Les sanctions vont provoquer une crise économique mondiale dont la Russie ne pourrait pas se relever.

La France, l’Espagne et l’Italie pourraient s’affranchir assez vite des importations de gaz, de pétrole, et même de blé et de quelques métaux comme le nickel ou l’aluminium, en provenance de la Russie. L’Allemagne aura beaucoup plus de mal...

Les Occidentaux considèrent qu’il faudra en arriver à interdire les importations de gaz, de pétrole, de blé et même de certains métaux indispensables aux industries, comme le nickel et l’aluminium. Les Occidentaux savent que l’embargo sur le gaz et le pétrole importés leur coutera très cher. Mais les études réalisées montrent que l‘arrêt des approvisionnements sera plus supportable aux Européens que l’arrêt des paiements aux Russes (1 milliard de dollars par jour). Les Occidentaux ont des solutions de remplacement au gaz russe. Les Russes peuvent se tourner vers les Chinois, mais pas de quoi, toutefois, compenser à court terme les exportations vers l’Europe.

 

Les Américains viennent d’interdire les importations de gaz et de pétrole en provenance de Russie. C’est pour eux la dernière étape au niveau des sanctions puisque plus rien de russe ne pourra aujourd’hui être déchargé d’un bateau ou d’un avion. Pour les Américains, c’est sans conséquence. Les Etats-Unis sont autosuffisants et ils peuvent sans douleur se passer du gaz ou du pétrole russe. Cela dit, le signal politique pour Vladimir Poutine est très fort parce qu’il va souligner, une fois de plus, son isolement de la scène internationale.

Pour les Européens, l’exercice de désengagement des marchés russes va être beaucoup plus compliqué parce que l’Europe est très dépendante de la Russie sur le marché des hydrocarbures et des produits agricoles. 

Cela dit, la menace d’interdire ce type d’importation est plus sévère pour Moscou parce qu’elle priverait Vladimir Poutine de l’essentiel de ses revenus. Interdire toute l’importation d’énergie, c’est créer l’asphyxie de toute la Russie. Beaucoup de misère pour le peuple, la ruine assurée pour beaucoup d’oligarques mais c’est pour Moscou la quasi-certitude de ne plus pouvoir financer la guerre en Ukraine.

Le raisonnement est évidemment très juste, sauf que le passage à l’acte va l’être beaucoup moins. Et surtout, la mise en œuvre va être plus longue. N’empêche, l’ensemble des pays européens en liaison avec les Américains travaillent sur la mise en place de telles interdictions.  

1er point : les pays de l’Europe du Sud, la France, l’Italie et l’Espagne devraient pouvoir s’affranchir assez vite des importations stratégiques. D’abord, parce que l’Europe du Sud achète beaucoup moins d’hydrocarbures à la Russie que l’Allemagne et beaucoup de pays du Nord. Parmi les hypothèses examinées depuis quelques jours, cette Europe du sud pourrait se priver du gaz russe dans les deux ans maximum. L’Italie sortira de la zone à risque de pénurie l’année prochaine grâce à la relance des livraisons qui viendraient de la Libye et de l‘Algérie. Idem pour la France qui va bénéficier du gaz d’Algérie via l’Espagne. 

Ajoutons à cela que la France a la capacité de traiter le gaz liquide qui arriverait des Etats-Unis ou du Canada. A partir de ces équipements de gazéification, la France peut redistribuer le gaz à ses voisins.

Quant au pétrole, les approvisionnements russes représentent moins de 20%. Les pays producteurs du pétrole ou d’Afrique ont la capacité de les remplacer à plus long terme. Cet embargo forcé va accroitre la pression partout en Europe sur l’investissement nucléaire. Dont l’Italie, l’Espagne et le Portugal profiteront.

2e point :  le cas de l’Allemagne est beaucoup plus compliqué, parce que l Allemagne a besoin du gaz russe pour couvrir 55 % de ses besoins en énergie. Et l’Allemagne est le plus gros consommateur pour chauffer sa population et faire tourner son industrie. Elle n’a aucune solution acceptable de remplacement. L’Allemagne a, sous la pression de ses militants écologistes, sabordé son potentiel nucléaire. L’Allemagne tente d’assurer son autonomie grâce aux énergies naturelles, (les éoliennes) mais ça ne suffit pas (surtout les jours où il n ‘y a pas de vent) et grâce au charbon, ce qui met l’Allemagne au premier rang en Europe des pays les plus polluants ; triste record.

Dans ce contexte, le gouvernement allemand songe à lancer une grande campagne pour faire des économies d’énergie. L’arrivée du printemps et de la chaleur va favoriser cet effort. Sauf que les gros consommateurs de gaz sont les industriels ou les centrales. Les priver de gaz, c’est les priver d’activité à un moment où la croissance pique du nez.

L’autre solution sera évidemment d’acheter du gaz aux pays producteurs du nord et aux États-Unis, gaz américain qui va arriver dans les ports français dotés des équipements pour gazéifier le gaz liquide.

3e point : l’arrêt des importations de blé, va contrairement aux idées reçues, gêner beaucoup plus la Russie et l’Ukraine que l’Europe. Parce que l’Europe va saisir l’opportunité de relancer la production massive de céréales, mais ça demandera plusieurs années. Au moins, un pays comme la France peut regagner son indépendance alimentaire qu’elle a eue dans le passé. La France a perdu son leadership sur le marché des céréales quand l’Ukraine est devenue le grenier à blé de l’Europe. Le monde agricole est convaincu qu’il va lui falloir fournir un effort considérable de production.

4e point. Aucun pays en Europe n’échappera à une augmentation très importante des prix du gaz et du pétrole. Les gouvernements peuvent aider les consommateurs les plus en difficultés, mais ils peuvent aussi prendre des mesures de rationnement et de sobriété. La situation est telle aujourd’hui, que les populations accepteront des coupures d’’électricité, par exemple à certaines heures de la journée et dans certains secteurs. On peut difficilement couper l’électricité dans la famille à l’heure du diner, mais on peut au même moment couper l’alimentation des éclairages publics. Comme en 1974 au moment du premier choc pétrolier, les Français n’ayant pas de pétrole avaient été invité fermement à avoir « des idées ».