La France et l’Allemagne à la manœuvre pour renforcer la gouvernance européenne

La crise a passablement démoli l’Union européenne. L’ancien président de la Commission, M. Barroso, n’avait pas su prendre en charge la gestion de la crise. La zone euro a tenu en équilibre mais l’Europe a été incapable d’organiser une politique de redressement efficace. Surtout, l’Europe a été incapable de compenser la monté des populismes et des protectionnismes nationaux.
Le résultat, c’est que pendant la crise, l’ambition européenne et le sentiment d’appartenance à une même communauté de culture a reculé. Plus grave, l’opinion publique a acquis la conviction que l’Europe, en prescrivant des politiques de réajustement budgétaire, a travaillé contre les peuples. Par conséquent, les institutions européennes sont devenues des boucs émissaires de la crise.
Plus grave enfin, beaucoup de gouvernements ont utilisé les maladresses de l’administration européenne pour se décharger de leurs responsabilités. Trop facile, trop tentant d’accuser Bruxelles et la BCE de tous les défauts de l’Europe.
Cette évolution a débouché sur une dévalorisation de l’Union européenne, sur un déséquilibre de la zone euro et sur une progression des mécontents et des adversaires de l’Europe.
Dans tous les pays d’Europe, les partisans de moins d’Europe se sont multipliés, au point d’arriver au pouvoir en Grèce et de grimper dans les électorats en Espagne à Barcelone ou à Madrid. Au départ, les revendications portaient sur la sortie de l’Europe puis de l’euro. Mais quand les gouvernements radicaux et les partisans extrêmes se sont aperçus qu’une sortie de l’Euro portait plus de difficultés pour les peuples, les opinions ont évolué.
En Grande-Bretagne, David Cameron a été très largement réélu sur un programme de réformes très courageuses. Il a d’ailleurs été réélu contre les sondages qui annonçaient une défaite. Il faut dire que David Cameron a fait une campagne anti-européenne en promettant un référendum comme en Ecosse. Aujourd’hui, il essaie d’obtenir de ses partenaires européens des réformes d’assouplissement qui rendraient l’Europe compatible aux Britanniques. Cameron a parfaitement compris que la sortie de la Grande-Bretagne serait une catastrophe.
Pendant toute la crise, les pro-européens se cachaient, la reprise économique va leur redonner de la voix. Il en sera question lors du prochain sommet européen puis lors du G7 Finances en fin de semaine. La France de François Hollande et l’Allemagne d’Angela Merkel appuyées par les pays de l’Europe du Nord, l’Espagne, le Portugal et l’Italie.
Le projet qui sera présenté prépare un resserrement des liens européens avec notamment une plus grande intégration économique. Une convergence plus forte des fiscalités, des lois sociales et des positions à l’égard des tiers. L’objectif, rendre impossible l’optimisation fiscale pour les entreprises étrangères et rendre difficile ou impossible le dumping social.
Tout cela signifie que l’on se dirige tout droit vers une Europe à deux vitesses. Une Europe de l’euro, solidaire mais respectueuse de la règle commune et une Europe élargie mais fonctionnant plus sur le modèle de la zone de libre-échange.
Cette position de principe va avoir une traduction très concrète. La France et l’Allemagne vont traiter en priorité le cas de la Grèce. Ils vont lui octroyer de quoi payer les intérêts de 1,4 milliard le 5 juin puis sans doute les autres tranches pour éviter le défaut de paiement. Tout simplement en lui rouvrant les portes du marché obligataire qui lui avaient été fermées.
Mais la mise en place du troisième plan d’aide sera conditionné par trois engagements de réforme : un report de l’âge de départ à la retraire à 65 ans et non 60 ans, une réforme fiscale qui va instituer une perception efficace de la TVA et l’instauration de l’impôt sur le revenu équitable mais applicable à tous. Et enfin une réduction, comme prévu par le gouvernement précédent, du nombre de fonctionnaires.
Le Premier ministre de la Grèce s’est engagé ce week-end à mettre en route ces réformes mais son ministre de l’Economie a dit le contraire et la majorité parlementaire refuse toujours de soutenir le compromis. Pour éviter le défaut de paiement, on choisira soit le referendum, soit de nouvelles élections.
Les grandes manœuvres sont donc engagées et, chose étonnante, la France se retrouve avec l’Allemagne aux manettes pour renforcer la cohésion européenne. François Hollande avait promis que l’Europe devait s’adapter. On n’avait pas compris que François Hollande voulait faire changer l’Europe vers plus de fédéralisme. Comme quoi, tout arrive.