Comment s'opposer à la réforme des retraites pourrait mener au pire : la fin du régime par répartition et leur privatisation ?

Réforme de la Retraite : L’opposition violente de Jean-Luc Mélenchon au projet Macron, conjuguée au refus des syndicats d’accepter le recul à 64 ans de l’âge légal, va préparer une privatisation progressive des régimes de retraite.

En manque d'unité et de militants

Le jeu de dupes engagé sur la réforme de la retraite va changer de dimension cette semaine. En utilisant ce projet comme prétexte à mener la bataille politique globale contre Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, qui espère renforcer la Nupes et notamment la France insoumise et l’Europe écologie les Verts autour d’une posture résolument radicale contre la politique du président de la République, va évidemment contribuer à jouer contre son camp en poussant les futures retraités à se diriger vers des systèmes complémentaires privés si le régime général n’est pas redressé.

Si les syndicats de leur côté ne réussissent pas à utiliser le succès de leur démarche unitaire pour formaliser des propositions alternatives afin de sauver le régime par répartition, ils vont eux aussi œuvrer sans le vouloir contre leurs intérêts. Tout ce qui affaiblit le rôle et l’efficacité du modèle social français contribue à perdre des militants qui, en tant qu’assurés sociaux, se tourneront vers des systèmes plus solides.

Les dirigeants syndicaux savent bien cela et c’est pourquoi ils ne vont pas se laisser enfermer dans une position de blocage. Mais ça va être compliqué.

Au gouvernement, on a bien compris le piège où tout le monde est tombé. Emmanuel Macron et son gouvernement avaient convaincu les dirigeants des républicains de voter pour ce projet pour que la réforme puisse passer avec une majorité absolue, ce qui lui donnerait beaucoup plus de légitimité face à l’opposition de gauche et d’extrême gauche.

Le gouvernement a au moins quatre raisons de s’accrocher aux mesures qui cristallisent l’opposition, à savoir le passage de l’âge de départ de 62ans à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation. Il est, semble-t-il, prêt à discuter (et lâcher) sur tout le reste.

Les raisons de s'accrocher

La première raison est que ce recul de l’âge de départ à la retraite est un vrai marqueur de réforme en faveur d’une préservation du régime par répartition. Elle est d’ailleurs comprise par l’opinion. Le régime de retraite fonctionne selon les principes de l’assurance. Si le nombre d’assurés diminue, les bénéficiaires seront mécaniquement moins bien servis. Et pour compenser les effets de la démographie, le seul moyen est donc de travailler (et cotiser) plus longtemps.

La deuxième raison est que toutes les autres solutions d’ajustement sont porteuses d’effets pervers. On pourrait, sans toucher l’âge de départ, augmenter le montant de la cotisation, mais ça reviendrait à augmenter le cout du travail. D’où le chômage.

La troisième raison concerne les retraités dont on pourrait limiter un peu leurs pensions. La moyenne des revenus a la retraite étant aujourd’hui meilleure que la moyenne des salariés actifs. Politiquement et socialement, c’est difficilement supportable.

Enfin quatrième raison, la gouvernance française a besoin d’envoyer aux marchés financiers un signal tangible sur sa capacité à redresser des comptes publics. La France est très endettée, elle ne trouvera à financer sa dette que si elle montre qu’elle en mesure de la gérer. Si non, les créanciers perdront confiance et les taux d’intérêt grimperont. Impensable.

Tous les gouvernements occidentaux attentifs à leur équilibre financier ont organisé un recul de l’âge de départ à la retraite. Entre 66 ans et 70 ans, assortis de mesures permettant le cumul emplois et retraites.

Au début du quinquennat, le premier projet de réforme avait l’ambition de créer une retraite par points. C’est-à-dire une retraite dont le montant eut été calculée en fonction des points accumules pendant la carrière. Cette réforme revenait à donner la responsabilité à chacun de constituer sa retraite dans un cadre fixé par les organismes paritaires et par l’Etat. Ce projet a été repoussé très violemment par l’opposition politique, les syndicats et la rue, à un point tel que le président de la République a préféré retiré ce projet. Edouard Philippe en a, politiquement, payé le prix en démissionnant de Matignon.

Sans réforme, une individualisation de la retraite

La question maintenant est de savoir ce qui pourrait se passer si le gouvernement cédait à la rue et à l’opposition en retirant son projet.

-Sur le plan politique, le rejet du projet provoquerait évidemment un tsunami et obligerait Emmanuel Macron à proposer une réponse politique susceptible de lui apporter une nouvelle légitimité. Dans la situation internationale actuelle, c’est difficilement imaginable. D’autant que l’opposition n’est pas en mesure de gouverner. Les partis qui la composent (la France insoumise et les écolos.) ne sont pas des partis de gouvernement. Ne serait-ce que sur ce projet des retraites, aucun parti n’a proposé de solutions alternatives.

Sur le plan syndical, les organisations co-gérantes du régime par répartition auraient beaucoup à perdre. Elles sont actuellement en reconstruction. Leurs appareils survivent actuellement non pas grâce au nombre de leurs adhérents (ce nombre est trop faible) mais grâce à leur participation à la gestion des systèmes sociaux (sécurité sociale, retraites, caisses d’assurance maladie et d’assurance chômage). La faillite de systèmes sociaux est un peu la faillite des syndicats. Par conséquent, les syndicats ont intérêt à sauver le système par répartition s’ils veulent se sauver eux-mêmes.

Sur le plan socio-économique, c’est-à-dire au niveau des assurés sociaux, les réactions seraient sans doute très individuelles. Chacun cherchant à protéger ses intérêts personnels. A partir du moment où les régimes de retraites par répartition montrent à l’évidence des signes de fragilité, la confiance se fissure et tous ceux qui le peuvent préparent leur avenir.

C’est assez désolant pour les petites gens, qui sont actuellement avec des petits salaires et des carrières sans beaucoup de perspectives, parce que la retraite fait figure d’assurance contre les risques de la vieillesse.

Pour ceux qui appartiennent à la classe moyenne plutôt favorisée, (salariés ou travailleurs libéraux, commerçants) ils vont s’organiser pour trouver des solutions compensatoires. Comment en accentuant la constitution d’une épargne de précaution qui est déjà importante : dans l’immobilier, l’assurance-vie, les produits retraites. Les banques et les sociétés de placements vont déployer leurs offres pour répondre à ces besoins.

Le rejet de la reforme Macron, va évidemment créer le besoin de se protéger. Et le seul moyen de se protéger est de se tourner vers des solutions offertes par l’économie marchande, c’est à dire par les acteurs prives spécialistes de toutes les formes possibles de capitalisation. La Nupes et ses alliés allies rêvent sans doute d’un bon coup politique mais en tuant la reforme, ils vont sans doute achever les régimes par répartition

 en prétendant les sauver.

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