Le plan (de moins en moins secret) de Manuel Valls pour sortir du gouvernement et préparer l’avenir

Les milieux d’affaires, qui suivent avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation politique, auraient conseillé à Manuel Valls et Emmanuel Macron d’éviter la polémique et de mettre leur rivalité en sourdine. Rivalités complètement inutiles et même très contre-productives. D’où l’interview d’Emmanuel Macron au JDD pour soutenir la loi El Khomri dans laquelle il prend la responsabilité des mesures les plus » hard « , notamment le plafonnement des indemnités de licenciement et l’élargissement de la définition du licenciement économique. Le changement de ton entre Matignon et Bercy correspond d’ailleurs au moment où des dirigeants de la droite, plutôt libéraux, ont signé une pétition pour dire qu’ils allaient voter la loi El Khomri. Ce groupe-là, emmené par Gérard Longuet, est beaucoup moins motivé par des considérations purement politiciennes que par la volonté de faire avancer une réforme de structure qu’ils ont toujours souhaitée sans jamais pouvoir la mettre en œuvre.
La gauche dure et opposée aux reformes Valls utilise cette tribune de droite comme la preuve que les reformes développées par le Premier ministre ne sont pas de gauche. Facile ! Emmanuel Macron a répliqué dans le JDD qu’il importait assez peu que la réforme soit de droite ou de gauche, pourvu qu’elle soit efficace pour restaurer la confiance des chefs d’entreprise et s’attaquer à cette injustice insupportable qu‘est le chômage. L’urgence des urgences. Pour les 3 millions de chômeurs, ce débat doit leur paraître puéril et même ridicule. Ils attendent un job et se moque bien de quelle couleur politique il est.
Ce sentiment n’est pas partagée par tout le monde à l’extrême-gauche, qui est arrivée à penser qu’il vaut mieux être chômeurs en France plutôt que salaries non-qualifies. Argument qui vient d’ailleurs d’être conforté par une analyse de l ‘OFCE, laboratoire de prévisions économiques (plutôt à gauche) et qui a comparé la situation d’un chômeur indemnisé en France à celle d’un salarié précaire aux Etats-Unis. L’OFCE a peut-être raison, sauf qu’il oublie de préciser le coût d’un tel avantage et le poids que cela pèse sur l’appareil de production français. Si le système économique français est aussi poussif, c’est aussi parce que le modèle social handicape la compétitivité.
Le niveau du débat est tombé bien bas. A Matignon, Manuel Valls a pris le parti de ne pas répondre à Martine Aubry, sauf qu’il a pris acte qu’elle avait creusé la fracture de la gauche en deux. Pour lui, au moins, les choses sont claires. Pour le président qui rêvait d’une réunification, c’est une catastrophe. Cette fracture va désormais complètement empêcher le gouvernement de faire voter une loi. La loi El Khomri peut trouver une majorité avec les apports du centre (pas sûr) et ceux des députes sincèrement libéraux (20 environ), à moins que les grands leaders comme Juppé, Fillon et Sarkozy fassent campagne, ce qui, à ce moment-là, rehaussera leur nombre.
A Matignon, on tourne autour de deux scenarios :
– Ou bien la loi passe sans être trop démontée, et sera portée au crédit de Manuel Valls ;
– Ou bien la loi ne passe pas et Manuel Valls sera battu. Il aura fait la démonstration qu’il ne peut plus gouverner. Martine Aubry aura réussi son assassinat.
Ceci étant, tout l’entourage de Manuel Valls explique qu’il n’a aucun intérêt à rester plus longtemps. Quel que soit le scenario. Le plan s’articule sur 3 points :
1er point, compte tenu de la situation politique et économique, François Hollande ne pourra pas être réélu en 2017, qu’il y ait primaire ou pas.
2ème point, François Hollande n’a pas intérêt à dissoudre l’Assemblée nationale. » Elle tiendra bien encore un an « , aurait-il dit très récemment à un de ses amis qui s’est empressé de le répéter.
3ème point, François Hollande ne limogera pas son Premier ministre parce qu’il a besoin de responsable ou de bouc-émissaire pour la campagne. En conséquence, Manuel Valls ne peut pas rester au-delà de l’été, sauf à porter le bilan désastreux du quinquennat.
Son intérêt est d’apparaître comme un socialiste moderne, qui a voulu reformer le pays et qui n’a pas pu le faire compte tenu du conservatisme de la gauche. Ce qui correspond à la réalité.
Mais s’il se résout à sortir, son intérêt est que Macron sorte avec lui. Ce qu’il fera, même si le ministre de l’Economie essaie de se préparer, de son côté, à entrer dans le jeu présidentiel.
Il sera bien temps d’aviser plus tard. Aviser pour savoir ce que les militants ou les cadres de ce qui restera du parti socialiste diront. Aviser pour savoir l’état de l’opinion, et celui des sponsors du monde du business qui commencent à être nombreux à penser qu’un attelage Valls-Macron serait capable de remettre la France dans le jeu de la marche internationale.