L’effet Trump : quand de plus en plus d’Américains connaissent la tentation de l’exil

Le nombre d’Américains souhaitant quitter leur pays n’a jamais été aussi important. Vrai projet ou simple tentation ? C’est en tout cas totalement nouveau.

Les chiffres sont parfois tétus. 16 % des Américains manifestent leur envie, leur désir, voire leur projet de quitter l’Amérique pour aller s’installer et faire leur vie à l‘étranger.
Les résultats de cette étude de l’Institut Gallup ont été très commentés aux Etats-Unis, beaucoup moins en Europe. Pour une raison très simple, l’attachement des Américains à leur pays a toujours été très fort, beaucoup plus que l’attachement des populations dans d’autres pays occidentaux. Jusqu’alors, la part des candidats à l’expatriation a toujours été inférieure à 10 % et circonscrite à des catégories sociales bien spécifiques. C’était le cas sous la présidence Obama, et même sous la présidence de George Bush. Aujourd’hui, ce taux affecte tous les segments de la population.
C’est pourtant dans l’ADN des Américains d’être foncièrement attachés à ce pays qui les a accueillis, intégrés et qui continue de les faire rêver à un avenir meilleur.
Sans rentrer dans le détail de cette étude réalisée après deux ans de présidence Trump, et alors que la situation économique a été rarement aussi florissante, trois observations :
1er observation, Gallup a constaté que cette montée de température est surtout le fait de jeunes femmes. 20% des femmes voudraient quitter désormais le pays et la moitié d’entre elles qui veulent s’installer ailleurs ont moins de 30 ans.
Les femmes américaines considèrent que le président Trump ne les respecte pas dans la forme. Et sur le fond de la politique conduite, elles soulignent à 60% que la gouvernance américaine a fait assez peu de choses pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes.
2e observation, le clivage entre les plus pauvres et les plus riches a continué de s’aggraver, plus qu’avec Obama et ses prédécesseurs, alors même que Donald Trump a été élu avec la promesse de redresser la situation des Américains déclassés par la désindustrialisation et ce, malgré la situation économique globale très bonne. Dans la tranche des 20% d’Américains les plus pauvres, plus du tiers déclarent « vouloir ou chercher » à s’installer à l’étranger. C’est une proportion très forte par rapport à l’histoire des Etats-Unis qui ont toujours su offrir des perspectives à ceux qui rejoignaient leur territoire.
3e observation, quand on interroge les Américains qui veulent s’expatrier pour savoir dans quel pays ils souhaitent partir, un seul pays revient avec une écrasante majorité : le Canada.
Le Canada est devenu un modèle d’organisation pour beaucoup d’Américains qui savent d’ailleurs que le gouvernement d’Ottawa a défini une politique d’accueil et d’immigration particulièrement ambitieuse.
A noter que, quand on interroge les Français qui cherchent à quitter la France, ils donnent eux aussi, à une forte majorité, le Canada et plus particulièrement le Québec pour des raisons de langue, bien sûr.
Cette mode nouvelle pour un désir d’exil n’est pas liée à une appréciation négative des perspectives économiques. Tous les segments de la population savent que la situation économique et financière n’a jamais été aussi brillante. Pas de chômage, de la croissance donc de la dynamique. Ce qui inquiète les Américains, aujourd’hui, c’est le système social qui ne marche pas, et l’image politique que donne la présidence Trump au reste du monde.
Les partisans de Donald Trump sont peu nombreux à émettre un désir de s’exiler. Ses adversaires sont 22 %, c’est à dire 3 fois plus nombreux, alors même qu’ils ne sont pas parmi les plus défavorisés. Jusqu'à l’arrivée de Trump, ceux qui n’avaient pas voté pour le président ne cherchaient pas à quitter le pays. Les républicains ont parfaitement accepté la présidence d’Obama pour lequel ils n’ont pas voté. Les démocrates n’aimaient guère George Bush, mais pas au point d‘envisager de quitter le pays.
Le phénomène le plus paradoxal, c’est que ces opposants à Trump, qui sont en majorité démocrates et qui n'excluent pas de partir, sont aussi ceux qui ont sans doute le plus profité de la situation économique. L‘Amérique de la côte Ouest, de San Francisco à Los Angeles, a battu grâce au digital tous les records de capitalisation boursière. Ceux-là n‘ont jamais aimé Donald Trump. Pourtant, eux, comme ceux qui tiennent l'industrie financière à New-York, n’ont pas trop à se plaindre de la politique économique de Donald Trump.
Sur la côte est comme sur la côte ouest, on ne ménage pas les critiques à l’encontre de Donald Trump. Lassés des tweets de la Maison Blanche, beaucoup émettent le désir d’aller à Toronto, qui ressemble tellement à New-York ou à Vancouver (qui est tellement proche de Seattle) ou même l’envie de rejoindre Montréal qui est « so french ».
Et quand ils construisent des rêves plus lointains, ils citent pourquoi pas l’Europe, Berlin pour les plus jeunes, Barcelone pour ceux qui ont vendu leur startup ou Amsterdam pour les plus riches.
Et Londres ? Non, trop incertain ! Quant à Paris : « Yes Paris , so cute, but for a week end !»...