Les entreprises n’ont plus le moral : 70 % s’attendent à un arrêt de croissance et de grosses difficultés de trésorerie.
L’étude du cabinet Arc / IFOP publiée au lendemain des élections législatives révèle que les chefs d’entreprise s’attendent à une détérioration de leur activité et de leur trésorerie. 75% des entreprises interrogées voient les délais de paiement comme la variable d’ajustement.

Rien ne va plus. Après le « quoi qu’il en coute », une France ingouvernable risque de générer « le sauve qui peut » .
Au lendemain des élections législatives, les chefs d’entreprise ont perdu le moral qu’ils avaient en sortant de la crise du Covid. Leur prévision d’activité est désormais très pessimiste sur l’évolution de leur marché, sur leur marge et sur leur capacité de trésorerie.
Le moral des patrons n’est pas tombé brutalement cette semaine, aux vues des résultats des législatives. La détérioration a démarré au début de l’année, elle s’est aggravée avec la guerre en Ukraine. La campagne pour la présidentielle, suivie de la campagne législative n’a rien arrangé.
Le projet du cabinet Arc, un des cabinets de juristes d’affaires leader en France, avait pour objectif de mesurer l’état des entreprises françaises à un moment où Bercy préparait la fin « du quoi qu’il en coute » alors que le contexte économique s’est retrouvé fortement hypothéqué par la situation géopolitique
Afin de mettre en lumière l'état de "réveil" des entreprises françaises dans ce climat si particulier, le Cabinet ARC a donc mené, avec l'IFOP, cette étude sur le moral des chefs d’entreprise, leur situation financière’et l’impact sur les trésoreries : le constat est clair et net parce qu’il tombe sur la question des délais de paiement, qui sont à nouveau utilisés comme variable d’ajustement.
Les entreprises ont été interrogées au cours du mois de juin et il ressort que 25% d’entre elles ont déjà constaté une détérioration des délais de paiement de leurs clients. Leurs clients PME ont d’ailleurs souffert plus que les grands comptes.
Le détail des chiffres de cette étude révèle une situation assez inquiétante :
Plus de 70% des entreprises interrogées ne prévoit pas de croissance de leur activité au cours des 6 prochains mois et plus de 21% en anticipent même le recul.
Près de la moitié des entreprises interrogées prévoit qu'il leur faudra 1 à 2 ans pour effacer les effets de la crise sanitaire sur leur santé financière.
Pour 38%, c'est une période d'au minimum 3 ans qui est envisagée.
Pour près de 6 entreprises sur 10, les banques se désengageront vis-à-vis des TPE/PME qui ont utilisé leur premier PGE sans l'avoir encore remboursé et près d'1 entreprise sur 2 (46%) pense que l'arrêt progressif du "Quoi qu'il en coûte ?" entraînera une augmentation du nombre de dépôts de bilan de leurs clients.
30% des entreprises considèrent (craignent ?) que leurs clients ne seront pas en mesure de faire face au remboursement cumulé de leurs créances, investissements et factures.
3/4 (75%) des entreprises interrogées pensent que les délais de paiement risquent de devenir une variable d'ajustement et d'augmenter pour pallier aux problématiques de trésorerie des entreprises (de leur entreprise ?). Pour plus de 7 entreprises sur 10, c'est via l'allongement des délais de paiement de leurs fournisseurs qu'elles compenseront leurs besoins en trésorerie. La deuxième pratique la plus évoquée est le découvert bancaire et/ou l'escompte des effets, alors que près de la moitié des entreprises interrogées déclarent de ne pas disposer d'une trésorerie suffisante.
Plus d'un quart des entreprises interrogées estiment que les délais de paiement de leurs clients se sont détériorés au cours des 6 derniers mois.Celles-ci déclarent que les délais de paiement de leurs clients se sont dégradés de 19,1 jours en moyenne, avec un chiffre montant à 19,9 jours pour les clients PME (16,7 jours pour les Grands Comptes).Les délais de paiement des clients PME se sont davantage dégradés que ceux des clients Grands Comptes.
Pour Denis Le bosse, le président du cabinet Arc, le diagnostic est clair : « Avec une croissance en berne, des prévisions de trésorerie inquiétantes, le pessimisme fait son retour dans les entreprises après l’euphorie de la fin 2021. Grace au soutien mis en place par l’État français depuis 2020, le tsunami des défaillances d’entreprise n’a pas eu lieu. Mais aujourd’hui, alors que « quoi qu’il en coute » va se retirer progressivement, que les contrôles URSSAF vont se multiplier, que les remboursements des PGE vont être exigés, mais aussi au moment où les banques vont durcir leur condition de crédit… les entreprises craignent une augmentation des dépôts de bilan de leurs clients et surtout des retards de paiement. »
Ce phénomène est nouveau parce qu’au début de l’année, les entreprises étaient encore sur un trend de croissance relativement fort. On est sorti de l’année 2021 dans l’euphorie du rebond. Il est évident que la guerre en Ukraine a cassé cette dynamique du rebond. Les sanctions pèsent aussi indirectement sur les entreprises françaises et pas seulement sur celle qui travaillent avec la Russie et l’Ukraine. Tout le monde est impacté pour cause de rupture d’approvisionnement et d’inflation. La réaction première des entreprises est de protéger leur marge de manœuvre et leur cash. D’où l’appel aux banques qui ont tendance à ne pas répondre. D’où le repliement sur soi, et l’allongement de des délais de paiement comme le révèle l’étude du cabinet Arc /IFOP. Ce type de réaction est évidemment légitime. Arès le "quoi qu’il en coute », on court le risque du « sauve qui peut ». Le problème, c’est que quand le client ne paie plus, c’est le fournisseur qui trinque. La chaine de valeur se double d’une chaine de défaillances.
Ces difficultés vont donc handicaper les six prochains mois. C’est d’ailleurs la prévision de la Banque de France et de Bercy. Un avertissement que n’a pas manqué de faire le ministre de l’économie, Bruno Le Maire .
Avec un problème supplémentaire qui s’est invite le Week-end dernier, une situation politique de crise que personne n’avait prévue : une France ingouvernable, sans majorité, à un moment où les entreprises ont véritablement besoin de visibilité, de cap, et de stabilité.
(Étude Arc/IFOP, 202 entreprises de 50 salariés et plus ont été interrogées entre le 19 mai et le 8 juin 2022)