Les réformes libérales seraient les meilleurs outils contre l’inflation. Les clients, les actionnaires et les syndicats ont leur mot à dire.

Le gouvernement français est retombé dans ses habitudes étatiques de réguler les prix pour éviter l’inflation et protéger le pouvoir d’achat. C’est la plus mauvaise des réponses. Pour résister à l’inflation, le système a besoin de transparence et de liberté.

Le gouvernement français n’est pas le seul à réagir aux risques d’inflation. La prochaine loi de finances va prolonger la pratique des chèques distribués aux consommateurs pour leur permettre de protéger leur niveau de vie : Chèque sur les carburants, sur les produits alimentaires de base mais aussi aides publiques de toute sorte dont le logement.

Parallèlement, il faudra sans doute aussi céder en partie aux demandes de blocage des prix de certains produits et services que formule l’opposition d’extrême droite et de gauche.

Pour lutter contre les risques de pénuries, beaucoup de gouvernements mettent en place des embargos à l’exportation de certaines matières premières et produits agricoles notamment sur le blé, et la plupart des céréales (embargo à l’export pour la Russie, la Chine et une grande partie des pays asiatiques) mais aussi sur le riz.

Toutes ces mesures s’inscrivent dans les logiques protectionnistes afin de protéger les populations, à court terme, elles répondent aux contraintes politiques et sociales mais en fait, elles ne résolvent aucun des problèmes de fond.

 Plus grave, elles aggravent l’état des marchés et préparent une crise encore plus profonde parce que toutes ces mesures font le lit d’une inflation encore plus lourde. Les experts commencent à penser qu’en France, on pourrait dès cet été atteindre les 7% d’inflation et à la fin de l’année, dépasser les 15%. Bref une catastrophe.

Explications en 5 points :

1er point : les prix des carburants et des produits alimentaires, produits industriels augmentent parce que l’offre s’est globalement dégradée par rapport à la demande. D’abord, la reprise mondiale post-Covid a gonflé la demande en énergie et matières premières et les prix ont commencé à bouger au début de cette année.

Mais la guerre en Ukraine a cassé le rebond post-Covid en bloquant les échanges commerciaux avec la Russie et l'Ukraine et notamment sur les énergies que sont le pétrole et le gaz dont l'offre s’est raréfiée.

2e point. Face à cette situation, de nombreux pays ont décrété des embargos d’exportation afin de se protéger. Les pays producteurs de pétrole, dont l'Arabie Saoudite, ont refusé d’augmenter les productions pour profiter des majorations des prix de marché. Et les grands pays exportateurs de céréales que sont la Russie, l’Inde et la plupart des pays d’Asie ont suspendu leurs ventes de blé à l'international afin de se constituer des réserves. Le prix mondial du blé a augmenté de 40 % en 6 mois, mais plus grave encore, dans les six mois qui viennent, beaucoup de récoltes vont rester bloquées dans des ports (Odessa par exemple) et beaucoup de pays consommateurs risquent des pénuries d’approvisionnement pour les semences à faire et pour nourrir leurs consommateurs. En Europe occidentale, ça passera parce que des pays comme la France et l’Allemagne sont de très gros producteurs mondiaux. Mais en Turquie, en Égypte, en Afrique et dans les pays du Maghreb, on commence à craindre le pire. On se souvient des émeutes de la faim aux conséquences terrifiantes. Les émeutes de la faim qui s’étaient calmées après une période de forte famine (dans les années 70) sont réapparues depuis 2006-2008 et aujourd’hui, tout le monde s’attend à ce qu’elles frappent beaucoup de pays fragiles. La dernière famine avait entrainé des émeutes, notamment lors du printemps arabe.

3e point : il est évident que le premier moyen d’éviter l’inflation et la pénurie serait d’arrêter la guerre pour rétablir des circuits commerciaux normaux. La multiplication des échanges commerciaux, l’ouverture à la concurrence ont permis de bénéficier d’une très grande stabilité des prix depuis les années 2000. Le problème est que malheureusement, tous les pays qui ont profité de la mondialisation, la Chine, la Russie et l’Asie du Sud-est, n’ont pas respecté les principes de réciprocité sur lesquels ils s’étaient engagés. D’où les déséquilibres qui ont poussé les Occidentaux à des délocalisations excessives. Le retour du balancier dans l’autre sens ne résoudra pas le problème.

4e point ; la régulation des prix ou la multiplication des aides ne calmeront pas la hausse de prix. Cette politique n’aura d’effet que sur le court terme en calmant la douleur.

Les prix se forment d’une part par la confrontation de l’offre et de la demande et d’autre part, par le calcul des coûts de production.

Toute intervention extérieure sur ce double mécanisme de la fonction de production dérègle la production elle-même. Si l’entreprise n’a plus la liberté de fixer ses prix, elle perd sa liberté de capter des marchés, ou d’investir, ou même d’innover. La fixation du prix est la principale clef que le chef d’entreprise possède pour faire tourner son moteur.

L’Etat peut et doit intervenir, à condition de ne pas gêner le fonctionnement. L’Etat doit réguler, mais il doit protéger l’exercice de la concurrence.

5e point : Le chef d’entreprise n’a pas à attendre de l’Etat qu’il fasse le travail à sa place. Le chef d’entreprise est parfaitement capable d’écouter ses clients, de discuter avec ses actionnaires et ses banques du financement de ses projets et de négocier avec ses salariés des conditions de travail et des salaires.

Le problème est que tout cela, c’est de la théorie.

Dans la pratique, si le chef d’entreprise écoute assez bien ses clients, il n’écoute pas forcément ses actionnaires, contrairement à ce qu’on dit trop souvent. Les actionnaires sont à l’entreprise ce que les électeurs sont la démocratie. Il faut les écouter même s’ils sont minoritaires. L’époque actuelle nous offre trop d’exemples de grandes entreprises du Cac 40 qui ne tiennent pas compte de leurs actionnaires, d’où l’émergence de fonds activistes qui portent la contestation, qu’il faudrait beaucoup mieux gérer. Enfin, le chef d’entreprise n’écoute pas autant qu’il le devrait son personnel. Il faut dire que la majorité des entreprises françaises ont fait peu d’effort pour élargir la représentation syndicale. Contrairement à l’Allemagne ou même aux États-Unis, les syndicats ne constituent pas un contre-pouvoir fort en France. C’est dommage parce que dans la lutte contre l’inflation, les syndicats ont leur mot à dire. Faute d’être entendus, ils contribuent aussi à l’inflation par des revendications forcément radicales.