Il faut sauver le soldat Cahuzac

Jérôme Cahuzac a donc parlé.
Il a dû se convaincre d’avoir bien parlé et ses services de communication ont dû lui donner raison. La réalité est bien différente. L’exercice de communication est en fait complètement raté. Plus grave, il a très certainement creusé encore davantage son déficit de crédibilité. D’abord il n’a évidemment pas réussi à fermer le procès qui lui est fait concernant le soupçon d’avoir eu dans le passé un compte en Suisse. C’est invraisemblable cette histoire. Ce procès est très injuste. Procès en sorcellerie assez courant dans les milieux politiques. Procès instrumentalisé plus souvent par les « amis politiques » que par les adversaires. Un procès qui l’obligera à apporter la preuve irréfutable de son innocence sinon il sera progressivement laminé et condamné. La vie médiatique est ainsi.
Ensuite, et c’est politiquement plus conséquent, il n’a pas réussi à apporter une réponse convaincante au problème posé par la surfiscalité. Or, c’est son job. C’est même son corps de métier. Concernant, la mesure retoquée par le Conseil Constitutionnel d’imposer les très hauts revenus à 75%, le ministre du Budget est incapable d’expliquer par quoi cette disposition sera remplacée. Il est aussi incapable de dire pour combien de temps et laisse entendre que le nouveau dispositif sera pérenne.
Le flou est tel que le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici a dû apporter des explications… qui se révèlent contradictoires avec celles de Jérôme Cahuzac ! C’est le monde à l’envers et cela 48 heures après un séminaire gouvernemental ou l’essentiel a été consacré à la communication solidaire. Au delà des modalités alternatives, on comprend que Jérôme Cahuzac était contre cette mesure. Il dit ce que tout le monde savait, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’une promesse électorale du candidat Hollande, dont tout le monde souhaite qu’elle ne soit pas appliquée. Cette promesse, elle n’a aucun rendement et n’a de valeur que symbolique.
Plutôt que de noyer le poisson, Jérôme Cahuzac en rajoute pour réaffirmer que la promesse faite sera tenue. Alors que personne n’en veut.
Que Gérard Depardieu fasse du cirque pour critiquer la surfiscalité française, on peut considérer que c’est dans ses gènes et dans son rôle d’acteur. Mais que le ministre du Budget en rajoute pour lui permettre de transformer ce sketch de one man show, un peu usé, en une série TV vendue dans le monde entier… on rêve !
Enfin, faut-il rappeler que le texte proposant ces 75% a été écrit par les services du Budget, donc sous la responsabilité de son ministre et que les hauts fonctionnaires de Bercy qui sont sous sa tutelle ne pouvaient pas ne pas savoir que le texte serait refusé par le Conseil Constitutionnel.
Ce désordre va gêner tout le monde.
Le débat sur la fiscalité va énerver l’extrême gauche qui se dit que l’on oubliera les réformes. Ce débat va alimenter la déception de ceux qui ont voté Hollande en pensant que les promesses seraient réalisées. Mais ce débat risque fort d’irriter l’aile social-démocrate et les centristes, qui espéreraient sortir de cette impasse sans trop de symboles agités. Ce débat donne enfin du grain à moudre à une opposition qui ne pouvait pas rêver meilleure façon de se réveiller.
Du côté du monde des affaires, on est assez désenchanté. La surfiscalité asphyxie toutes les initiatives et les chefs d’entreprises comptaient sur Jérôme Cahuzac, son pragmatisme et sa connaissance de l’entreprise pour arrondir les angles et faire une fiscalité compatible avec les contraintes économiques. Pour l’instant c’est raté. Jérôme Cahuzac est de plus en plus démonétisé. Le gouvernement peut toujours faire de la communication, les ministres peuvent se mettre au diapason, tout le problème est de définir la stratégie et les outils.
Si la stratégie est de conduire une guerre de l’emploi, le rôle de l’État devrait être de mettre tous les moyens au service d’un écosystème favorable au développement et la création des entreprises privées. Et parmi ses moyens, il y en a deux. Ils sont hyper-importants. D’une part l’efficacité de l’administration et des entreprises publiques, et d’autre part, la compétitivité fiscale. La compétitivité fiscale passe par moins d’impôts et moins de charges. La baisse d’impôts passe par une baisse des dépenses publiques donc par une amélioration de la compétitivité des administrations publiques. Vu comme ça, rien de compliqué à expliquer à l’opinion publique. Vu comme ça, l’opinion publique est parfaitement capable de le comprendre et de l’accepter. Qu’elle soit de droite ou de gauche.