La « Nupes » aura permis au gouvernement de trouver des compromis avec la droite libérale pour faire voter son paquet Pouvoir d’achat

Ça n’était pas forcément son projet de départ, mais la France insoumise aura donné l’occasion au gouvernement de se trouver une majorité de compromis et provoquer le mécontentement de ses alliés qui n’ont rien apporté à leurs électeurs.

L’arroseur arrosé. La France insoumise et ses alliés regroupés au sein de la Nupes ont réussi à semer une belle pagaille en arrivant au parlement, mais quand on fait un premier bilan des résultats, on s’aperçoit que pour la gauche, c’est un échec. En revanche, le gouvernement aura réussi à faire passer l’essentiel de son paquet pouvoir d’achat avec l’aide des républicains.

Les électeurs de droite en sortent plutôt satisfaits, alors qu’ à gauche, on se sent plutôt frustrés, notamment les socialistes et les verts.

Toutes les mesures de soutien au pouvoir d’achat ont été finalement votées par les deux chambres qui en ont également finalisé le financement dans la loi de finances rectificatives.

Ce qui est intéressant, c’est que, contrairement à ce que beaucoup craignaient, le texte adopté s’inscrit dans une logique de droite libérale.

Le gouvernement emmené par Bercy et son ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ont remporté les parties de bras de fer avec la Nupes avec trois dossiers très emblématiques qui étaient défendus par la France insoumise.

1. Le projet de créer une taxe exceptionnelle sur les super profits réalisés par certaines multinationales et surtout TotalEnergies a donc été écarté. Techniquement, cette super taxe allait rapporter beaucoup moins que ce que va rapporter l’impôt normal sur les sociétés en 2023. A priori, plus de 53 milliards d’euros, ce qui est considérable et va grandement participer à restaurer les équilibres financiers.

La « Nupes » voulait surtout punir les grandes organisations capitalistes. Bercy a trouvé chez les Républicains assez de députés pour l’aider à préserver la stabilité des taux d’imposition afin d’assurer la visibilité des entreprises.

2.  Le projet de monétiser les RTT et favoriser les heures supplémentaires qui a été obtenu par le gouvernement est un sérieux revers pour la France insoumise qui s’est bien aperçu que cette mesure revenait à attaquer une fois de plus les 35 heures. Or, les 35 heures pour la gauche insoumise, c’est le totem absolu auquel on ne touche pas.

La gauche de la gauche et les syndicats ne l’ont pas digéré parce qu’ils savent aussi que beaucoup de leurs sympathisants attendaient cette mesure qui leur donne immédiatement du pouvoir d’achat.

Pour la droite libérale qui avait déjà utilisé cet outil avec Nicolas Sarkozy, la monétisation des RTT et la défiscalisation des heures sup ne touchent pas à la liberté de l’entreprise de gérer ses salaires, elle permet de distribuer du revenu en contrepartie d’un travail et s’inscrit dans la logique « travailler plus, pour gagner plus » qui avait été défendue par Valérie Pécresse pendant la campagne. Pour toute la droite libérale, c’est un progrès. 

3. le projet de débloquer immédiatement les fonds d’intéressement et de participation va également dans le même sens. Cet argent appartient aux salariés qui ont donc le droit d’en disposer à leur guise. Nicolas Sarkozy avait lui aussi ouvert cette porte. Mais globalement, le système avait quand même été bien verrouillé par les entreprises qui défendaient l’intéressement mais ne permettaient pas à leurs salariés d’en disposer très librement. Au moins, les choses sont désormais plus claires. La France insoumise ne pouvait pas approuver une telle disposition. La France insoumise défend le salariat avec vigueur et s’oppose à toute mesure qui ferait du salarié un partenaire du « grand capital ». Pas question de pactiser avec le diable, même si ça rapporte un peu d’argent en fin de mois.

Le résultat pour la France insoumise est que des positions aussi radicales vont priver ses partisans de moyens.

Mais les plus frustrés dans cette affaire sont les socialistes de la  « nupes » et dans une moindre mesure, les Verts. Les écologistes ont, dans ce paquet pouvoir d’achat, d’autres raisons d’être mal à l’aise.

La plupart des mesures aides directes, les ristournes à la pompe, le bouclier tarifaire, les aides au chauffage au fioul qui répondent à un besoin immédiat de compensation financière aux hausses de prix, reviennent à sponsoriser les énergies fossiles, ce qui les mettent en contradiction avec tout ce qu’ils défendent.

Au demeurant, les Verts, pendant toutes ces discussions parlementaires, n’ont pas été capables de proposer des mesures fortes et cohérentes pour mettre en place une réponse alternative à la situation de pénurie relative qui se prépare. Rien sur le nucléaire et sur le fiasco EDF, rien sur une pédagogie forte capable de changer les habitudes.

Pour les verts, c’est double peine. Ils ont refusé d’apporter du pouvoir d’achat alors qu’ils en avaient fait leur revendication principale et ils n’ont guère contribué à lutter pour le climat  alors que c’est leur raison première d’exister.

Au niveau politique, le bilan de cette obstruction systématique des débats parlementaires est donc assez négatif. Sur le terrain, les partisans de la France insoumise n’y trouvent pas leur compte. Quant aux socialistes et aux verts, ils ont beaucoup de raisons de se sentir piégés.

A droite, le gouvernement aura réussi à trouver la majorité qu’il n’avait pas au départ pour négocier des compromis au coup par coup. Bruno le Maire et Gerald Darmanin n’ont pas ménagé leurs efforts pour convaincre de certains de leurs anciens amis de LR de venir les épauler. Ça leur était d’autant moins difficile que ça correspondait le plus souvent à ce qu’ils avaient eux-mêmes promis à leurs électeurs.

Toute la question maintenant est de savoir si cette cuisine politique pourra fonctionner.  Quant à la rentrée, il faudra s’attaquer à des dossiers de réformes plus structurelles : la réforme des retraites, de l’éducation nationale, la santé et la loi climat. Rien n’est moins sûr, parce que ces réformes sont moins urgentes et elles sont surtout truffées de marqueurs politiques. Et pour les politiques, les marqueurs sont souvent plus importants que les résultats.