Le consommateur grogne contre l’inflation mais refuse d’admettre que son comportement accélère (souvent) la hausse des prix
Une inflation peut en cacher une autre. Derrière la hausse des prix liée à la guerre en Ukraine ou aux effets de la Covid se dissimule une autre inflation imputable aux exigences du consommateur, dans le domaine de l’écologie et de la souveraineté.

Le retour de l’inflation après vingt ans d’absence dans les pays occidentaux a provoqué la fièvre protestataire chez les électeurs et alimente désormais les courants populistes lors des consultations électorales. En France comme ailleurs. Mais en France et pour la première fois depuis très longtemps, on a dépassé les 3% de hausse des prix, et ça n’est sans doute pas fini. Les prévisionnistes s’attendent à toucher les 7% en rythme annuel après l’été.
Cette hausse de prix s’applique principalement aux biens alimentaires et sur les carburants, elle touche donc prioritairement et brutalement les catégories les plus modestes. Le gouvernement, qui a bien senti le risque de colère sociale que portait cette vague inflationniste, essaie d’amortir les effets par des aides très ciblées. Ristourne sur l’essence, chèque alimentaire et ajustement du barème de l’impôt afin de protéger les contribuables qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu et qui se retrouveraient imposables à cause de l’inflation.
Parallèlement, les chefs d’entreprise cherchent à améliorer le pouvoir d’achat sans peser sur les coûts de production parce que la majorité d’entre eux ne sont pas en capacité d’augmenter les salaires. En revanche, ils sont prêts à jouer sur les heures supplémentaires (défiscalisées si possible), sur les primes et sur la libération anticipée des fonds d’intéressement et de participation.
Quant aux consommateurs les plus fragiles, ils essaient d’orienter leurs achats vers les premiers prix pour ce qui est de l’alimentation de base, les marques génériques de la grande distribution. Le même consommateur essaie de moins circuler.
Mais les moins bien lotis sont comme les autres, ils tentent de se faire plaisir en prenant des congés ( les Week end de printemps ont fait le plein partout en France ), ils préparent également longtemps à l’avance les vacances d’été, ce qui n’était pas leur habitude puisque les Français, dans leur grande majorité, se décident au dernier moment.
Ces changement de comportement ne sont pas surprenants, il traduisent simplement des ajustements à des phénomènes que l’on dit conjoncturels, parce que chacun espère qu’ils ne seront pas durables : la guerre en Ukraine, le déséquilibre du marché du pétrole, les contrecoups de la pandémie.
Le problème est que cette explication, dont beaucoup se contentent, ne correspond pas totalement la réalité.
Premier point. Les hausses actuelles sont dues à la Covid, qui a provoqué une contraction de l’offre et donc une raréfaction sur certains produits. Mais elles sont aussi la conséquence de lois et de normes qui ont été édictées depuis 5 ans. Les lois transport, des normes écologiques ( sur les herbicides ) et les accords professionnels agricoles pour sécuriser leurs revenus de producteurs.
Les grands distributeurs s’attendent donc à une deuxième vague de hausses au début de l’été qui tirera l’indice des prix aux alentours de 7 % en rythme annuel.
Deuxième point, cette vague d’inflation-là en cache peut être une autre, liée justement au comportement du consommateur. Ce consommateur est un acteur pressé mais très concerné par deux révolutions qui démarrent actuellement.
La mutation écologique, d’abord qui, de fait, va provoquer des hausses de prix de revient et pendant très longtemps. Dans l’agro-alimentaire, c’est une évidence. Les produits bio sont vendus entre 10 et 60 % plus cher que des produits de même catégorie mais non bio. Il est évident qu’on ne pourra pas pousser cette vague écolo sur un public plus large avec de tels prix. Des nouveaux labels vont sortir, la concurrence va se débloquer etc. La grande distribution va travailler, mais qu’on le veuille ou non, toute amélioration bio au niveau du budget alimentaire coutera de l’argent.
Le même phénomène va toucher les produits industriels. Si tous les outils de la mobilité abandonnent les énergies fossiles ( l’essence ) et passent à l’électricité, ces outils couteront plus cher. D’abord, parce que leur mise au point et la fabrication des batteries vont couter beaucoup plus cher qu’un outil classique tiré par un moteur thermique La mutation liée aux relocalisations va également peser sur les prix. Si on importe moins pour fabriquer plus sur place, ça coûterait évidemment plus cher. Si on ne peut pas vendre dans les pays émergents, on peut moins amortir les frais de recherche
L’inflation a donc des perspectives d’évolution à très long terme, à moins que la révolution digitale n’apporte des améliorations de compétitivité beaucoup plus puissantes et rapides que ce qu’on prévoit. Possible mais compliqué.
L’essentiel de cette inflation de long terme va dépendre du modèle de consommation qui va sortir de la confrontation entre les exigences nouvelles et les possibilités techniques et financières d’y faire face. Le monde occidental a traversé 20 années sans inflation, il se prépare peut-être à renouer avec une hausse des prix pour les prochaines 20 années à venir.