Et si le mal français était aussi de vouloir être propriétaire de son logement?

La politique d’encouragement à la propriété immobilière est très surement un facteur de rigidité et par conséquent sans doute un facteur de chômage.

 

A l’heure où le gouvernement prépare une révision globale de la politique du logement pour faire face à la demande, il est sollicité de toutes parts par les professionnels pour reconduire les aides fiscales à la propriété (aides fiscales, crédit à taux zéro, prime etc...) . La vraie question est de savoir si une politique qui permettrait à chacun d’être propriétaire de sa maison ou de son appartement est encore une bonne idée. Le mal français se « loge » peut-être dans des recoins qu’on n’imagine pas. Explications :

 

1ère : la catastrophe française c’est le chômage. Et pour lutter contre le chômage, on a tout essayé. On a bricolé (et on continue) les indemnités chômage, les emplois aidés, les emplois publics, les contrats de stages, les faux CDI, les CDD multiples... Et ça ne produit que de la frustration.

2e : Emmanuel Macron essaie de lancer un train de réformes plus structurelles qui tiennent compte des mutations avec la fin des industries traditionnelles, l’explosion des échanges mondiaux et l’invasion digitale. D’où la formation permanente et l’aide à la mobilité dans l’entreprise. Flexibilité, mobilité dans l’entreprise. Très bien. Tout le monde est d’accord.

3e Il y a quelques jours, Emmanuel Macron fait scandale en regrettant que des salariés en difficultés rechignent (et même refusent) à accepter un travail à moins de deux heures de chez eux.

Il a encore raison. Il faut absolument introduire cette culture de la mobilité géographique pour résoudre une grande partie du chômage.

Mobilité, déménagements, c’est une culture très partagée aux Etats-Unis, en Allemagne et dans beaucoup de pays de l’Europe du Nord. Pas en France.

4e  Seulement voilà, les français ont la propriété immobilière dans le sang. Et ça les bloque. Emmanuel Macron a simplement oublié que les français, dans leur grande majorité sont attachés à leur logement. Ils l’ont acquis ou alors ils sont en train de l’acquérir par le crédit.

Plus de la moitié des français est propriétaire et ils ont des raisons, parce que pendant 70 ans, depuis la Libération de 1945, tous les gouvernements leur ont rebattus les oreilles de la nécessité d’accéder à la propriété. La campagne d’intoxication immobilière s’est même accélérée depuis 1968. L’administration, les collectivités locales, les entreprises, les politiques de droite comme de gauche, ont tout fait pour favoriser l'accession à la propriété immobilière : des crédits faciles, pas chers, des prêts à taux zéro, des déductions fiscales par paquets entiers. Bref, on n’a jamais lésiné.

La motivation était simple. La propriété du logement, c’est l’assurance d’avoir un toit, de protéger sa famille, ses enfants et de préparer sa retraite. On a même allongé les crédits à plus de 25 ou 30 ans pour alléger les mensualités de remboursement. Accessoirement, les politiques y ont vu aussi un facteur de stabilité. Quand on est propriétaire de son logement, qu’on doit rembourser le crédit, on a tendance à laisser au placard ses illusions de jeunesse, ses gouts de rébellion et de critiques sociales. Pour tous les sociologues, un peuple de propriétaires est plus docile. Enfin, c’est ce qu’on croyait.

Conclusion : on s’aperçoit aujourd’hui que ce statut de propriétaires est un facteur de rigidité et de conservatisme.  La famille qui est propriétaire hésitera à déménager pour changer de travail et même pour gagner mieux. Elle préfèrera rester là où elle habite.

Alors, elle peut rester pour des raisons affectives, culturelles, pour les enfants, les raisons qu’on se trouve sont multiples. Mais une des vérités qu’on n’avoue pas, c’est aussi qu’on ne peut déménager parce qu’on est collé avec cette maison que dans bien des cas, on ne réussit pas à revendre.

Dans les régions en difficulté, celle où il n’y a plus de travail, les prix de l’immobilier se sont effondrés parce qu’il n ‘y a pas d’acheteurs. Il n’y a même pas de locataires possibles.

 

En Allemagne, dans beaucoup de pays de l’Europe du Nord, aux Etats-Unis, la proportion de propriétaires est beaucoup plus faible (moins de 20% contre près de 60% en France). Du coup, on est dans ces pays-là beaucoup plus mobiles.

On devient propriétaire en Allemagne ou en Grande Bretagne au moment de partir en retraite, parce que pendant toute la vie active, le systeme a incité les salariés à épargner en capitalisation.

 

Comme par hasard ces pays-là ont organisé une meilleure fluidité des salariés et une meilleure flexibilité du travail. On peut ainsi déménager d’une région à l’autre pour accepter un travail plus intéressant.

Qu’on le veuille ou non, la politique de l’emploi en France passera aussi par une réforme radicale de la politique et de la mentalité liées au logement.

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