Les rêves fous (mais plausibles) de Carrefour : se marier à Auchan et créer un e-commerce équivalent à Amazon.

Le rapprochement avec Auchan était sur les rails mais il vient de s’interrompre. En revanche, Alexandre Bompard, le PDG depuis 2017, va pousser les feux du e-commerce avec en ligne de mire le modèle Amazon et sa puissance mondiale.

Alexandre Bompard n’en finira pas de surprendre le monde du commerce. En arrivant chez Carrefour, tout le monde se souvient de la détermination avec laquelle il avait annoncé son plan stratégique : restaurer les marges du numéro 1 de la grande distribution, accroitre sa taille et investir dans le e-commerce. Alexandre Bompard n’a pas chômé. Il a restauré la marque, simplifié la visibilité et répondu au changement d’habitudes alimentaires en investissant dans une offre de produits plus sains, plus responsables et plus bio. Mais parallèlement, il a amorcé un développement du e-commerce avec la mise en ligne du site carrefour.fr et un objectif de 5 milliards de chiffres d’affaires en 2022. Le pari sera tenu.

Normalement, dès le début du mois de novembre, il s’adressera aux analystes financiers pour rappeler quels sont les piliers stratégiques pour mener à bien la transformation digitale.

Premier axe : la taille ne progresse pas aussi vite qu’il aurait souhaité mais ça n’est que partie remise.Le rapprochement avec Auchan, que tout le monde attendait, aurait fait l’effet d’une bombe. Il vient d’être interrompu par Carrefour. Cette opération aurait pu donner naissance à un géant mondial de distribution.

Le bruit d’un mariage possible courait depuis le début du mois d’octobre quand Gérard Mulliez, le grand patron iconique du groupe Auchan, avait laissé entendre que la famille Mulliez, propriétaire de Auchan, mais aussi de Boulanger, Décathlon, Leroy Merlin, était ouvert à des partenariats avec d’autres groupes de la grande distribution. Les centres Leclerc n’étant pas consolidés dans une entité, il ne pouvait s’agir que de Carrefour et de ses satellites. On sait maintenant que les discussions ont été arrêtées par Carrefour.

Selon l’agence Bloomberg, Auchan avait approché Carrefour pour créer une entité commune où Auchan aurait acquis la participation majoritaire.

Auchan aurait proposé un accord qui valorisait l’action Carrefour à 21, 50 euros (alors que le cours de l’action vaut environ de 16 euros). Ce prix-là a été jugé trop bas par la présidence de Carrefour, c’est à dire par l’actionnariat et notamment par Bernard Arnault, encore actionnaire cet été. Bernard Arnault a vendu sa dernière part de capital le 31 août, lui qui avait acquis ses actions dans Carrefour à un prix de 48 euros. Bompard s’est délesté d’un actionnaire qui aurait pu le bloquer dans le développement de sa stratégie.

L’idée d’un mariage Carrefour-Auchan était évidemment de renforcer les marges et le potentiel de développement de Carrefour dans la distribution traditionnelle, en France comme à l’étranger. Les milieux financiers savent que Carrefour cherche des alliances ailleurs qu’en France, ou alors avec de partenaires sur d’autres secteurs que l’alimentaire. L’heure des grandes manœuvres a donc sonné. La mutation digitale va accélérer la mue.

Le deuxième axe du développement porte sur la transformation numérique et la percée que le groupe peut faire dans le e-commerce. Alexandre Bompard a compris que l’avenir passerait par la case digitale, parce que le commerce en ligne est en expansion continue. La crise du Covid a définitivement boosté les ventes distancielles. En Chine, elles représentent déjà 50 % de la consommation. Alors qu’en France, le e-commerce ne représente que 10 %. Les géants de la grande distribution, Leclerc et ses drives, Carrefour et tous les purs players du digital, sont tous distancés par Amazon.

L’objectif de Carrefour est donc de multiplier tous les maillons de cette chaine de valeur qui participent au e-commerce. Multiplier les entrepôts pour pouvoir assurer la livraison express, développer le drive piéton et les points de livraison, les dark stores etc ....

Il manque à Carrefour quelques briques pour achever sa construction. Le temps presse parce que les concurrents se préparent aussi. Non seulement dans l‘alimentaire et les produits frais mais également dans le non alimentaire.

La course est lancée et comme tout se sait, Auchan est évidemment sur la même ligne stratégique.

Alors pour les actionnaires de Auchan comme pour les actionnaires de Carrefour, ces deux acteurs majeurs finiront par s’entendre. Et pas seulement pour l’alimentaire. La famille Moulin, plus grand actionnaire de Carrefour, détient aussi les Galeries Lafayette.

Avec toutes les marques gérées par ces deux groupes et leurs filiales, tout est possible, y compris que marcher sur les traces d’Amazon.