Immobilier : Des vignobles pour blanchir de l’argent noir ?

Par Martine Denoune.

Par Martine Denoune.

Détenues jusque là par des familles françaises, nos vignobles peuvent servir de lessiveuses pour des acquéreurs étrangers peu recommandables, selon Tracfin qui traque les opérations de blanchiment.

Sur les 37 châteaux vendus l’an dernier dans le Bordelais, 22 ont été achetés par des investisseurs chinois.

Comme chaque année, je me penche sur le rapport d’activité de Tracfin, cet organisme public chargé de traquer les opérations de blanchiment. Et surprise je constate, que les propriétés viticoles françaises peuvent servir de lessiveuses pour des acquéreurs étrangers peu recommandables. Gare donc aux professionnels de la transaction, notamment des spécialistes de l’immobilier haut de gamme ayant créé un département dédié aux propriétés viticoles.

Dans son dernier rapport, cette cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme  a consacré un focus à la montée des risques dans le secteur vitivinicole. J’y relève que les déclarants, notamment les banquiers et les notaires sont de plus en plus vigilants sur  l’acquisition de vignobles français  par des investisseurs étrangers.

Mainmise d’investisseurs étrangers

« Sous l’effet combiné de la baisse de la consommation intérieure de vins et de l’augmentation de la taille moyenne des exploitations, le nombre de propriétés vitivinicoles diminue et de nombreux domaines pourraient ainsi changer de propriétaires dans un contexte haussier du prix de l’hectare » précise Tracfin. Parallèlement, le secteur viticole enregistre une hausse des exportations de la production de vins résultant de la forte demande de certains pays émergents, et notamment la Chine.

Tracfin reçoit des signalements d’investisseurs, notamment russes, chinois et ukrainiens, dans un secteur jusqu’à présent majoritairement dominé par des groupes familiaux français. Pour que des vignobles français passent sous leur bannière,  ils dépensent des sommes colossales. Mais surtout ces investisseurs étrangers peuvent utiliser des montages juridiques complexes, basés sur des sociétés en cascades installées dans des pays à fiscalité privilégiée.

Sociétés en cascade

En pratique, des sociétés de droits français, ayant pour objet social « la prise de participation dans toutes entreprises existantes ou à créer »  acquièrent des domaines vitivinicoles accusant un déficit d’exploitation. Mais elles sont créées par des sociétés étrangères dont le siège se situe dans des pays à fiscalité privilégiée.

Exemple, une holding chypriote détenue par une société écran basée dans un pays à fiscalité privilégiée, appartenant à une personne physique de nationalité russe apparaissant comme étant, in fine, le bénéficiaire effectif de cet investissement.

Dans l’immobilier comme dans les vignobles, les Russes cherchent à sécuriser leurs roubles. Néanmoins, si la Russie constitue un investisseur de premier plan dans le secteur vitivinicole, la Chine est en train de racheter une partie du vignoble française, en particulier dans le Bordelais. D’autant que les Chinois ne sont autorisés à sortir leurs fonds du pays, que pour investir dans des entreprises à l’étranger. Pour faciliter cette ruée chinoise, Christie’s vient d’ouvrir un département vignobles dans son antenne de Hong Kong.

Retrouvez cet article, et d’autres, sur le blog de Martine Denoune
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