General Electric : Pour sortir de la crise, Bruno Le Maire veut installer une solution industrielle plutôt que de céder à l‘analyse politique...

Parce que jusqu’alors, les solutions politiques n’ont apporté que des frustrations et des colères, Bruno Le Maire veut imposer une analyse purement industrielle.

La décision de General Electric de supprimer plus de 1000 emplois dans la division turbine à gaz est évidemment un drame dans cette région de Belfort qui s’avère mal en point, comme beaucoup de régions très industrielles.

C’est un drame social dont la responsabilité incombe directement aux dirigeants de General Electric, coupables d’une erreur stratégique flagrante, coupables aussi d’avoir, au moment de la reprise d’avoir fait des promesses complètement illusoires que beaucoup ont fait semblant de croire. Y compris le pouvoir politique qui ne pouvait peut-être pas faire autrement. Parce que pour tordre le bras à un industriel du poids de General Electric, il faut de l’argent et acheter pour lui ce qu‘il ne peut pas payer. Pendant un demi-siècle, l’empire General Electric, gouverné par un gourou du management, a fait la mode et la météo dans le business mondial.

Ça n’est pas la première fois qu’une gouvernance d’entreprise coincée par des objectifs de court terme ne réussit pas à regarder au delà de son cours de bourse et se tourne vers l‘Etat ou la collectivité locale pour gérer les impacts sociaux politiques.

La capacité de prévisions à moyen et long terme de beaucoup de chefs d’entreprise est nulle, surtout quand ils opèrent sur un terrain étranger et qu‘ils ont le nez sur le cours de bourse. Ils sont de ce point de vue très Keynésiens. Lesquels ont toujours considéré que le long terme avait peu d’importance puisqu’à long terme, nous serions tous morts. On peut donc raconter des sornettes.

Mais quand le mur des réalités se rapproche, les politiques en prennent les effets de plein fouet. Tous les gouvernements ont eu à gérer ce type de cataclysme : Pechiney, Vilvorde, Florange, Ford, Whirlpool, l’histoire récente retient le plus souvent les fermetures d’usines liées aux mutations industrielles. Mais que vaut un discours académique sur la mutation industrielle pour des familles qui se retrouvent rayées de la société. Tous les gouvernements connaissent ce type de sauvetage à opérer sans y parvenir autrement qu‘en perfusant le tissu de fonds publics et en parant, quand c’était possible, les excès de colère.

 

Bruno Le Maire était évidemment au courant des évènements à venir sur le territoire de Belfort, et s’il a tout fait pour retarder l’officialisation de cette décision après les élections européennes, il ne pouvait pas l’empêcher.

Ce qui est intéressant, c’est que contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, il ne s’est pas engouffré dans une analyse politique de cette catastrophe sociale dont il sait bien qu‘elle ne débouche que sur de la frustration et des blocages.

Il a entamé une analyse très pragmatique pour essayer d’accoucher d’une solution industrielle.

Le problème de General Electric est purement industriel. GE a cru bon de maintenir et même d’agrandir la division production de turbines à gaz en pensant que le marché mondial aurait porté ce développement, en imaginant que les pays émergents offriraient des débouchés considérables. C’était l’époque où on était convaincus que la croissance viendrait d’ailleurs et qu’il fallait aller la chercher avec les dents. General Electric avait les dents qu’il fallait.

Sauf que les dirigeants de GE n‘avaient guère de talent pour imaginer l’avenir et qu’en plus, ils étaient arrogants ou alors naïfs.

On pouvait croire à juste titre que les besoins en turbines à gaz seraient considérables... on pouvait croire que les besoins en énergie dans les pays émergents feraient vivre l'Occident ... mais la prudence et l’intuition auraient pu les avertir que la transition énergétique n’était pas seulement une lubie d’intellos désœuvrés, mais une obsession légitime et solidement ancrée dans les gènes de la nouvelle génération.

Erreur de stratégie industrielle ? Evidemment. Erreur de management et de gouvernance pour avoir ignoré tous les contrepouvoirs qui avaient allumé les warning.

Aujourd’hui, Bruno Le Maire a le mérite de reconnaître que l‘Etat n’aura pas de solutions miracles ni de reprises sur fonds publics, mais la volonté de favoriser la reconversion du site industriel de Belfort. Le marché mondial n’achètera plus de turbine à gaz. Il faut donc cesser d’en fabriquer et se tourner vers d’autres activités ou le pays à quelques compétences :

- L’aéronautique, c’est possible

- La construction ferroviaire, parce que la branche transport gérée par Alstom a le vent en poupe. Le monde entier a besoin de transports en commun non polluants. Le monde entier a besoin de TGV.

- Les turbines à hydrogène.

- L’industrie nucléaire, quoi qu’il arrive, aura besoin d’investissements, à la fois pour démanteler les vieilles centrales et pour construire les nouvelles.

- Le développement des turbines hydrauliques.

 

Bruno Le Maire trace les hypothèses ou les lignes de développement. C’est la bonne démarche. Politiquement, ni la gauche ou ce qu’il en reste, ni les écologistes, ni même les souverainistes ne peuvent lui en vouloir d’imposer cette approche.

Maintenant, il faut trouver des capitaines d’industrie pour ouvrir les chantiers et on retombe sur les deux problèmes qui minent les espérances françaises.

Un, le manque de compétences techniques. Le territoire de Belfort va encore accroitre son taux de chômage, mais parallèlement, les entreprises des régions n’ont jamais manqué d’autant de compétence qu’aujourd’hui. Enorme paradoxe qui va demander beaucoup de temps de formation pour se résoudre.

Deuxième problème, le manque de capitaux. Malgré les taux d’intérêt très bas, malgré l’activisme régional de la BPI, l’épargne française ne se bouscule pas dans les entreprises industrielles. Et là, tout dépend de l’écosystème fiscal.

Mais si cette affaire GE-Alstom, ou même Renault-Fiat, nous montre que le gouvernement a contracté le virus du pragmatisme, on va peut-être réussir à reconquérir les territoires industriels.

Ce n’est pas impossible. Etant aveuglés par les trains qui arrivent en retard ou les usines qui ferment, nous ne nous efforçons pas de voir que la France a, l’année dernière, ouvert plus d’usines qu’elle n’en a fermé, et surtout que l’Hexagone est devenu le 4ème pays le plus attractif ou désirable pour les investissements étrangers.

 

 

 

 

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