Face au protectionnisme américain, la France ne peut rien faire sans l’appui de l’Europe toute entière.

Emmanuel Macron et Joe Biden se livrent à une belle démonstration d’amitié. Mais les milieux d’affaires attendent des mesures concrètes pour échapper au risque du protectionnisme américain.

La France ne pourra pas réagir seule et Emmanuel Macron n’a pas de solutions miracles.

Les décisions américaines pour répondre aux menaces inflationnistes vont entrer en vigueur, très vite. Au premier janvier de l’année prochaine. Elles se résument à des aides directes fléchées sur les seuls producteurs installés dans la zone américaine. En clair, les productions « vertes » notamment seront très fortement aidées, en particulier l’automobile, à une condition, que ces produits soient conçus et fabriqués sur le territoire américain dans des entreprises où des syndicats américains sont admis. Ces conditions ferment automatiquement le marché américain aux importations étrangères et notamment japonaises ou européennes. Ces marques étrangères ne produisent pas localement, sauf pour quelques-unes qui sont installées dans des zones géographiques où les syndicats ne sont pas implantés.  Mais le secteur automobile n’est pas le seul touché. Le bâtiment, qui utilise beaucoup d’isolants, le sera également. Les produits issus de la chimie ou les batteries. Sur l’agro-alimentaire, qui est déjà très surveillé depuis les décisions de Donald Trump, il faudra éplucher avec attention les milliers de pages qui composent cette décision.

Le montant global consacré à ces aides parait considérable, plus de 300 milliards, mais s’étale sur dix ans, ce qui en relativise l’impact. 

Le problème est que ces mesures s’ajoutent à des aides directes aux ménages sous forme de chèques, qui ont soutenu la consommation juste avant les élections.  

Mais pour les Européens, ces mesures interventionnistes aggravent encore l’effet des marchés. Quand on prend en compte les effets d’un dollar fort, d’un pétrole cher et l’abondance de gaz aux Etats-Unis, on s’aperçoit que les avantages relatifs dont bénéficient les entreprises et les clients américains vont devenir insupportables aux Européens. La chimie européenne, par exemple, paie son énergie sept fois plus chère que les Américains avec un dollar qui vaut 10% de plus que l’euro.

Le résultat de ces mouvements, encouragés et financés pour partie par la gouvernance américaine, peut entrainer une vague de désindustrialisation en Europe. La tentation de délocaliser des fabrications dans un pays où l’énergie n’est pas chère et où les marchés sont protégés sera très forte.

Emmanuel Macron est donc reçu en grandes pompes à Washington, dans ce climat, sans avoir dans ses bagages des réponses précises qui permettraient de contrecarrer cette évolution.

Toutes les solutions envisagées ou expérimentées seront plus symboliques que performantes.

D’abord, il est évident qu’on peut inventer tous les boucliers tarifaires possibles qui peuvent alléger la facture du client, ils ne suffiront pas parce qu’ils reviennent à creuser les déficits budgétaires et ne répondent pas au choc énergétique à long terme.  

Ensuite, la France peut brandir la menace de porter plainte à l’OMC (l’organisation mondiale du commerce) pour abus de positions dominante et non-respect des accords de libre circulation, mais ce type de procédure ne servira à rien parce que l’OMC est complètement paralysée et impuissante.

Enfin, la France pourrait répondre par des mesures de protection sur certains secteurs mais la France perd son temps à se livrer à une surenchère protectionniste qui ne contribuera qu’à asphyxier les économies.

Donc Emmanuel Macron a peu de propositions à faire au président américain, sauf peut-être d’envisager de négocier des exceptions sectorielles pour protéger certaines activités.  C’est évidemment ce que fera l’industrie du luxe et ce que peuvent faire les industriels de l’automobile, Stellantis par exemple qui est en avance sur la décarbonation des véhicules et qui va avoir intérêt à négocier durement avec les Américains des possibilités d’accès au marché intérieur.

Au total, l’affrontement sera chaud. Parce que ce qui est en jeu dans cette affaire, c’est l’activité, la croissance et l’emploi dès l’année prochaine. La France n’a que deux solutions qui sont complémentaires.

La première est de renforcer la coopération européenne pour lancer un plan de protection équivalent au plan américain. Puisque l’Amérique se protège, pourquoi l’Europe n’en ferait pas autant? Mais pour que l’Union européenne puisse se protéger, il faudrait que tous les pays membres soient d’accord, et notamment l’Allemagne. Or, l’Allemagne on le sait, peut difficilement prendre le risque de fermer le commerce avec la Chine. La négociation avec l’Allemagne a été engagée. Elle sera compliquée.

La deuxième solution, mais elle est complémentaire, sera de développer une politique énergétique européenne plus cohérente de façon à restaurer une sécurité d’approvisionnement et à obtenir des prix plus compétitifs. Sur l’électricité notamment, la où la France est particulièrement pénalisée par des accords européens. La solution passe par le nucléaire, ce qui suppose que les Allemands doivent reconnaitre qu’ils se sont plantés avec le gaz russe et avec les énergies naturelles. Et qu’il faudra privilégier l’énergie nucléaire, dont la France maitrise la technologie et y consacrer des moyens considérables.  Ce qui n’est pas fait.