Fiscalité : Mais arrêtez-les, ils sont devenus fous… !

Par Jean-Marc Sylvestre. Le débat Depardieu est devenu surréaliste. Que Gérard Depardieu ait été excessif, c’est évident, mais c’est dans sa nature après tout. Ce qui est difficilement compréhensible, c’est le déchainement de violence et d’injures de la part des membres du gouvernement, à commencer par le premier ministre qui a allumé la mèche.
On a entendu tout et n’importe quoi…
1er – Gérard Depardieu est très riche, certes, mais il y en a d’autres plus et moins riches que lui qui sont partis a Genève, à Bruxelles, ou à Londres. Des héritiers, des artistes et des industriels… Comme le dit Jamel Debbouze, « Qu’on les laisse tranquille. Chacun fait ce qu’il veut. »
2e – Quand on lui reproche son manque d’éthique et de morale, on prend un risque. Au nom de quelle logique, de quelle morale, de quel esprit égalitaire ? Compte tenu des impôts payés et du métier qu’il fait, il n’a volé personne. C’est son problème de choisir la frontière belge au 6eme arrondissement de Paris. Et quand Michel Sardou s’offusque d’une telle fuite devant des responsabilités nationales, il devrait se souvenir que lui-même a vécu en Floride pendant plus de dix ans, et la Floride c’est le paradis fiscal… On n’ose pas penser qu’il ait tapé ainsi sur son copain pour se faire de la pub et vendre ses CD et ses concerts.
3e – Quand on vient raconter que Gérard Depardieu a fait fortune grâce à son talent et à son travail, c’est vrai. Quand on vient lui reprocher que c’est grâce au public français, c’est évident. Et alors ? On n’a jamais obligé les spectateurs à aller voir les films de Depardieu, ni les télévisions à acheter les droits. Maintenant, quand on vient lui rappeler que s’il a réussi, c’est grâce au cinéma français qui est l’un des plus aidé du monde par le contribuable… On dit une chose juste (le cinéma français est très aidé) ; mais on dit aussi une chose fausse (les films de Depardieu ne sont pas aidés, leur succès a même tendance à financer des productions plus compliquées). Enfin, on donne une idée formidable qui profiterait a tout le monde, que l’on supprime les aides au cinéma si elles coutent si chères. Je ne sais pas si Aurelie Filippetti à bien pensé qu’en estimant que l’argent de Depardieu était scandaleux, la logique pour elle était de diminuer le budget public d’aide a la production et aux intermittents… Quel bazar !
4e – Quand on en vient à menacer Depardieu de perdre la nationalité française, c’est stupide. Quand on en vient à annoncer une refonte des systèmes fiscaux et des accords européens, on ouvre un chantier immense impossible à finaliser.
La fiscalité fait partie de l’ADN d’un pays. Dans l’espace européen, où les produits et les services peuvent s’échanger, on doit travailler à l’harmonisation des impôts de production… Et si on regarde le problème sérieusement, il n’y a pas de grosses distorsions de TVA. Il reste quelques différences sur l’impôt des sociétés, et surtout sur les charges sociales.
Mais globalement, l’impôt correspond au niveau des dépenses publiques et sociales qu’il convient de financer. Et quand le niveau d’impôt est devenu exorbitant, confiscatoire, il faut baisser les dépenses publiques. Curieux quand même qu’aucun ministre de ce gouvernement n’ait reconnu qu’on avait un problème d’asphyxie fiscale.
Maintenant, deux remarques :
1 – Les hauts taux tuent les totaux. La règle de l’économiste américain Laffer s’applique partout. A partir du moment où le taux d’imposition est excessif, supérieur à 50%, les contribuables arrêtent de travailler, ils fuient. On ne peut pas appliquer la double peine, imposer le revenu et imposer le capital qui n’est rien d’autre que l’accumulation de revenus antérieurs non consommés.
2 – L’Europe doit évidemment travailler à l’harmonisation fiscale, mais cette harmonisation a des limites. Un pays qui n’a pas grand-chose à offrir à ceux qu’il veut attirer n’a pas grand-chose d’autre à faire que d’essayer la fiscalité light. C’est le cas de l’Irlande, du Pays Bas ou de la Belgique. La Floride n’attirait que les moustiques jusqu’au jour où le gouvernement de Floride en a fait un paradis fiscal où se réfugient les américains.