L’Allemagne s‘énerve contre la Russie, l’Europe attend Emmanuel Macron comme arbitre : les prix du gaz flambent à nouveau.
Après les hausses record du mois d’octobre et le retour au calme, les prix du gaz recommencent à flamber sur le marché mondial pour cause de mésentente entre l’Allemagne et la Russie...

Les chèques inflation et les chèques énergie, qui avaient été décidés en octobre dernier pour calmer la hausse des prix, sont à peine arrivés chez les 30 millions de Français que les prix du gaz recommencent à flamber.
En arrivant à la présidence de l’Europe au 1er janvier, Emmanuel Macron va donc trouver un dossier urgent à régler, celui du prix du gaz. Pourquoi au niveau de l’Europe, cette fois -ci? Parce que le problème est géopolitique et la France seule ne pourra pas le résoudre.
Les données ne sont pas compliquées à comprendre, les Allemands s’appuient sur la politique européenne pour freiner les projet d’approvisionnement en gaz russe de l’Europe du Nord. Pour des raisons de fidélité aux Américains, les Allemands préfèrent presque importer du gaz de schiste exploité aux USA que du gaz russe, charbonné au prix fort par les ingénieurs de Total très présents aux côtés de Gazprom, l'exploitant du gaz russe. S’ajoute à cette fièvre la perspective de désordre liée aux ambitions de Moscou sur l'Ukraine. Bref, l’initiative de l’Allemagne et la géopolitique ont de nouveau inquiété les opérateurs mondiaux sur le marché du gaz et au-delà, de toutes les énergies.
En deux jours, le prix du gaz a repassé la barre des 118 euros pour un équivalent mégawattheure, c’est à dire le niveau record du mois d’octobre.
En fait, les fluctuations du prix du gaz sont compliquées à décrypter. Elles dépendent de deux séries de facteurs.
Le premier de ces facteurs est très économique. Il se situe au niveau de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché mondial de l’énergie en général. Parce que toutes les énergies sont complémentaires.
D’un côté, l’offre de gaz est assez connue. Le principal fournisseur mondial, c’est la Russie qui approvisionne près de la moitié de l’Europe.
Alors face à cette offre, la demande de consommation dépend, elle, de l’activité économique. En octobre dernier, la croissance mondiale qui s’est activée partout dans le monde a provoqué un gonflement des achats de gaz, mais pas que. Le pétrole, le charbon, l’électricité ont aussi progressé assez violemment.
C’est à ce moment-là qu’on s’est inquiété de la hausse des prix et c’est à ce moment que la France, pour calmer la grogne sociale, a annoncé qu‘on allait distribuer des chèques énergie et des chèques inflation. Ce sont ces chèques (de 100 à 250 euros) qui sont envoyés par la Poste aux plus de 30 millions de Français pour amortir les factures d’essence et de chauffage. Le paradoxe de cette affaire, c’est que la flambée des prix s’était un peu calmée en novembre parce que l’offre et la demande se sont équilibrées.
Alors ça, c’est l’explication économique.
La deuxième série de facteurs qui pèse sur le prix des énergies trouve son origine dans les forces géopolitiques. Pour le gaz, les approvisionnements viennent de Russie. C’est la Russie qui a la main sur le prix du gaz mondial. Le gaz russe est livré aux clients européens par des gazoducs. Il existe un gazoduc au nord, qui traverse la mer Baltique et qui arrive en Allemagne, Nord Stream 1. Un nouveau projet vient le compléter : Nord Stream 2. Projet gigantesque. Par ailleurs, il existe des approvisionnements via l’Ukraine, qui sont fragilisés à cause de l’incertitude des rapports entre l’Ukraine et La Russie.
La situation est assez compliquée parce que l’exploitation des gazoducs du Nord est très controversée par l’Allemagne. L’Allemagne consomme du gaz russe mais à contrecœur. L’Allemagne est plutôt tournée vers le gaz qu'elle fait venir des États-Unis, sous la pression à risque des écologistes allemands. Il faudra d’ailleurs un jour que les Européens obtiennent une explication de fond de la part des écologistes allemands. Il faudra qu’ils nous expliquent pourquoi ils ont abandonné le nucléaire pour se tourner vers le charbon. Il faudra que le nouveau gouvernement allemand explique à l’Europe toute entière pourquoi ils préfèrent le gaz de schiste américains au gaz russe. Le gaz de schiste est plus cher et plus polluant que le gaz de Russie qui est en partie décarboné par le groupe Total.
Faute d’explication cohérente, le nouveau ministre des affaires étrangères allemand a dit que le projet de gazoduc Nord Stream 2 ne pouvait pas être approuvé tant qu’il y aurait des tensions à la frontière ukrainienne. Parce que la Russie et l’Ukraine se regardent en chien de faïence.
Par conséquent, les opérateurs de marché considèrent qu'il y a des risques sur l’approvisionnement en gaz, donc les prix remontent brutalement depuis lundi entre 10 et 15%. Hier, on était à 116 euros 75 le mégawattheure, au niveau du record atteint en octobre.
Pour les acteurs du marché mondial, tout cela signifie que le Kremlin, qui a la main sur les gazoducs, pourrait utiliser le gaz comme arme politique dans les affaires qui opposent la Russie à l’Europe.
Vladimir Poutine a les moyens de faire varier les prix du gaz puisqu’il peut fermer les robinets. Il peut ainsi faire pression sur les Européens pour qu’ils ne freinent pas la construction du fameux nord Stream 2. Il peut aussi espérer une levée des menaces de sanctions lancées par les Etats-Unis, mais c’est une arme à double tranchant.
Le gaz rapporte à la Russie énormément d’argent et Gazprom, qui est la grande société de commercialisation, a toujours respecté les contrats signés.
Donc d’un côté, la politique a sa logique et ses discours et de l’autre, le business a des intérêts à défendre. Au milieu, les marchés ont parfois du mal à trouver leur équilibre.
Toute la question pour les Européens est de savoir si cette nouvelle flambée va durer et si elle peut avoir des conséquences sur l’activité économique. Tout dépend de l’évolution de la fièvre politique entre l’Allemagne, la Russie et l’Europe.
Au niveau de l’économie, il n'y a pas de risques sur l’activité. La 5e vague du Covid serait plus inquiétante. Mais il y a un risque d’inflation par la répercussion des prix de l'énergie sur les autres produits et services. Et l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat. Donc si le pouvoir d’achat s'érode, la grogne sociale va remonter. Et à ce moment-là, en pleine campagne présidentielle, il faudra sans doute actualiser la question des mesures compensatoires, gels des prix et montant des chèques inflation.
Mais le président de la République devra surtout traiter le dossier à l’échelle européenne parce qu’il sera le président de l'Union européenne et qu’à ce titre, sa responsabilité sera
de régler les dissensions avec la Russie et l’Allemagne. Tout est lié. A quelques jours de la présidentielle, on peut avoir une surprise dans les rapports entre la France, l’Allemagne et la Russie.