Le seul moyen de réformer serait de prouver qu’il y a intérêt à la réforme. Ça serait possible…
Le président de la République n’a pas caché son embarras pour réformer la société française. Il a été flou sur la plupart des grands dossiers d’actualités : sur la retraite, le système de santé, l’éducation, la loi travail, la sécurité. Flou ou prudent ou muet.

Les dossiers de réformes profondes ne manquent pas : retraite, santé, éducation, travail, chômage, financement public, politique énergétique, lutte pour le climat etc. La volonté de réformer ne manque pas. Ce qui manquerait à l’exécutif, c’est une majorité parce qu’effectivement, la situation politique a changé. Et c’est ce changement qui expliquerait le flou ou la prudence extrême du président.
La gouvernance d’Emmanuel Macron a une obligation de résultat. Si elle n’en a pas les moyens, ça ne lui interdirait pas pour autant d’être intelligente.
A priori, il y a deux moyens de réformer pour un pouvoir politique :
-Un, imposer la réforme de façon autoritaire mais ça pose quelques petits problèmes dans les régimes démocratiques
-Deux, convaincre l’opinion de la nécessité de réformer en démontrant l’intérêt que peuvent avoir les gouvernés pour accepter. C’est dans nos démocraties occidentales ce que les responsables politiques essaient de faire. Mais le résultat n’est pas garanti et nécessite beaucoup de travail pour obtenir une adhésion.
Le président de la République a, à apriori, choisi la prudence en espérant que tout le monde prenne conscience du mur des réalités à affronter ou assumer.
Sur les retraites par exemple, il va relancer une grande concertation pour essayer de d’égarer un consensus sur la nécessité de retarder l’âge de départ à la retraite. Personne ne se fait d’illusion.
Sur la nécessité de répondre à la crise énergétique qui se profile, le gouvernement prépare une grosse campagne de communication ( 15 millions dit-on ) pour inciter les Français à consommer moins d’essence ou d’électricité. Sinon il faudra mettre en place des rationnements ou accepter des prix plus élevés. Là encore, personne ne se fait d’illusion. Il y aura les petits malins et ceux qui en ont les moyens. Et les autres, moins malins, qui paieront le prix fort. Intolérable
Le monde de l’assurance a pris des initiatives intéressantes pour se répandre sur le marché . En fait, ila repris et adapté des vieilles recettes de la science économique pour inciter ou obliger (sans obliger) les assurés à des comportements plus responsables.
Sur l’assurance automobile par exemple, les opérateurs ont généralisé le bonus -malus. L’assurance automobile est obligatoire, notamment l’assurance de base, responsabilité civile qui couvre les dommages faits à autrui. Cette obligation est respectée par la grande majorité des conducteurs de véhicules à quatre roues. Les services de police sont d’ailleurs habilités à les contrôler et peu d’entre eux dérogent à la règle.
Mais les assureurs ont inventé le bonus-malus pour encourager les assurés à bien se comporter. Si le conducteur n’a pas d’accidents ou d’ennuis particuliers de son fait, il bénéficie d’un bonus sur sa prime et ce bonus s’accroit d’année en année de bonne conduite. Si le conducteur fait des fautes qui le rendent responsable d’un accident, l’assureur lui inflige un malus sur sa prime d’assurance.
Le permis à points fonctionne un peu de cette façon. Ce système d’intéressement a produit ses effets. Il incite l’assuré ou le conducteur automobile à bien se tenir.
Dans toutes les réformes possibles d’assurance santé, on commence à s’inspirer du bonus -malus.L’assurance santé sera plus cher pour un individu à risque, par exemple pour un fumeur, un alcoolique ou plus généralement une personne qui ne se protège pas des risques majeurs, et qui ne fait aucune prévoyance. Dans l’assurance emprunteur, la prime sera évidemment différente selon l’âge de l’emprunteur ou de l'assuré.
Dans l’assurance retraite il faudra bien finir par imaginer des formes de retraites à la carte selon l'âge de départ choisi, ou de la durée de cotisations. Sauf à passer d’un système par répartition fondée sur la solidarité nationale à un système par capitalisation fondé, lui, sur la responsabilité individuelle. Ces formules ne sont pas sans défaut, bien sur, mais elles ont l’immense avantage de responsabiliser les clients ou les usagers.
Tout ce qui touche à la gestion des énergies menacées d’inflation ou de rationnement, deux remèdes classiques, qui sont également assez peu populaires, on pourrait très bien imaginer des systèmes d’intéressement ou d’incitation personnelle.
Pour réduire la consommation de carburant afin de freiner les hausses de prix et la spéculation, les gouvernements ont parfois, dans le passé, distribué des tickets de rationnement ou alors mis en place des limitations de vitesse. A 70 KLM/heure, une voiture consomme 25 % de carburant en moins qu’à 140 KLM par heure. Ceci dit, ces mesures obligatoires, et même assez liberticides seraient difficilement applicables aujourd’hui.
En revanche, les moyens digitaux permettent surement d’être plus subtiles comme les assureurs le sont.
Sur l’autoroute par exemple, les opérateurs de péage ont tout à fait la possibilité de connaitre à quelle vitesse, les voitures ont roulé entre deux tronçons. Moyennant quoi, compte tenu de la cylindrée de la voiture, ils peuvent aussi connaitre sa consommation. Ils peuvent très bien offrir des bonus à ceux qui auraient roulé à vitesse moyenne et appliqué les malus à ceux qui auraient roulé à grande vitesse. Bref, en modulant le péage de l’autoroute, l’automobiliste ou le transporteur peut avoir intérêt à modérer sa vitesse donc sa consommation. C’est un moyen très surement plus acceptable que des mesures coercitives que les fonctionnaires sont en train d’imaginer pour réduire la consommation .
La gestion de l’électricité pourrait très bien fonctionner selon les mêmes modalités. L’EDF et tous les distributeurs d’électricité ont déjà pris en compte les heures creuses et les heures pleines avec des tarifs très spécifiques…mais aujourd’hui, les compteurs individuels, les fameux Linky, permettent de savoir qui consomme quoi et à quelle heure. Cette masse d’information pourrait servir à moduler la facture à la hausse comme à la baisse selon les appareils alimentés.
Bref, ce qui compte dans une réforme, c’est évidemment son impact attendu. Mais son résultat est tributaire de son acceptation. Pour être acceptée, une réforme doit rapporter des garanties de progrès à la collectivité, mais comme sa faisabilité dépend de l’action individuelle, la réforme qui va nécessiter un effort doit apporter un profit ou un intérêt individuel. Un gouvernement a donc des obligations de résultats. Ça ne l’autorise pas pour autant à utiliser tous les moyens possibles, mais comme disait Machiavel, « ça n’interdit pas au pouvoir d’être intelligent. »