La réindustrialisation est une fusée à trois étages : l’investissement étranger est nécessaire mais pas suffisant
Emmanuel Macron multiplie les visites sur le terrain, promeut l’attractivité de l’Hexagone et reçoit les investisseurs étrangers. C’est spectaculaire mais l’essentiel serait de faire aimer les entreprises aux Français.

Choose France
Que les étrangers aiment la France, c’est une évidence surtout l’été pendant les vacances, qu’ils aiment s’y installer et y faire des affaires, c’est déjà plus compliqué. Les Français eux-mêmes ne sont pas forcément à l’aise. Les sondages nous indiquent clairement que les Français aiment leur entreprise, celle qui les emploie, mais n’ont pas une image très favorable des chefs d’entreprises en général dont ils pensent qu’ils gagnent beaucoup d’argent.
La meilleure preuve de ce désamour rarement avoué , c’est l’épargne française qui est surabondante mais ne s’investit pas dans l’industrie . Donc l’argent des investisseurs étrangers n’est pas inutile mais l’argent disponible en France serait plus efficace dans l’industrie plutôt que de dormir sur des comptes d’épargne ou financer les déficits publics.
La réindustrialisation de la France dans laquelle s’est engagée le président de la République est une fusée à trois étages. Pour l’instant Emmanuel Macron s’occupe principalement du premier
1er étage : Choose France : le président de la République a mis le paquet pendant quelques jours sur la nécessité et les moyens de séduire les investisseurs étrangers. Il a confirmé des projets importants d’origine Taiwanaise pour installer une usine de batteries sèches dans le nord de la France ainsi qu’une fabrique de panneaux photovoltaïques .. Hier lundi , il a ouvert le château de Versailles à plus de 500 chefs d’entreprises venus du monde entier pour leur vanter les richesses de l’attractivité française avec des stars venues des quatre coins de la planète dont Elon Musk le super man du jour, patron de Tesla , SpaceX et Twitter décidé parait il à investir dans notre pays.
Au total , les promesses d’engagements avoisinent les 13 milliards d’euros immédiatement et la perspective de 8 000 emplois crées dans l’industrie. Le premier bilan n’est pas négligeable. La France serait le pays le plus attractif des pays de l’Union européenne . Reste que la France est encore aujourd’hui le pays où la part de l’industrie dans le PIB est la plus faible aux alentours de 12% du PIB, ou les charges perçues sur le salaire sont les plus lourdes …et où l’énergie devrait couter le moins cher , mais ça n’est pas encore le cas .
C’est évidemment le résultat d’un choix stratégique fait il y a plus de 30 ans d’orienter le modèle français sur le secteur des services et surtout de délocaliser des activités de production dans des pays à faible coût. Mais depuis quelques années , les contraintes écologiques et énergétiques, ajoutées aux risques géopolitiques ont changé la donne . Les occidentaux ont pris l’initiative de renforcer le potentiel de production industrielle pour des raisons de souveraineté et de politique intérieure. D’où la priorité à l’industrialisation d’où qu’elle vienne .
Le protectionnisme
2e étage : le protectionnisme . Le deuxième étage de cette fusée devrait contribuer à renforcer la désirabilité de l’hexagone . Les étrangers qui ont de l’argent à investir ne le feront pas pour des raisons politiques mais parce qu’ils ont intérêt à le faire . D’où le projet de renforcer la production nucléaire afin de garantir la fourniture d’une énergie décarbonée et peu chère . Ça pourrait être le principal atout de la France mais quand ? Parallèlement Emmanuel Macron confirme la création d’un crédit d’impôt vert ( un peu sur le modèle du crédit d’impôt recherche qui a connu très vite un immense succès et a attiré beaucoup de centres de recherches), il confirme aussi le projet d’un bonus auto « verte » conditionné à l’ empreinte Carbone. Ce qui signifie qu’il faut certes encourager la voiture électrique à condition qu’elle soit pour l’essentiel fabriquée en France. Emmanuel Macron résume cette attitude par la nécessité de se protéger . Un peu comme le font avec succès les Etats-Unis ou la Chine. Des subventions et des aides oui, à condition qu’elles soient fléchées sur les équipements et les produits français.
Le projet est évidemment logique et cohérent mais comme la France est un partenaire important de l’Union européenne, encore faut-il que les pays de l’Union soient d’accord.
Driver l'épargne vers l'investissement
3e étage : Créer l’écosystème et gérer l'excès d’épargne populaire: l’écosystème n’est pas préparé pour accueillir la réindustrialisation . Le système administratif est évidemment trop lourd, trop lent et trop encombré par des aprioris idéologiques . Trop de formalités, trop d’obligations pour investir ou gérer une entreprise. Le système social est hyper généreux mais pas efficace. L’école publique et le système de santé sont ouverts à tous mais débordés et mal performants ..
Un tel écosystème où les charges publiques sont exorbitantes, nécessite des chefs d’entreprises héroïques . Donc les Français aiment l’entreprise dans laquelle il travaille , si le travail leur plait et si l’entreprise fonctionne bien , mais les Français n’osent pas se jeter dans le bain pour créer leur «boîte» .
Le succès de l’auto-entrepreneur a permis de légaliser et de sécuriser une grande part du travail au noir, mais ce statut n’a guère encouragé les créateurs à se transformer en véritable entrepreneur. Trop lourd, trop compliqué.
La meilleure preuve de cette aversion se cache dans les chiffres de l’épargne … Les Français sont les plus gros épargnants en Europe ; la masse d’épargne disponible atteindrait près de 7000 milliards d’euros . La période du Covid et l’augmentation des taux d’intérêt du livret A «presque 4% net d’impôt » a quasiment doublé le montant de l’épargne .
Cette épargne traduit les inquiétudes des Français qui ne veulent pas prendre de risque .. Elle est de façon très hypocritement favorisée par l'État qui l’utilise cette épargne comme une garantie des emprunts contractés à l'étranger mais qui peut aussi puiser dans le stock pour financer une partie de son déficit public et social . La boucle est bouclée .
L’épargnant préfére toujours garder son épargne liquide , s’il sait qu’elle est investie en fonds euros et garantie par l’État plutôt que de l’investir dans des projets industriels à risque.
Le comble de l’hypocrisie d’État ou habileté politique suprême , c’est d’annoncer des baisses d’impôt pour la classe moyenne et de favoriser l’épargne populaire en contrepartie .
Dans le système actuel , l’épargne populaire joue le rôle d’un complément d’impôt volontaire.
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