Le Macronisme pour les nuls ou pour ceux qui font semblant de ne pas comprendre

Il y a un mystère Macron. Et le premier quinquennat n’a pas permis à son électorat de le percer. Emmanuel Macron sera sans doute élu président de la République, mais sans être aimé par la majorité de ceux qui vont voter pour lui.

Le macronisme n’existe pas, en fait. Ça n’est qu’un rôle de composition qui n’appartient qu’à Emmanuel Macron où se mélangent des certitudes libérales et pro-business avec des prises en compte sociales et solidaires, le tout dans une rhétorique très schumpetérienne. Avec une telle cuisine politique, on comprend qu’il y ait un mystère.

Ce mystère est cruel et tous les instituts de sondage se sont penchés sur lui, sans apporter de réponses convaincantes. Les sondages donnent Macron gagnant, pas par « amour » mais  par « raison ». Ce qui limite sa légitimité, son influence et sa capacité à gouverner. Dans l‘Histoire de France, ce cas est unique. Les politologues le répètent à longueur de plateau, Emmanuel Macron sera réélu parce que le corps électoral français ne voit personne sur le marché politique capable d’offrir l’expertise technique, la connaissance des dossiers comme lui. Par conséquent, dans la situation où on est, c’est le mieux-disant technique. Il est arrivé au pouvoir parce que François Hollande a échoué sur le terrain économique en ne résolvant pas la question du chômage et que la droite traditionnelle n’avait pas de promesses assez fortes et originales.

Il a gagné parce qu’il incarnait le changement. Un jeune, brillant et bourré de diplôme, connaissant, en dépit de son jeune âge, la Terre entière qui compte et qui innove, et surtout qui tourne le dos aux codes, us et coutumes de la classe politique. Il a gagné parce qu’il était seul.

Complètement démontées, les oppositions de droite comme de gauche se sont étouffées dans les querelles d’ego et de pouvoir. Emmanuel Macron a donc gouverné seul le plus souvent dans la tempête.

Et comme personne n’a su ou n’a pu présenter des diagnostics cohérents aux disfonctionnements (qui ne dépendaient pas tous de nous d’ailleurs) et pas même des solutions explicatives et alternatives, Emmanuel Macron termine son mandat seul face à une situation internationale inquiétante.  Il sera donc réélu. Face à des courants mal structurés, peu préparés et beaucoup d’électeurs désemparés et prêts à voter pour des leaders anti système.

Très compliqués et très forts sont ceux qui réussiront à expliquer pourquoi Emmanuel Macron fait de la politique et a finalement réussi.

Il ne porte aucune idéologie précise ou aucune conviction très forte, ses discours ne sont pas charpentés par un corps de doctrine clair et convaincu.

Alors que tous ses adversaires s’appuient sur une culture, une doctrine ou une colonne véritable que leurs militants peuvent résumer par des mots clefs qui les identifient.

Marine Le Pen est d’extrême droite, donc souverainiste, attachée à l’identité française, elle ne croit à l’Europe que sur la pointe des pieds, étatiste et partisane de l’économie de marché, à condition de réserver le marché aux petites et moyennes entreprises.

Éric Zemmour est, lui aussi, d’extrême droite, souverainiste, conservateur, identitaire, admirateur de Napoléon 1er et auteur de la théorie du grand remplacement.

Jean-Luc Mélenchon, lui, extrême gauche, ne rêve que d’une 6e république avec un Etat central fort, une abolition du système capitaliste, une confiscation du profit des riches et une fonction publique tentaculaire.

Fabien Roussel, le Secrétaire du parti communiste, est partisan d’un communisme qui se serait purgé des risques de satanisme etc.

La droite libérale cohabite dans la vitrine de Valérie Pécresse, avec la droite plus autoritaire. Les socialistes socio-démocrates sont noyés dans le mouvement en marche de Macron etc.

Et Emmanuel Macron, dans cette jungle-là, n’arbore aucune étiquette, aucune marque d’origine ou de fabrique, ce qui ne permet guère de le qualifier ou de l’identifier. Il avait d’ailleurs, dès le départ, revendiqué qu‘il pouvait faire du « en même temps ». Mais le « en même temps » n’est pas une idéologie, c’est une pratique qui explique cette ambiguïté qui l’entoure en permanence.

Alors, il faut donc prendre quelques points de repère pour comprendre ce que peut recouvrir le macronisme.

Premier point de repère : Emmanuel Macron est sincèrement républicain. Il croit à l’égalité, la liberté et la fraternité. D’où l’importance qu’il voudrait accorder à l’école. Une école qui puisse donner à chacun ce qu’il mérite. L’école doit être laïque, de façon à ce que tous puissent échapper au séparatisme religieux ou ethnique. S’épargner le racialisme et le wokisme, par exemple, qui sont incompatibles avec cette conception de la république.

Deuxième point de repère, Emmanuel Macron est libéral, c’est à dire qu’il est pro business, favorable à tout ce qui peut faciliter la croissance et le progrès économique. Par conséquent, il combattra tout ce qui peut perturber le monde des affaires, les impôts, les prélèvements de toute sorte. Il a commencé son premier mandat par des allègements fiscaux, de façon à booster les investissements et des simplifications pour faciliter les créations d’emplois. Cette politique de l’offre a d’ailleurs remis la France sur le chemin de la croissance.

 Le libéralisme assumé fait qu’il est mondialiste parce que la mondialisation des échanges des capitaux, des produits, de services et des hommes. Une mondialisation régulée par des accords multilatéraux.

Troisième point de repère : Emmanuel Macron est sincèrement européen. Il croit en un approfondissement fédéraliste de la construction européenne, même si c’est compliqué compte tenu des divergences culturelles et linguistiques. Pour lui, comme pour tous les Européens, cette Europe contribue au sens de l’histoire et permet à ses Etats membre de participer à la concurrence internationale. Pas question de nationalisme, d’identitarisme et surtout pas de protectionnisme.

Quatrième point de repère, et c’est là ou l’image du macronisme libéral se trouble un peu, c’est qu’il considère que le pays doit offrir des moyens de corriger les excès du système. C’est ce qui explique d’ailleurs la politique du « quoi qu’il en coute » pendant la pandémie. Face à une crise mondiale qui met en risque de survie le pays, l’Etat doit tout faire pour convoquer la solidarité et se protéger. Pendant la crise, l’Etat Macron a protégé les actifs de production et les contrats de travail. Ce que les ultra-libéraux auraient pu lui reprocher. Les responsables de gauche, en revanche, auraient pu s’en féliciter.

Cinquième point de repère : Emmanuel Macron use finalement d'un logiciel très schumpetérien. Du nom de cet économiste autrichien Josef Schumpeter, collègue et adversaire de JM Keynes, dans la mesure où ses préconisations étaient opposées à celles de Keynes. Pour les socio-démocrates et même pour les marxistes, Keynes a plusieurs fois sauvé le système de l’économie de marché, en prônant des politiques de la demande. Une demande financée par le crédit privé ou par les aides sociales et publiques.

Schumpeter s’est toujours inscrit en faux contre ces politiques inflationnistes qui revenaient à acheter la paix sociale, en donnant au peuple l’illusion de la richesse. Pour Schumpeter, l’acteur clef du développement économique est l’entrepreneur, innovateur, c’est lui qui a proposé une offre de produits ou de services pour créer de la richesse et du progrès. Progrès économique et social. Emmanuel Macron fait du Schumpeter sans le dire comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir.