Incroyable mais presque vrai : le coronavirus pourrait bien sauver la sécurité sociale de la faillite

C’est à peine croyable mais le coronavirus a d’abord provoqué un effondrement des dépenses de santé en France, et pourrait dans l’avenir responsabiliser les patients dans leur rapport à la santé. D‘une pierre deux coups, le système de santé pourrait retrouver un modèle économique équilibré sur le moyen et long terme.
On peut toujours rêver, diront les plus pessimistes, mais l’arrivée du coronavirus, la façon dont les gouvernements ont organisé les réponses pour freiner la pandémie et surtout la prise de conscience par le plus grand nombre qu’on pouvait changer nos modes de consommation de santé, ont d’abord provoqué un effondrement des remboursements de dépenses de santé et peuvent engendrer une responsabilisation plus grande des patients et des acteurs de santé.
L‘effondrement des dépenses de santé a été spectaculaire, les dirigeants de mutuelles s’en sont aperçus très vite quand ils ont senti la chute des demandes de remboursement dès le mois de février, alors que l’ensemble de la population appréhendait la vague qui arrivait de l’est de l’Europe. Alors que les responsables hospitaliers couraient après les masques et les tests, les salles de réanimation étaient saturées.
Les chiffres ne sont guère différents d’une mutuelle à l’autre.
Dès le mois de janvier, quand le coronavirus sort de Chine, parcourt l’Asie et le Moyen-Orient, la majorité des Français croit encore que le virus peut s’arrêter à la frontière. Mais beaucoup se souviennent du nuage de Tchernobyl qui lui aussi devait s’arrêter à la frontière. Bref en février, de plus en plus de Français craignent le pire. À ce moment-là, les dépenses de santé mesurées par le remboursement de dépenses baissent de 5 à 6% par rapport à l’année précédente. A la fin janvier, quand on apprend les premiers cas de Covid 19 sur les personnes à risques, les dépenses de santé décrochent de presque 10 %.
En mars et avril, donc en plein confinement, les dépenses s’effondrent complètement de 70 à 80 %. On le mesure par les demandes de remboursement auprès de la sécurité sociale et des mutuelles. Sauf à penser que les patients oublient de se faire rembourser, il faut bien admettre que cet indicateur est le bon pour mesurer l’évolution des dépenses de santé. C’est le moment où les hôpitaux publics tournent à plein régime. C’est le moment où les personnels de santé « épuisés » sont applaudis aux fenêtres dans les quartiers chics et moins chics.
A la fin avril, la courbe des remboursements se redresse un peu mais se situe encore à un niveau inférieur, à 65 % du niveau de l’année précédente.
En mai, juin, juillet et août, les dépenses de santé sont remontées mais restent encore en deça de 15% à la norme saisonnière comme disent les météorologues.
Ce phénomène assez étonnant s’explique très bien.
Acte 1, dès l’apparition du virus, l’attention se polarise sur les risques que porte le virus. La plupart des patients abandonnent très vite les demandes de consultation non urgente, laissent de côté les questions bénignes de confort. Les demandes de consultations sont moins nombreuses.
Acte 2, pendant le confinement tout va s’arrêter, sauf ce qui concerne le virus. Les cabinets médicaux se ferment pout la plupart ou s’organisent pour ne traiter que les urgences très urgentes. Beaucoup de maladies chroniques seront mises entre parenthèses si elles ne donnent pas des signes alarmants. Les spécialistes ont fermé leurs cabinets et repoussent les interventions à plus tard. Les services d’urgences des hôpitaux publics débordent, les autres services se vident, comme les établissements privés, puisque la plupart seront tenus à l’écart par le système de santé.
Acte 3, les dentistes suspendent toutes leurs consultations, ce qui représente une masse de dépenses très importantes en moins.
Acte 4, au moment du déconfinement, pas de rebond. Tout le monde aurait pu s’attendre à un rattrapage. En réalité, il n'y a pas de rebond, pas de rattrapage, une reprise assez molle. Alors l’accueil dans les cabinets médicaux n’encourage pas les visites chez le médecin. Les contraintes d’hygiène obligent les praticiens à limiter le nombre de patients. Mais finalement, indépendamment de ces contraintes, les patients sont assez peu enclins à renouer leur habitude de consommer de la Bobologie.
Acte 5, il faudra attendre quelques mois pour voir si le niveau de dépenses médicales relativement bas s’installent durablement sur le moyen terme. Il va falloir vérifier ce que les pathologies lourdes qui avaient été abandonnées sont devenues. Il va enfin falloir attendre l'évaluation du cout des arrêts de travail, mais il ne semble pas qu’il y ait eu de l’inflation. Ce qui s’est passé, c’est que le chômage partiel a parfois remplacé les arrêts de travail. Tout comme la multiplication du télétravail.
Par conséquent, beaucoup de dirigeants de mutuelles s’attendent à des rythmes de progression des dépenses de santé plus ralentis parce qu‘ils s’attendent à un changement d’attitude par rapport à la dépense de santé.
Deux raisons principales :
La première porte sur un accroissement des efforts de protection (masques par exemple) et de prévention. Une partie du mal français se situe dans le déficit de prévention d’où un coût relatif des traitements plus importants. La prévention s’exerce autant dans le respect des gestes barrières qui empêchent le virus de circuler mais aussi qui bloquent beaucoup de bactéries. Il est probable que si l’obligation de consommer du gel, et de porter le masque, si cette culture perdure et s’installe, il y aura beaucoup moins de grippes et d’infections au niveau des voies pulmonaires. Si en plus, on garde des habitudes de plus grande hygiène de vie, y compris dans l’alimentation, il est très probable que le taux d’infections diverses et variées qui empoisonnent la vie des médecins pendant l’hiver et remplit les pharmacies, va montrer une baisse.
Si en plus, la consommation de tabac et d’alcool pouvait baisser ... mais là, ne rêvons pas.
La deuxième raison d’espérer une amélioration des comportements portent sur la pédagogie que cette épidémie a permis au niveau du fonctionnement du modèle de santé. Avec les urgences, les débats sur le masque, et surtout sur les efforts consentis pour trouver un vaccin, on peut penser qu’une partie des Français s’est imprégnée du cout global de la santé. C’est d’autant plus important que le système de santé va entrer dans les négociations paritaires pour signer des accords de branche.
Des accords de branche sont signés par les directions d’entreprises et les représentants des salariés. Elles ont pour objectif de fixer l‘amplitude de la couverture sociale et le cout de la dépense que ça représente en cotisation. D’un côté, on décide quels sont les risques santé qui sont couverts et souvent les discussions suivent, de manière plus ou moins nourries. Sur la dentisterie par exemple ou sur l’optique, les débat sont chauds. Mais de l’autre coté, il faut définir qui paie quoi. Bref à partir d’une enveloppe globale, les partenaires sociaux doivent fixer quelle est la part payée par les salariés et la part payée par l’entreprise.
Alors si les débats sont parfois animés dans certaines branches, ils sont toujours responsabilisants. Les acteurs sociaux doivent assumer leurs choix.
Cette mécanique-là doit servir à légitimer un système de santé que le Covid 19 a mis sur la sellette.
On s’est aperçu à l’occasion de cette pandémie que notre système de santé qui coute très cher, aussi cher que le système allemand, n’était pas le meilleur du monde comme beaucoup d’hommes politiques le disaient. On s’est aussi aperçus, compte tenu de ce qui s’est passé dans les hôpitaux, que la santé était loin d’être gratuite.
