La Grande-Bretagne au bord du chaos économique et politique fait peur à tous les pays occidentaux.
La Grande Bretagne est passée au bord du Krach financier la semaine dernière, obligeant Liz Truss à abandonner ses projets de politique budgétaire jugés impossibles à financer. C’est un avertissement sans frais aux occidentaux, et notamment à la France


Les marchés n’ont pas aimé « les trussonomics » anglais. Ils n’aimeront pas mieux un nouveau « quoi qu’il en coute » à Paris.
A peine installée au 10th Downing Street, Liz Truss a été obligée d’abandonner ce qu’on appelait déjà les « Trussonomics », un paquet de mesures qu’elle avait proposé au moment de sa nomination il y a moins d’un mois pour redresser la situation très compliquée de la Grande-Bretagne. Le projet de budget qu’elle a présenté le 28 septembre comportait une augmentation massive des dépenses publiques et sociales et des baisses d’impôts très significatives. D’un coté, Liz Truss voulait relancer l’appareil de production, de l’autre, soulager les difficultés rencontrées par une partie de la population.
Le problème, c’est que ce budget était impossible à financer et qu’en le publiant, la Première ministre a fait paniquer les marchés obligataires. La Banque d’Angleterre a été obligée de réagir pour éviter la faillite de fonds de pensions qui se retrouvaient en cessation de liquidité, coincés par la hausse des taux d’intérêt.
Dans la foulée, le ministre de l'économie et des finances, à peine installé, Kwasi Kwarteng, a été limogé et Liz Truss a abandonné son projet. Quelle humiliation ! Quitte à prendre le risque de devoir revenir devant ses électeurs.
Pour la presse britannique, le Royaume-Uni est retombé en plein chaos et elle ne donne pas cher de l’avenir de ce gouvernement. Les conservateurs qui lui avaient fait confiance sont désespérés et considèrent qu’elle aurait du démissionner elle-même, plutôt que de sacrifier son ministre de l’économie.
Il est évident que, pour beaucoup d’observateurs, le marché obligataire, qui gère la dette publique, ne pouvait pas accepter une dérive financière majeure sans se mettre à l’abri, ce qu’ils ont fait pour éviter, selon le New-York Times, un nouveau Lehman Brothers.
Mais les mêmes observateurs considèrent aussi que beaucoup de pays occidentaux sont loin d’être à l’abri d’un aventurisme britannique imputable à une mauvaise maitrise des finances publiques.
Alors, la situation de la Grande Bretagne est liée à la multiplication de facteurs défavorables. La gestion du Brexit s’avère de plus en plus compliquée, parce que les couts de logistique et des procédures se sont alourdis et s’ajoutent désormais à l’inflation importée par l’énergie, les matières premières et les produits alimentaires. Contrairement aux promesses qui avaient été faites par les Brexiters, la Grande Bretagne n’a pas réussi à trouver dans le monde des partenaires alternatifs à ceux que le Royaume-Uni a perdu en Europe. Les États-Unis ne se sont pas précipités pour venir en aide à l’Angleterre qui, en plus, a perdu une partie de la puissance de l’industrie financière. Ajoutons que ces dernières années, la gestion du Covid a été calamiteuse dans les campagnes et la pandémie a beaucoup désorganisé le système d’autant que, faute de moyens, le Trésor britannique a été beaucoup moins généreux pour financer « un quoi qu’il en coute » comme en Allemagne ou en France. D’où les grosses difficultés en sortie de covid pour profiter du rebond mondial.
Au total, peu de croissance, beaucoup de chômage et d’inégalités. Boris Johnson n’a pas tenu la route et Liz Truss est arrivée avec des ambitions très Thatchériennes, mais un paquet de réformes qui s’est fracassé sur le mur des réalités.
La situation Britannique est très particulière par rapport à celle des autres pays occidentaux, sauf que, dans beaucoup de démocraties, on commence à avoir de sérieux soucis au niveau des finances publiques. L’Allemagne peut vivre sur les excédents, mais l’Italie, l’Espagne et surtout la France ont du mal à redresser l’équilibre. Les ambitions de maitrise sont très souvent insuffisantes surtout dans un climat inflationniste. La France doit à la fois soutenir son économie, juguler des problèmes d’approvisionnement en énergie tout en finançant par l’investissement, la conversion vers une économie verte. D’autant plus compliqué que la gouvernance n’a pas de majorité absolue.
Les pays européens viennent de recevoir les avertissements très sérieux du FMI et des banquiers centraux, parce que la panique britannique a rappelé assez brutalement que la volatilité très forte sur les marchés ne se limitait pas à sanctionner les « trussonomics » de Londres, mais aussi pouvait très bien toucher les plus dissipés de la classe européenne. En clair, c’est François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, qui a rappelé à Bercy la nécessité de ne pas laisser filer les dépenses publiques parce que les déficits et l’endettement étaient déjà très lourds. Et quand François Villeroy de Galhau parle à Paris, il fait son job en accord avec la banque centrale européenne.
Le risque qui inquiète les marchés porte sur la façon dont la gouvernance française va éteindre les débuts d’incendie qui s’allument sur le terrain social.
Ce qui se passe sur les carburants, dans les raffineries et peut être demain à EDF ou à la SNCF montre bien à quel point la société française, qui a pourtant été une des plus aidée et soutenue par des perfusions d’argent public, est inflammable. Et quand la menace se rapproche trop du pouvoir, le pouvoir a tendance à sortir le carnet de chèques.
Les marchés n’ont pas aimé « les Trussonomics » anglais, ils ne supporteront pas un nouveau quoi qu’il en coute français.