Les candidats à la présidentielle nous mettent à la retraite : ce qu’ils veulent changer et comment

Diplômée de l'Essec, Aude Kersulec est journaliste, specialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique et blogueuse.
Estimer une pension de retraite peut s’avérer la pire des choses, parce qu’on dépend de plusieurs caisses de retraites, parce qu’il faut comptabiliser tous ses trimestres validés…
Et le sujet passionne peu : pour les jeunes, la retraite, c’est trop loin; pour ceux qui en sont proches, c’est un peu tard pour tout changer. Pourtant, c’est aussi un sujet susceptible de lever les foules et d'engendrer des grèves. Avec de plus en plus de retraités par rapport aux actifs, il est temps de s’en préoccuper.
Aujourd'hui, l’âge de la retraite est fixé à 62 ans, à condition d’avoir atteint le nombre de trimestres requis, au nombre de 166, soit 41,5 années de cotisations. A défaut du nombre d’annuités, le départ à taux plein est à 67 ans, avec une pension calculée sur une base des 25 meilleures années de salaires dans le secteur privé, primes comprises, et du salaire des six derniers mois dans le public, hors prime. Première incongruité. Ça, c’est pour le régime de base, d'éventuelles retraites complémentaires viennent s’ajouter pour la plupart des salariés.
Côté coûts, les pensions versées aux retraités représentent environ 13 % de notre PIB. Et un poste de dépenses publiques qui occupe un quart du total, soit 300 milliards de dépenses par an, c’est un budget trop important pour le laisser intact, surtout pour des candidats qui affichent des objectifs d’assainissement de finances publiques ambitieux.
Certes, il y a eu les multiples réformes qui ont un peu amélioré les choses, en 1993, 2003 et 2010 et qui ont permis de pérenniser le système jusqu’à aujourd’hui, d’améliorer les déficits et d’assurer « une position financière plus solide », d'après le Conseil d'Orientation des retraites. Mais l'on a fait que gagner du temps, pour l'instant.
Alors, dans cette campagne, qui propose quoi ? Un grand coup de pied dans le système pour certains, à des réglages d’âge de départ à la retraite pour d’autres. Emmanuel Macron et François Fillon sont les plus pragmatiques sur l'état du système. Ils veulent tout deux trouver des pistes d'économies pour permettre de continuer à payer des pensions aux retraités.
Leur point d'accord : vers une uniformisation des régimes. Beaucoup de candidats s’entendent aussi sur une clarification et une convergence des systèmes. A travers cette uniformisation, deux objectifs.
En un, l’objectif de simplification et d'égalité. Régime privé, régime public et 35 régimes spéciaux rendent le système illisible et complexe. Sans compter les carrières décousues, de va et vient entre plusieurs régimes et donc plusieurs caisses, qui n’arrangent pas la visibilité d'une future pension. Les deux candidats s'accordent pour mettre fin aux régimes spéciaux. La solution envisagée par François Fillon notamment est de mettre les nouveaux entrants au régime général, ainsi les régimes spéciaux disparaitront au fur et à mesure. Emmanuel Macron, lui, demande un unique régime pour les salariés, les fonctionnaires, les indépendants.
En deux, celui de faire des économies. Les régimes spéciaux (les parlementaires, les cheminots, EDF, …) qui bénéficient de conditions spéciales, ça coûte cher. Et en plus, cette complexité cache des coûts de gestion et d’administration extrêmement élevés: 1,8% des prestations versées sont consacrées à ces frais, contre une moyenne européenne de 1,2%. Simplifier, c’est donc faire des économies. Rapprocher le régime public du régime privé permet une économie de 4 milliards d’économies par an, selon l'IFRAP, organisme d'études des politiques publiques.
Le point de désaccord entre les deux candidats: vers un changement de système.
Pour Emmanuel Macron, il faudra installer un système par points, inédit, mais dont la répartition resterait le principe de base. Ce seront donc les cotisations perçues qui continueront de financer les pensions des retraités. Chaque euro cotisé rapporte un point, et au moment du départ à la retraite, les points sont convertis en pension selon un coefficient (déterminé par l’année de naissance et l’âge de départ à la retraite et le taux de croissance actuel). Les points doivent être vus comme des droits à retraite.
Le système par points avait déjà été proposée en amont par un think tank libéral, l’Institut Montaigne en 2010, avec le même principe de « contributions égales, droits égaux ».
Cette réforme, même longue à mettre en place, a l’avantage de ne pas empêcher les changements de carrière et les envies d’entreprise, le régime ne changeant pas et l’actif continue d’engranger des points dans ses différents postes. Une mesure encouragée par les économistes, à l'image de Florence Legros, car elle incite à travailler plus pour bénéficier d'une meilleure pension. «C'est probablement plus efficace que d'obliger les personnes à travailler plus longtemps en fixant, comme en France, un âge légal et un nombre d'annuités».
Un système fiable et plus lisible, mais qui ne garantit pas la stabilité des pensions : la valeur du coefficient, qui convertit le point en euros, n’est connu qu’au moment du départ à la retraite, et fonction de la démographie et du dynamisme économique.
François Fillon est moins tranché. Pour assurer l’équilibre du système, il préfère jouer sur les paramètres du système, et modifier l’âge de départ à la retraite. 65 ans, au rythme d’un trimestre par an, au lieu de 62 actuellement. Il maintiendrait les 63 ans pour les carrières longues.
C’est sur une autre proposition, que le candidat des Républicains avait faite pendant la primaire de la droite et du centre, est plus flou. Il avait remis en cause le principe sacrosaint du système par répartition, au moins partiellement, en admettant qu’il fallait instaurer une part de système par capitalisation, un étage d'épargne retraite individuel où l'argent serait placé dans des fonds. Aujourd’hui, plus de trace de cette proposition sur le programme et le site internet du candidat.
C’est au moins un sujet où les programmes d’Emmanuel Macron et François Fillon diffèrent ; le premier incite à travailler plus longtemps, le second l’oblige par la loi. Dans les deux cas, on cherche à assurer le fonctionnement d’un système qui va gérer de plus en plus de retraités. L’incohérence économique est du côté de la plupart des autres candidats, qui demandent un retour de la retraite à 60 ans, incohérent dans un contexte de rallongement de la vie. Seul Nicolas Dupont-Aignan, parmi les petits candidats, adopte une attitude proche de celle d’Emmanuel Macron en se prononçant également en faveur d’une retraite par points
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