La France incapable d’éviter le chaos aux Antilles, qui lui coutent pourtant 20 milliards par an.

La politique vaccinale n’est qu’un prétexte. Les Antilles françaises sont au bord de l’insurrection alors qu’elles auraient besoin d’une véritable politique de développement.
Après des semaines de guérillas autour du passeport sanitaire et de la vaccination, les Antilles françaises, et d’abord la Guadeloupe, se sont enflammées, mais on a du mal à croire que cette réaction aux mesures anti-Covid explique un tel chaos.
Au départ de ce nouveau feu aux Antilles, il y a eu certes, cette opposition vaccinale des soignants qui a mis en difficulté des hôpitaux, et entrainé une grève générale, laquelle a engendré beaucoup de violences. Cette opposition aux vaccins a évidemment servi de détonateur. Mais les causes profondes sont ailleurs.
La situation économique est désastreuse. Le taux de chômage dépasse les 25 %. S’ajoute à ces problèmes d’emploi la question de l’eau potable, qui est rare et chère. Sans oublier aussi les conséquences du chlordécone que personne aux Antilles n’a oublié.
Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé en Guadeloupe et en Martinique à partir de 1972 jusqu’en 1990. Les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique en ont été aspergées massivement pour lutter contre le charançon de la banane, un insecte qui détruisait les cultures et menaçait de ralentir la production qui est à 70% vendue en métropole. Or, l’utilisation massive de ce produit est à l’origine d’un scandale sanitaire très grave parce que le chlordécone est un perturbateur endocrinien très cancérigène. On le retrouve à l’origine de beaucoup de cancers de la prostate notamment, mais pas que. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait, dès 1979, découvert le danger mais la France a attendu 1990 pour l’interdire. Après beaucoup de tergiversations, c’est Jacques Chirac qui a pris la décision. Les producteurs propriétaires de bananeraies n’ont pas pardonné. Quant au peuple antillais, il a très vite reproché à la France d’avoir fermé les yeux et surtout de ne pas avoir réparé les dégâts. Il attend encore que « justice soit faite ».
Ça reste aujourd’hui encore une raison à la colère.
Il y a environ un million d’habitants sur les deux îles. 80% sont ou travaillent dans le tertiaire, c’est à dire le secteur des services, la fonction publique et territoriale, le tourisme un peu, les banques, les assurances et le commerce de détail, la distribution. Et 20 % d’habitants travaillent dans l’agriculture, la banane, l’industrie du bâtiment, des raffineries de pétrole en Martinique. Telle est la carte des activités.
Mais le plus important, c’est que les Antilles ont une balance commerciale très déficitaire. Les Antilles achètent à l’extérieur à peu près 80 % de ce qu’elles consomment. Donc les champions aux Antilles, ce sont les distributeurs importateurs, en général, des vieilles familles implantées depuis l’époque coloniale. Les « becqués ».
Globalement, il y a assez peu de richesses crées sur place. Peu de produits agricoles en dehors des bananes mais l’affaire du chlordécone a hypothéqué cette activité. Il y a peu de tourisme parce que les Antillais n’ont jamais accepté de se plier à cette culture du service. « Dans service, il y a servage » disent certains leaders indépendantistes. Et comment demander à des enfants d’esclaves de se mettre au service de « riches blanc qui voudraient venir ici attraper des coups de soleil » ?
« Qu’ils aillent en Floride ! »
Donc, peu de tourisme haut de gamme. Faute de personnel formé. Pas d’investisseurs non plus, contrairement à ce qui s’est passé dans les Antilles anglaises ou à l‘ile Maurice. L’économie des Antilles est une économie de consommation. Les Antillais consomment des revenus qui, à plus de la moitié, sont des revenus de redistribution. Des pensions, des subventions, des indemnités chômage, il y a aussi beaucoup de RSA.
Donc cette économie est finalement assez facile à bloquer. Pour protester contre la politique vaccinale, les syndicats décrètent la grève générale et le tour est joué. Ces derniers jours, la grève a bloqué les hôpitaux, donc les malades n’ont pas pu se faire soigner. Par ailleurs, les aéroports et les routes sont bloquées, les accès aux raffineries et aux ports sont bloqués.
On est au bord de l’asphyxie avec des bandes armées qui peuvent déclencher des insurrections parce que c’est leur projet politique.
S’ajoute à cela la mode de la culture Woke, du radicalisme, qui, dans un des pays, qui a servi de plaque tournante du commerce de l’esclavage, ne fait que fragiliser les autorités françaises. Les Antilles comme enclaves françaises sont en grand danger.
Comme dans certains autres départements, la France a posé des perfusions partout, puisque c’est une économie qui consomme les subventions et les aides qui viennent de Paris ou de Bruxelles. Chaque fois qu’il y a eu un problème, Paris a signé des chèques.
Globalement, le total des aides et des transferts dépasse les 20 milliards. Mais personne ne sait avec exactitude combien coutent les Antilles à la France, parce qu’au-delà des aides et des fonds structurels, une multitude d’abattements, de charges sociales, des déductions d’impôts, notamment dans l’immobilier - qui profitent d’ailleurs plus aux « métros » qu’aux Antillais, des primes et des surprimes aux fonctionnaire et aux retraites.
Mais on n’a jamais réussi à enclencher un développement économique vertueux. Parce que la métropole a aspiré beaucoup de ceux qui avaient de l’ambition et de la formation, (on le voit dans les hôpitaux en France, à la Poste où Il y a beaucoup d’Antillais). Mais sur place, peu d’experts, peu d’initiatives.
On aurait pu rêver d’un développement du tourisme ou du digital, un peu. Mais on a raté les mutations.
Les Antilles auraient pu devenir (comme le Maroc) un paradis pour les retraites françaises de la classe moyenne.
Les Antilles auraient pu se poser, comme le paradis fiscal des chercheurs ou de se présenter comme la terre expérimentale de l’écologie. Avec 20 milliards par an, pour moins d’un million d’habitants, on aurait pu financer beaucoup d’investissements.
Alors, ça n’est pas pour autant que la France peut se désintéresser des Antilles, c’est un morceau de la France qui assure une présence politique et où nous avons des responsabilités politiques et culturelles. Un peu comme en Corse. On ne sait pas gérer ce type de pays, tenté par l’aventure de l’indépendance, ce dont la majorité des habitants ne souhaitent pas. Faute de savoir gérer le passage à la modernité, il faut payer et acheter la paix sociale. Donc ça coute cher. Très cher.