entre en 6e sans savoir lire, écrire et compter est effarant. Le nombre de jeunes de 20 ans qui sont sans formation, et sans emploi est aussi inquiétant. Parallèlement, le nombre d’offres d’emplois qui ne trouvent à être satisfaites peut être imputable aux conditions matérielles, salaires, localisation mais aussi à l’absence de formation.
Toujours en termes de résultats, on peut certes se féliciter de la qualité des grandes écoles, sauf qu’au classement Pisa, la France est downgradée année après année.
Ce système de l’Education nationale permet à 85% d’une classe d’âge d’obtenir le baccalauréat, mais la formation ouvre de moins en moins de portes, ce qui aggrave évidemment les inégalités.
Tout cela est une affaire de productivité globale qui n’est pas un gros mot. C’est à dire une question d’organisation et de fixation d’objectifs. La sous-rémunération traduit une paupérisation de la profession, dont un déficit d’expertise et de qualité. Mais quand cette paupérisation des personnels cohabite avec une administration dont le cout global est très élevé, ces disfonctionnements créent de la frustration, de la grogne et de la rogne.
Les syndicats d’enseignants ont raison de se plaindre et de revendiquer, sauf que ces revendications ne les exonèrent pas d’un examen complet du modèle éducatif dans son contenu et son coût.
Parce qu’il va bien falloir expliquer pourquoi le modèle français coute autant d’argent et paie ses salariés si peu cher.