Le FMI baisse sa prévision d’activité pour 2023 et demande aux banques centrales de ne pas durcir les conditions monétaires. Comprenne qui voudra!
En général, le FMI ne donne pas de leçons de politique économique mais aujourd’hui, le ton a changé. Face aux risques d’un ralentissement mondial de l’activité, le FMI demande aux banquiers centraux de se calmer un peu sur les taux d’intérêt.


En demandant publiquement aux banquiers centraux de se calmer sur les taux pour « ne pas précipiter le monde dans une récession grave et inutile », les dirigeants sont sortis de leur couloirs de nage avec quelques arrières pensées politiques. Parce qu’il était évident qu’en lâchant cet avertissement devant la communauté financière et internationale, c’est le président de la Réserve fédérale qu’ils ciblaient, lequel doit s’en moquer en pensant à ce qu’aurait dit son inspirateur Paul Volcker.
Sur le fond, et en ouverture des assemblées générales annuelles à Washington, le Fonds monétaire international a abaissé sérieusement ses prévisions de croissance économique dans le monde, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le futur des grandes zones économiques. Mais le FMI n’a pas annoncé de récession. Il ne la voit pas dans les chiffres pour l’année prochaine, sauf cas très particulier de l’Allemagne et de l’Italie. Cela dit, le FMI explique qu’on n’en est pas très loin et qu’il va falloir que les gouvernements et les institutions soient vigilants. A Washington, on parle de la nécessité d’être intelligent.
Ces précautions valent pour tous les pays du monde.
Sur les Etats-Unis qui ont engagé une politique d’assainissement et de lutte contre l’inflation, le FMI révise à la baisse la croissance probable de 2022 à 1,6% et la croissance de 2023 à 1% seulement. L’année sera donc compliquée pour les Américains.
La Chine devrait connaitre la pire année depuis 40 ans. Le pays a du mal à se débarrasser du covid et paie très cher sa politique du zéro covid. Ce qui revient à étouffer son potentiel de développement et crée beaucoup de troubles dans un pays, qui a un besoin urgent de prospérité économique. La croissance ne devrait être que de 3,2% en 2022 et de 4,4% en 2023. C’est un pays qui a besoin de 5 à 7% de croissance pour absorber sa démographie et répondre aux besoins de la population. D’où l’inquiétude des dirigeants chinois.
Quant à l’Europe, elle souffre plus directement des effets de la guerre en Ukraine et de l’inflation, via les sanctions économiques et l’inflation importée par les énergies et les matières premières. L’Europe résiste toutefois grâce à son modèle social qui permet aux populations d’amortir les chocs et aux systèmes de production de conserver leur compétitivité. Cela dit, ce modèle social coute cher, d’où l’endettement important de certains pays dont la France.
La France et l’Espagne pourraient rester avec une croissance positive en 2023 mais l’Allemagne, dont le modèle économique est très abimé par la pénurie de gaz, n’échappera pas à la récession avec -0,3% de décroissance. L’Italie non plus.
La Russie, selon le FMI, pourrait peut-être mieux s’en sortir que ce qu’on prévoyait grâce aux importations de biens alimentaires en provenance de Chine et à ses ventes de pétrole à l’Asie. Cela dit, la Russie ne sortira pas de la guerre très brillante.
Le FMI a listé les facteurs de perturbation et leur impact sur les différentes zones économiques.
D’abord, les prix de l’énergie sont affectés par les tensions du marché liées à la géopolitique, mais aussi par les effets de la mutation environnementale. Moins d’énergie fossile et plus d’énergie décarbonée, c’est évidemment beaucoup d’investissements (sur le nucléaire, sur les renouvelables) et beaucoup de temps pendant lequel on va continuer de consommer du pétrole. L’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) est très avantagée dans ce contexte chahuté au niveau international. Avantagé parce que l’Amérique du Nord est indépendante au niveau du pétrole, du gaz, des produits alimentaires, elle est même exportatrice notamment, vers l’Europe.
Ensuite, l’inflation qui est imputable à la vigueur de la reprise économique de l’après covid. Après avoir subi le choc d’un blocage de l’offre, on a assisté à un choc de demande qui a entrainé les tensions sur les prix. Cela dit, depuis la guerre en Ukraine, les économies européennes sont bousculées par le ralentissement du commerce mondial et la pression sur les prix à cause de la pénurie de gaz organisée par la Russie et les incertitudes sur les livraisons de pétrole. Pour le FMI, l’Europe va devoir trouver des approvisionnements alternatifs (principalement aux États Unis) et changer l’équilibre de son modèle compte tenu des prix.
Enfin, la hausse des taux d’intérêt particulièrement violente aux États Unis et dans une moindre mesure en Europe. Le comportement de la Réserve fédérale parait particulièrement politique. La baisse des taux pour la banque centrale américaine parait être le seul moyen de lutter contre l’inflation galopante. Le président de la FED ne s’en cache pas d’ailleurs. Son objectif est d’éteindre l’activité économique, purger le système pour que la chaudière de la croissance baisse de régime. Y compris au prix d’un chômage important.
Le FMI a du mal à accepter un tel cynisme, surtout que ces remèdes contaminent les autres zones où l’inflation n’est pas de même type. En Europe par exemple, les systèmes économiques ne sont pas tombés dans le cercle pernicieux de l’inflation prix. Et ce n’est pas parce que la BCE remontera les taux d’intérêt que le prix du gaz baissera mécaniquement.
Les politiques monétaires sont les seuls vrais et grands risques de perturbation que le FMI semble retenir.