Les deux obligations de Macron, président : obligation de moyens politiques et obligation de résultats économiques

Emmanuel Macron a moins de cent jours pour réussir son quinquennat. Sa priorité va être de réveiller la France, mais pour cela, il lui faut une majorité qu’il n’a pas
Emmanuel Macron n’est vraiment pas un président comme les autres. Son talent et son habileté à saisir les opportunités qui peuvent le servir sont indiscutables. Son expertise, sa jeunesse et son pouvoir de séduction lui apportent les atouts indispensables à la conquête du pouvoir et sans doute à l'exercice de ce pouvoir. Cette image de dynamisme et de renouveau va profiter à l'image de la France toute entière. Le diagnostic qu’il a fait de la société française est juste puisque toutes les structures politiques ont craqué devant la possibilité d’un management alternatif.
Ceci étant, tous les analystes savent qu’il a été élu beaucoup plus par défaut que par passion. Il y avait assez peu d’euphorie ou même d’affection dans la foule qui se pressait au Louvre pour l’accueillir le soir du premier tour au pied de la pyramide.
Dans ces conditions, il a forcement une obligation de résultats économiques puisque pour lui, la mère de "toutes les colères" se cache dans l'état désastreux de l’économie française. L’endettement chronique, le chômage de masse, la fuite des cerveaux et de ses capitaux a clivé le pays non pas en fonction des idées politiques mais en fonction du rapport à la mondialisation ou à la modernité. La campagne présidentielle, qui n‘a pas été aussi nulle que beaucoup l’affirment, a servi de révélateur à cette fracture nouvelle.
D’un côté, la France des villes et des métropoles qui a su profiter des ouvertures de la mondialisation, de l'Union européenne et du progrès technologique, une France plutôt mieux formée que la moyenne.
Et de l’autre coté, une France des campagnes et des villes moyennes un peu désemparée, déclassée par les fermetures industrielles et les risques de la concurrence difficile à assumer.
Emmanuel Macron a donc l’obligation de redresser cette situation, ça passe par une meilleure gestion des finances publiques (moins de dépenses, pour moins d‘impôts et de charges). Ça passe par une meilleure gestion de la solidarité européenne. Ça passe par une meilleure compétitivité des entreprises (baisse de charges). Ça passe aussi et surtout par un nouveau droit du travail, plus de flexibilité, plus de dialogue social et plus de formation.
Cette obligation économique et sociale est au cœur du réacteur qui permettra au pays de se redresser. Cet objectif n’est évidemment ni de droite, ni de gauche, il relève du pur pragmatisme. Problème, il dérange beaucoup de situations acquises.
Cette obligation doit donc faire l'objet d’une décision législative très rapidement. Emmanuel Macron ne peut pas se contenter d’annoncer « que la République doit se mettre en marche », il doit aussi trouver une majorité politique pour voter ce type de lois.
Or, tout le monde sait qu’il se retrouve confronté à une partie de la population qui refuse de changement, non pas, par idéologie, mais par intérêt ou inquiétude. Une partie de la population a une demande forte de sécurité. Une partie de la population a voté pour lui parce que c’était aussi la seule façon de barrer la route à l'extrême droite. Mais ça n‘est pas pour cela que cette partie des votants est prête à accepter que la République change et se mette en marche, parce qu’elle ne sait pas où cette marche peut la conduire.
Si Emmanuel Macron a une obligation d’obtenir des résultats économiques assez rapidement (plus de croissance et plus d’emploi), il a donc, pour ce faire, une obligation de réunir des moyens politiques, et là on sent bien que ça n’est pas gagné.
Les enfants de la gauche ne sont pas prêts à abandonner des pans entiers de la fonction publique, les enfants de la droite sont parfois très souverainistes, parfois très étatistes. Les libéraux, convaincus des opportunités de la mondialisation sont beaucoup plus rares. Les européens sont européens mais sceptiques.
Alors, il peut réussir ce tour de force de réunir une majorité absolue sur son seul nom, sa seule marque, mais ne rêvons pas. Circonscription par circonscription, il existe des hommes politiques dont la marque locale est plus forte.
La bagarre va être terrible et même si les députés de droite ou de gauche sont élus en ajoutant à leur ADN d’origine, l'estampille Macron, ils conserveront leur ADN d’origine, leurs électeurs aussi.
Emmanuel Macron peut difficilement croire qu'il pourrait exister en France, un grand parti progressiste et un grand parti, plus conservateur un peu comme en Grande Bretagne ou aux Etats Unis. La réalité française est que le poids des extrêmes est aussi lourd que l’ensemble des deux grandes familles. La réalité est que la France politique est partagée en 4 courants. Deux courant modérés, à droite et à gauche, et deux courants extrémistes qui refusent le système.
Emmanuel Macron rêve de réunifier les deux courants modérés. Il peut toujours essayer.
La solution la plus probable ressemblera davantage à ce qui existe en Allemagne, des coalitions fondées sur un programme de gouvernement. Encore faut-il une équipe pour coaguler et faire cohabiter plusieurs familles différentes.
Emmanuel Macron a donné beaucoup d’informations sur son obligation de résultats économiques et la pertinence de son diagnostic explique en partie son élection. Mais il a donné peu d’éléments pour imaginer une majorité. Or, cette majorité est au cœur de son obligation de moyens.
Sans résultats rapides, il sera très vite décrédibilisé, encore plus vite que François Hollande. Mais sans moyens politiques, pas de résultats.
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