L'inflation, c'est comme une drogue. Calmant, mais aussi un piège dont l'Etat n'ose pas calculer le coût

A cause de l’inflation, les Français comptent une fois de plus sur l’Etat pour les protéger alors qu’ils auraient urgemment besoin d’un électrochoc de liberté et de responsabilité individuelle.
Comm intense et répétée
Le président de la République et les membres du gouvernement se doutaient bien que les chiffres de l’inflation en février allaient faire l’effet d’une gifle annonçant un mois de mars rouge sur les prix.
D’où « la com… intense et répétée » de la part du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et du président lui-même, qui a passé sa journée de samedi au salon de l’agriculture pour en parler, sermonner les distributeurs et rassurer les producteurs.
En bout de chaine, les consommateurs n’y comprennent pas grand-chose. Alors ils s’inquiètent et se retournent vers l’État pour lui demander des comptes.
Depuis un an, il est évident que la guerre en Ukraine et ses effets sur l’énergie se sont combinés aux conséquences de la reprise après Covid et que la résultante a semé beaucoup d’inquiétudes dans les entreprises et chez les consommateurs.
Après avoir réussi à contenir l’explosion des prix de l’énergie en distribuant des ristournes et des chèques d’amortissement aux automobilistes comme aux gros consommateurs, le gouvernement se retrouve aujourd’hui face à une inflation encore plus toxique parce que plus diluée et qui risque de s’étendre comme une tache d’huile à beaucoup de secteurs d’activité. L’inflation n’est plus essentiellement portée par le prix du pétrole, du gaz (qui sont revenus à leur niveau presque habituel) mais par les produits agro-alimentaires et finalement, par l’ensemble des produits de grande consommation. D’où la bagarre très dure entre les grands distributeurs et les producteurs, mais elle a toujours existé. D’où la colère (un peu sourde) qui ne s’éteint pas chez les ménages quand les salaires courent après les prix de la consommation. Et ne les rattrapent pas, parce que les entreprises cherchent par tous les moyens à protéger leurs marges, c’est-à-dire leur capacité à investir. Et les besoins d’investissement vont être considérables dans les deux années qui viennent.
Les entreprises doivent bien, d’une façon ou d’une autre, répercuter les prix des composants et des matières premières. « La valeur des inputs fait celle des outputs » pour reprendre le jargon des comptables. Par ailleurs, elles doivent aussi écouter leur personnel si elles veulent les garder, parce que la situation de l’emploi est désormais très tendue. Ceux qui peuvent en profiter en profitent pour réclamer des majorations de salaire.
Perte de valeur sur l'épargne
Très concrètement, l’objet du débat est connu depuis hier grâce à l’INSEE : la hausse des prix à la consommation en France s'est établie à 6,2 % sur un an, après 6 % au mois de janvier. Cette nouvelle progression a été tirée par prix de l'alimentation (14,5 % sur un an) et des services (+2,9 %).
Les radars de l’INSEE ont montré un début de décélération pour mars lié à un retour au calme sur le pétrole. Mais tout va dépendre des réactions étrangères. La Chine retrouve son rythme de croissance, la demande va s’alourdir, donc les prix aussi.
Alors les économistes classiques ont l’habitude de dire que cette inflation est un poison parce qu’elle dérègle toutes les chaines de valeur - mais dans les climats très keynésiens comme le climat français, cette inflation est toxique parce qu’elle fait l’effet d’une drogue addictive. Le consommateur consomme et absorbe l’inflation. Cette inflation dérègle son jugement. Le stress l’inquiète et du coup, il essaie de s’en protéger . De deux façons :
D’un côté, il se retourne vers l’État qu’il désigne comme coupable. Le coupable se défend très mal. Depuis le Covid, il a pris l’habitude de poser des perfusions ou d’offrir des chèques. L’État essaie de payer à chaque fois pour éviter que la fronde n’envahisse la rue. Pour justifier la guerre contre la retraite à 64 ans, Sandrine Rousseau explique très sérieusement que le Français a un droit à la paresse, elle pourrait aussi lui reconnaitre un droit à l’assistance sociale, la protection, la prévoyance. Bref à l’Etat providence. Une carte vitale universelle.
D’un autre côté , ce Français calme aussi son inquiétude par de l’épargne de précaution, liquide et disponible. Au mois de janvier, la collecte de cette épargne a battu tous les records historiques à plus de 15 milliards d’euros…compte tenu que l’épargne des Français constituée pendant le covid n’a toujours pas été décaissée, le total des suppléments d’encours aujourd’hui dépasse les 500 milliards. Si on ajoute au livret A l’argent des comptes bancaires, des comptes courants et des comptes à terme et de l’argent liquide et cash sous les matelas, on dépasse allègrement les 1000 milliards.
Les Français qui se plaignent déjà de payer trop d’impôts sont aussi ceux qui, en Europe, épargnent le plus. Dans ces conditions, ils paient sans y être obligés juridiquement un impôt inflation parce que cette épargne va certes leur rapporter si elle est sur le livret à 3% net. Mais elle va leur faire perdre plus de 6 % de valeur en 2023. Ce qui représente 60 milliards d’euros. Si on retient comme hypothèse que le rendement de 3 % s’applique à la moitié de l'épargne de précaution (soit une rémunération de 15 milliards), la perte sèche de valeur sur l’épargne disponible constituée sera de 45 milliards d’euros.
En bref, cette épargne perd en valeur 6% d'inflation sur 500 milliards d'épargne non rémunérée et sur 500 milliards rémunérée à 3 %. Donc, 45 milliards d’euros, c'est le prix payé par les Français pour calmer leur inquiétude de l’avenir donc l’inflation.
La solution de la liberté
L’inflation est donc une drogue que le système nous impose pour nous calmer, mais c’est une drogue qui coute affreusement cher.
Parce qu’entre le cout de l’Etat Providence et le coût de l’épargne déflatée, on hallucine … C’est le prix du mal français.
Le très gros problème auquel nous sommes confrontés est que le seul moyen de se guérir d’une telle addiction passerait par une mise en liberté et en responsabilité individuelle dans tous les domaines.Tourner le dos à l’Etat providence, c’est tourner le dos à l’Etat qui paie tout et intervient sur tout. Ce serait un électrochoc libéral, diront les responsables politiques mais alternatifs à la drogue.
Parce que l’arrêt de l’État providence passe évidement par la privatisation de beaucoup d’activités non régaliennes de l’Etat. Et leur prise en main par des privés ou des assurances. 70 % de la protection sociale pourrait être gérée selon des logiques assurancielles, les 30 % restant relèveraient de la solidarité garantie par l’Etat. Un service de base pour les Français en difficulté.
La France a moins besoin d’assistance, de précaution, de prévoyance que de prises de responsabilité et de risques. A tous les étages. C’est le seul moyen de s’affranchir de toute drogue de synthèse (ou pas).
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