Le président d’EDF demande au gouvernement de profiter du soutien déclaré de Bruxelles pour accélérer les projets nucléaires français.

Bruxelles a donc ouvert la porte à des financements plus faciles pour les investissements dans le nucléaire. La France est évidemment la mieux placée pour en profiter. Les moyens de financement européens sont normalement considérables et fléchés vers les énergies décarbonées, dont l’industrie nucléaire.  

« Il faut construire des réacteurs vite et passer de la déclaration à l’action ». C’est le message qu’a lancé Jean-Bernard Levy, hier, au gouvernement sur la relance du nucléaire. Le président d’EDF est évidemment satisfait des annonces faites en novembre dernier sur la construction de nouveaux EPR en France, mais cela doit s’accompagner rapidement d’ « actions concrètes », surtout que la dynamique actuelle le permet.

Le contexte de financement aussi, avec cette taxonomie européenne des investissements verts annoncée le 31 décembre au soir qui va rendre disponible beaucoup plus facilement les sources de financements et en diminuer les coûts.

La nouvelle classification européenne des investissements devrait aider la France dans son projet très ambitieux. En répertoriant le nucléaire comme « énergie durable », la Commission européenne permet aux investissements liés à cette énergie décarbonée de bénéficier d’un label vert, ce qui va faire affluer les capitaux privés. La finance verte connait une croissance très importante parce qu’aujourd’hui toutes les banques, toutes les sociétés de gestion veulent montrer qu’ils agissent pour la planète. Et comme l’argent, c’est le nerf de la guerre et du financement des grands projets d’infrastructures, l’Europe vient de donner un sacré coup de main à l’ambition française.

Cette ambition digne des Trente Glorieuses, du président Pompidou et l’époque gaullienne pour la France, c’est la relance du programme nucléaire français, et la construction de 6 à 10 nouveaux EPR – ce qui représenterait une quinzaine de réacteurs d’ici 2035. Emmanuel Macron l’avait annoncé le 9 novembre.

Une relance qualifiée d’inéluctable, si la France veut continuer de s’approvisionner de manière indépendante et propre, tout en augmentant la part de renouvelables dans le mix énergétique (à terme, nucléaire et énergies renouvelables devraient être à 50-50) pour assurer la neutralité carbone en 2050.

Le président français ne prend pas de risque politique énorme parce que l’opinion est majoritairement favorable au nucléaire en France, mais ses ambitions ne s’arrêtent pas au territoire français. Pour rentabiliser le nucléaire, il va falloir innover et convaincre les autres pays que c’est un moyen sûr, économique et propre.

Il va donc falloir effacer le précédent Flamanville. Ce projet de prototype de la nouvelle technologie des EPR, censée être plus sûre et assurer de meilleurs rendements, a été qualifié d’ « échec opérationnel » dans le dernier rapport de la Cour des Comptes. Lors du lancement du 1er EPR français, à Flamanville dans la Manche en 2006, EDF estimait que la durée de construction du chantier serait de 4 ans et demi, pour un coût total de 3,3 milliards d'euros. Aujourd’hui, non seulement le projet n’est pas terminé (pas de mise en route avant 2023), mais le coût financier a largement débordé. Pour l’instant le projet EPR n’est pas un succès.

D’abord, c’est l’échec d’une coopération franco-allemande. A l’origine, ce projet EPR (European Pressurized water Reactor) est né d’une idée franco-allemande, de laquelle les Allemands se sont retirés en 1998 quand les Verts ont été élus au pouvoir chez eux. La France s’est retrouvée seule et a dû gérer en plus la suppression d’Areva, EDF ayant récupéré dans son giron les activités de conception nucléaire.

Ensuite, le déploiement des premiers EPR a été trop ambitieux et trop éloigné du cœur de décision d’EDF.  La Chine a été la 1ère à voir des réacteurs EPR fonctionner en 2018. EDF a participé à la construction, mais en partenariat avec des industriels et opérateurs locaux. Depuis juillet, un des deux réacteurs a été arrêté alors qu’une commission d’enquête met en avant un défaut de fabrication de la cuve, et donc remet en question la responsabilité d’EDF, qui n’a peut-être pas suivi la conception d’assez près.

Le premier chantier EPR européen et opéré par EDF a démarré en 2005, loin de la France, en Finlande et n’est toujours pas opérationnel. Il devrait l’être en 2022.  Sans oublier le chantier d’Hinkley Point au Royaume-Uni, avec la construction de deux réacteurs lancés quelques mois avant le vote du Brexit qui devaient voir le jour en 2025 et qui accusera un retard d’au moins un an.

Enfin, la grande de déception de ces EPR est la dérive financière et on ne sait pas encore où cette dérive va s’arrêter.. 10 ans et 17 milliards d’euros. C’est pour l’instant le bilan des retards accumulés par Flamanville. Tous les autres projets ont aussi largement dépassé leurs coûts prévisionnels .

Des dépassements de coûts qui engendrent des retards et des frustrations. Il faut plus de 15 ans pour construire cette technologie EPR, quand un réacteur de deuxième génération, des précédentes versions, ne sortaient de terre qu’en 5 ans.

Pour la construction de 6 ou 8 nouveaux EPR en France, EDF table maintenant sur un cout allant de 52 à 64 milliards d’euros, dont une partie sera financée par l’argent de l’Etat. Et avec le cadeau de Bruxelles, cela permet d’en diminuer le coût, c’est finalement un beau cadeau de début d’année.