La Covid a ouvert la porte aux arnaques financières et les Français sont tombés dans le panneau

En 2020, en pleine pandémie, les arnaques financières se sont multipliées. Beaucoup d’offres d’investissement, d’épargne et de crédit en tous genres ont attiré des épargnants en quête de rendement rapide et élevé, mais certaines d’entre elles se sont révélées frauduleuses.

Le préjudice des arnaques financières s’est largement accru en 2020 et il est estimé, pour l’année, à 500 millions d’euros. Le nombre de sites considérés comme frauduleux et inscrits sur la liste noire de la Banque de France a triplé depuis fin 2019. Toutes les catégories d’âge et sociales sont touchées par ces arnaques, chaque victime déclarée perd en moyenne 70 000 euros.

L’Autorité des Marchés financiers vient de publier une étude qui montre la crédulité des Français et leur exposition aux arnaques. L’instance de régulation, qui établit les bonnes règles de l’investissement en France et surveille les établissements financiers, a établi une cartographie des arnaques les plus courantes et des profils les plus susceptibles de se faire avoir, en interrogeant 5000 Français de plus de 18 ans.

Résultat : l’année 2020 a battu tous les records. Entre les surplus d’épargne accumulée – c’est à dire l’argent non dépensé, les aides reçues… et le temps libéré par le confinement et le couvre-feu, beaucoup de Français se sont interrogés pour savoir comment faire fructifier leur épargne et même comment jouer ou spéculer avec. C’était tentant à un moment où l’épargne ne rapporte rien ou presque à cause des taux zéro. Les produits financiers classiques (obligations, fonds euros d’assurance vie) sont devenus ennuyeux, bien que garantis. D’où l’insatisfaction croissante des Français à l’encontre  des acteurs traditionnels de l’investissement, banques et gestionnaires d’actifs. D’où la tentation de sortir des sentiers battus pour aller chercher de meilleurs rendements. Globalement, l’étude de l’AMF montre que le tiers des épargnants français, seulement, sont satisfaits de la variété des offres des banques, mais 85 % ne comprennent pas que cette épargne ne leur rapporte rien.

Avec un tel taux de frustration, les arnaques ont pu fleurir comme sur un terrain vierge. En quantité beaucoup plus nombreuses qu’en temps normal. L’étude dresse trois séries de constats désastreux pour l’épargnant français.

D’abord, mais ce n’est pas nouveau, l’épargnant français souffre d’un déficit de connaissances financières coupable. Comparé aux autres pays, la culture financière des Français est certes jugée dans la moyenne des pays de l’OCDE, 13/20, meilleure que chez les Italiens, mais c’est beaucoup moins bien que les Allemands. Certains concepts liés à l’investissement, comme la notion de diversification ou de rendement, n’est pas maitrisée par une majorité d’épargnants. Moins d’un Français sur 2, d’ailleurs, ne connait pas l’existence de l’AMF, alors que la première chose à faire, pour un investisseur, est de vérifier, pour toute société qui vend des produits financiers, si elle a reçu l’agrément de l’AMF. C’est un peu le label rouge de la finance.

Deuxième constat : ce sont les produits alternatifs aux livrets d’épargne qui sont en général utilisés comme vecteurs des arnaques. Pourquoi ? Parce qu’ils promettent des rendements de rêve, mais personne n’en connaît le fonctionnement, sauf à être trader. Dans plus d’un tiers des cas des arnaques recensées, les cryptomonnaies sont mises en avant pour attirer l’attention des investisseurs. Mais là où la méfiance naturelle des épargnants diminue le plus fortement, c’est quand les investissements portent sur des produits réels, tangibles (immobilier, place de parking, diamants…). Certains vont même jusqu’à proposer un rachat de crédit existants (crédit à la consommation).

Enfin, les arnaques sont de plus en plus sophistiquées. Passant par le digital, par les réseaux sociaux, les arnaqueurs touchent des cibles de plus en plus jeunes et donc de plus en plus inexpérimentées en matière financière. Les réseaux type Instagram ou Youtube permettent de mettre en avant un modèle, un influenceur qui s’enrichit par exemple, auquel vont s’identifier les potentiels clients qui sont ensuite redirigés vers des canaux plus opaques, serveurs type Telegram ou contactés directement par messages privés, pour obtenir plus d’informations. Parfois, il faut déposer un montant minimum de quelques centaines d’euros sur une plateforme de trading, pour commencer à avoir accès à quelques informations ou recevoir une formation au trading.

Les scandales qui ont touché l’épargnant lambda ces dernières années sont légion : la faillite de la néobanque Swoon par exemple, cette banque lilloise qui promettait le crowfunding, avait réussi à vendre à ses clients un livret d’épargne sécurisée, type Livret A, avec un rendement 3% « sans risque ». L’argent placé était en fait destiné à être prêté, sous forme de crowdlending, à des entreprises n’ayant pas forcément accès au crédit bancaire traditionnel et qui auraient donc payé un taux d’intérêt plus élevé, à hauteur de 5%. L’entreprise a fait faillite du jour au lendemain car elle n’a pas été capable de rembourser les créanciers. La pyramide de Ponzi s’est écroulée. Avant le Covid, on appelait cela de la cavalerie. Madoff était passé maitre dans ce genre de sport, au cœur de la crise financière en 2009. L’escroc a fait des émules.

Et puis qui ne se souvient pas, il y a quelques mois, de l’AMF qui avait adressé une amende à Nabilla pour publicité cachée, quand celle-ci avait annoncé à ses fans sur ses réseaux sociaux qu’ils pouvaient investir dans le bitcoin, « les yeux fermés » sans rien n’avoir à perdre. Avec deux fautes relevées (sans parler des fautes d’orthographe) : celle de ne pas signaler qu’elle touchait de l’argent d’un courtier pour cette vidéo, et de ne pas avertir ses fans sur les risques potentiels liés à cet investissement, voire carrément de les induire en erreur.

L’AMF est très tatillonne sur ce point. Elle ne manque pas de veiller à ce que toute proposition d’investissement, faite par une banque ou société financière, soit assortie de toute une série dispositions légales (« disclaimer ») pour se protéger de tous les risques possibles et imaginables. Ce sont les petites lignes d’un contrat que personne ne lit, mais elles sont en réalité indispensables.

Il y a des leçons à tirer d’un tel rapport qui pointe du doigt les lacunes financières des Français. Il pourrait s’agir de renforcer l’apprentissage économique et financier dès le lycée, alors qu’il est aujourd’hui réservé aux élèves qui choisissent la voie économique et sociale. Mais ça impliquerait de faire rentrer le thème de l’argent dans les programmes de l’Education nationale, ce qui est encore tabou aux yeux de la majorité des personnels enseignants.