La lutte contre la fraude fiscale et sociale ne devrait pas exonérer l’État de se réformer .

Un État qui touche à tout et à tous est un État qui attire les fraudeurs … Un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale est évidemment indispensable mais elle nempêchera l’État de sinterroger sur son fonctionnement

Difficile à évaluer

Gabriel Attal et Bruno Le Maire ont annoncé chacun à leur manière la présentation prochaine d’un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale en France avec « des mesures fortes ». Les ministres de Bercy ont évidemment raison… mais ils ne sont pas dupes. Ils savent que la guerre contre les fraudeurs ne sera gagnée que lorsque les occasions de frauder seront éradiquées. Ce n’est pas parce que l’État doublera les effectifs d’enquêteurs qu’il règlera le problème. Bruno Le Maire le sait mieux que quiconque. La fraude existe parce que les complexités de l’administration et la lourdeur des prélèvements font que beaucoup ont intérêt à frauder. Mais comment alléger l’État omniprésent ? La fraude existe parce que les pays européens ne sont pas tous sur la même longueur d’onde fiscale.

Les montants de la fraude sont très difficiles à évaluer. A priori, la fraude fiscale est très largement supérieure à la fraude sociale. Selon les services fiscaux et la Cour des comptes, Bercy détecte chaque année en moyenne 15 milliards d’euros de fraude fiscale et sociale. Mais la réalité estimée de cette fraude se situe entre 80 ou 100 milliards d’euros. Triste aveu d’impuissance.

L’essentiel de la fraude porte sur les prélèvements fiscaux, notamment l’impôt sur le revenu et sur les bénéfices de sociétés qui ne sont pas déclaré ou dissimules dans des paradis fiscaux ou des pays aux législations plus laxistes (principalement les iles Caïmans, puis le Royaume uni, les pays bas, le Luxembourg …). L’affaire des Panama papers avait révélé que la fraude fiscale à l’échelle de la planète représentait une véritable industrie mais surtout que l’opacité de certains pays (Usa, Chine …) permettait à beaucoup d’acteurs de la mondialisation de profiter de l’optimisation fiscale. C’est-à-dire que le jeu des différentes législations plus ou moins laxistes leur permettait de minimiser les prélèvements fiscaux.

En toute légalité parce qu’un pays, l’Irlande par exemple, a choisi d’attirer les investisseurs par une imposition light. On pourrait même dire que la France a choisi d’attirer et de soutenir les activités de recherche par la mise en place de l'impôt crédit- recherche.

Il faut donc bien distinguer de ce qui relevé de la fraude et du vol des pratiques autorisées légalement.

Entre envie d'optimisation et fraude

La fraude sociale est moins importante mais « politiquement presque plus sensible. Il s’agit d’une fraude aux cotisations sociale (entre 7 et 8 milliards) et aux prestations sociales (et principalement aux dépenses de la Caf (qui seraient estimées à 3 milliards d’euros). La fraude aux cotisations est le fait d’employeurs qui ne paient pas leur cotisation parce qu’ils ne déclarent pas leurs personnels. Cette fraude est générée par le travail au noir. Du côté des prestations, Bruno Le Maire a dénoncé la fraude au RSA et aux transferts d’allocations vers des comptes domiciliés à l’étranger.  Alors ces déclarations ont fait polémique, mais le ministre n’a pas manqué de courage. On peut difficilement tolérer dans notre pays l’utilisation frauduleuse de la carte vitale et le versement de retraites à des bénéficiaires décédés ou titulaires d’un compte d’allocataire auquel ils n’ont pas droit.

Toute ces fraudes de nature fiscale ou sociale privent évidemment l’État et la sécurité sociale de ressources et l’investigation de ces sources de fraude, la recherche de ceux qui en bénéficient est évidemment indispensable.

Mais ces initiatives répressives ne doivent pas exonérer les responsables politiques d’étudier les facteurs qui contribuent au développement de ces fraudes, à commencer par la façon dont l’État fonctionne et pèse sur l’activité ;

Le premier facteur de fraude se situe au niveau du poids des prélèvement fiscaux et sociaux. Le total des prélèvements dépasse les 50 % (55%) des revenus distribuent. Logiquement quand les impôts, les taxes et les prélèvements sociaux atteignent ce niveau, les agents économiques ont presque plus intérêt à essayer de capter des aides publiques ou échapper aux prélèvements plutôt qu’à créer de la richesse.  

Le chef d’entreprises, le salarié, le consommateur, l’épargnant, le retraite, tout être normalement constitué est mu par son envie d’optimiser son intérêt individuel.  Le chef d’entreprise cherche à augmenter son chiffre d’affaires mais plus encore, sa marge, le consommateur va chercher le prix le plus faible, le salarié va accepter le salaire le plus élevé … etc.   C’est le B.a.-ba de la science économique.

Plus libéral

Ce comportement doit s’incruster dans un cadre juridique et financier que l'État fixe et gère. Et quand l’État s’occupe de tout, par les règles et les normes et prélève plus de 55 % des richesses créés, chaque agent à son échelle sera tenté d’échapper à l’État ou d’en profiter.

Réformer l’État devrait revenir à alléger son poids, moins de prélèvements pour moins de dépenses publiques, et à réduire son périmètre d’action pour plus d’efficacité.

Les fraudeurs fiscaux et sociaux auraient moins de moyens, moins d’espace et moins d’occasion de gains. La culture française ne s’y prête guère.  La France est le pays d’Europe où les dépenses publiques et sociales sont les plus lourdes. Et dès qu’un ministre ou un président avance l’idée de réformer en profondeur l’administration, la voix est couverte par un concert de casseroles. Mais quand l’État touche à tout et à tous, il ne faut pas s’étonner que la fraude et les fraudeurs prolifèrent.

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