Le jour où Antoine Riboud a sérieusement secoué le patronat, le Medef s’en souvient… C’était à Marseille, il y a 50 ans
Antoine Riboud, le fondateur de Danone, n’a pas inventé la RSE. Mais son discours démontrant la double mission de l’entreprise capitaliste n’a jamais été aussi présent qu’aujourd’hui. Le Medef s’en souvient.

Demain mardi, le Medef a choisi de rendre hommage à Antoine Riboud. Une façon pour Geoffroy Roux de Bézieux d’affirmer que le patronat français, et plus largement les entreprises capitalistes, lui doivent beaucoup.
Contre le politiquement correct et le discours convenu d’une grande majorité de chefs d’entreprise français et étrangers, cet entrepreneur lyonnais s’était mis en colère contre ses collègues en leur expliquant et en le leur prouvant, que l’entreprise n’existait pas seulement pour faire du « fric » au bénéfice de quelques privilégiés. Mais qu’elle était surtout au service de ses clients et de ses salariés. Pendant de nombreuses années, le capitalisme français a eu tendance à l’oublier. La crise de 1929 a bien failli emporter le système de l’économie de marché.
Après la 2e guerre mondiale, le capitalisme va se marier à l’État (ou aux États) pour assurer la reconstruction, mais lors des Trente glorieuses, le capitalisme triomphant aura tendance à oublier ses valeurs morales et ses fondements. Oublier son objectif premier : celui de créer et de distribuer de la richesse au plus grand nombre sans pour autant perdre les ressorts de la performance.
Une grande partie du patronat français aura du mal à pardonner à Antoine Riboud son discours et ses initiatives transgressives.
Au début de l'année 1972, François Ceyrac, vice-président du Conseil national du patronat français (CNPF), demande à Antoine Riboud, PDG de BSN, de prononcer un discours sur le thème de la croissance et de la qualité de la vie lors des Assises du patronat français qui doivent se tenir en octobre à Marseille. Dans son esprit, il s'agit de traiter la question des nuisances industrielles. Antoine Riboud, tout en étant sensible à la préservation de l'environnement, a une conception plus large de la qualité de la vie et compte bien profiter de la tribune qui lui est offerte pour faire passer des idées qui lui tiennent à cœur.
Il est un chef d'entreprise très connu depuis l'OPA - la première en France - qu'il a lancée en 1968 - sur la Compagnie de Saint-Gobain et dont les péripéties ont tenu le pays en haleine pendant plusieurs mois. De l'année 1968, ce patron atypique ne retient pas seulement l'échec de son audacieux assaut contre une entreprise trois fois plus grosse que la sienne : il a observé avec sympathie l'effervescence des jeunes, comprenant leur révolte contre la société de consommation et leur exaspération face aux blocages de la société française. Antoine Riboud a réfléchi avec ses proches collaborateurs sur le mouvement de mai et ses conséquences, et adressé le 19 juin 1968 aux 1 600 cadres et agents de maîtrise de BSN une lettre dans laquelle il affirme la nécessité pour l'entreprise de poursuivre un « double projet économique et social », les deux objectifs étant à ses yeux tout aussi importants.
C'est ce double projet qui est au cœur du discours impressionnant de justesse et de vision à long terme qu'il prononcera le 25 octobre 1972 à Marseille devant 1 800 patrons largement hostiles. Seuls les délégués du Centre des jeunes dirigeants (CJD) lui apporteront leur soutien. Ce qui fera écrire à la journaliste du Monde qui suit les Assises que « M. Riboud est apparu le plus ouvert des patrons de France, mais en marge de tous les autres ».
Antoine Riboud restera en marge des institutions patronales pendant de longue années mais peu importe, il développera un des plus grands groupes mondiaux de l’alimentaire. La performance de Danone apportera la preuve qu’il avait raison. Le développement de la RSE, la responsabilité sociale et environnementale qui est aujourd’hui plébiscitée par beaucoup d’entreprises et d’investisseurs, démontre si besoin était la justesse du projet d’Antoine Riboud.
A l’initiative de Geoffroy Roux de Bézieux, le Medef organise donc demain un séminaire d’échange et de réflexion à partir du discours d’Antoine Riboud, il y a un demi-siècle. Avec la participation de Franck Riboud, qui est encore aujourd’hui le président d’honneur de Danone, et le témoignage notamment de Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail et qui fut DRH de Danone pendant de longue années, de Nicole Notat, fondatrice et ancienne présidente-directrice générale de Vigeo Eiris, de Loïc Daniel, Chaire Grande Consommation ESSEC, de Dauphine Besse, cheffe produit Junior Danone, de Michel Calzaroni, président de DGM Conseil, de Mercedes Erra, fondatrice et présidente BETC, présidente exécutive Havas, Serge Papin, ex PDG de Système U, Alexis Rottier ( ESSEC ), de Jean Marc Sylvestre, économiste, journaliste, de Patrick Artus, économiste conseiller de Natixis.
Les débats sont préparés en collaboration avec l’ESSEC et animés par Hedwige Chevrillon de BFMBUSINESS.
Pour aller plus loin à voir : L’histoire extraordinaire d’un Yaourt et le récit de La saga Danone : Du lait, de l’eau pour conquérir le monde.