L’étrange silence des écologistes face à un gouvernement qui va tenter le grand écart entre le soutien au pouvoir achat et un modèle de sobriété énergétique.

Le gouvernement est entré dans un débat difficile au Parlement, avec la loi sur le pouvoir d’achat, d’autant que parallèlement, il prépare pour la rentrée la mise en place d’un modèle de sobriété énergétique. Ce qui parait contradictoire.

Les écologistes auraient pourtant leur mot à dire sur le sujet. Parce qu’au départ de la discussion législative, le gouvernement va se retrouve piégé :

D’un côté, il doit présenter toutes les mesures qui doivent servir à compenser les pertes de pouvoir d’achat, mais de l’autre, il doit aussi préparer pour la rentrée de septembre, les points clef d’une société qui consommera moins d’Energie d’origine fossile en particulier, moins de Gaz et moins de pétrole 

A priori, c’est Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, qui va aller au front et qui fera le job. Il l’a déjà fait il y a dix jours aux journées économiques d’Aix en Provence et il a réussi à convaincre l’ensemble des participants, en replaçant les mesures de soutien au pouvoir d’achat qu’il préparait dans un cadre plus global dominé par l’objectif de restaurer l’équilibre des finances publiques, sans oublier pour autant l’aspiration à une économie décarbonée. A Aix, il y avait une grande partie du monde des affaires européen qui lui a réservé une « standing ovation ». Ça fait longtemps qu’un ministre de l’économie n’avait pas été traité de cette façon.

Seulement voilà, il va se retrouver aux côtés de la première ministre, face à un parlement où la majorité sera difficile à construire.

Tout le monde est d’accord sur le diagnostic, le même monde de la politique ne l’est pas sur les moyens. D’autant que pour brouiller les pistes, les rivalités entre les chefs ne manquent pas. Sans parler des positions extrêmes de la Nudes et du RN, on sent bien que Mme Borne et Bruno Le Maire auront du mal à élargir leur majorité étroite. Déjà qu’à l’intérieur de la maison, Edouard Philippe fait savoir ses réserves, ne parlons pas ce qui pourra se passer avec les amis de LR. Alors qu’ils pourraient être des alliés naturels.

Ce qui est curieux au départ de ce marathon estival, c’est le silence (et même l’absence des écologistes) parce que les amis de Sandrine Rousseau pourraient avoir des idées utiles pour sortir du piège dans lequel le gouvernement s’est mis, parce qu’il a un président qui veut tout faire en même temps.

La situation économique et internationale oblige le gouvernement à se battre sur deux fronts et ces deux batailles sont assez contradictoires dans les objectifs, les moyens mobilisés et les objectifs à atteindre.

Premier front, l’urgence des urgences est de répondre à la plainte lancinante de l’opinion et des médias sur le pouvoir d’achat. Le projet Le Maire va donc répondre à cette question (bouclier énergétique, blocage des prix de l’EDF, augmentation du SMIC, et libération des primes d’intéressement sans taxes, ni impôts.). Tout cela devrait couter près de 25 milliards d’ici la fin de l’année, et également 25 milliards pendant le 1er semestre, soit un total de 50 milliards qu’il va falloir emprunter parce que, sauf erreur, Bruno Le Maire ne prévoit ni augmentation d’impôts, ni privatisation des bijoux de la couronne.

Le plan du gouvernement, mais en réalité c’est le plan du président, s’inscrit dans du keynésianisme pur sucre. John M Keynes en 1936 ne préconisait pas autre chose. Protéger la consommation et par conséquent, la croissance et l’emploi.

La seule entorse à l’orthodoxie Keynésienne que les services de Bercy ont commise, c’est de limiter les mesures de soutien à la durée du pic d’inflation et Bruno Le Maire fait le pari que le pic sera passé à la fin de l’année.

Le deuxième front que le gouvernement a ouvert sera de se lancer contre les menaces de restrictions sur le gaz, le pétrole et l’électricité et là, il va avoir besoin de la participation de l’ensemble de la population. Pari audacieux mais bénéfique parce qu’il s’agit de lutter contre les effets de la guerre en Ukraine, des sanctions et des contre sanctions. Bref, rationner la consommation d’énergie. A priori, le président semble avoir oublié les mesures coercitives qui reviendraient à interdire la circulation automobile un jour sur deux par exemple. Il n’y aura donc pas d’interdiction ou punition. Mais principalement des invitations, voire des injonctions sur la consommation, ou alors des incitations.

Mais qu’on le veuille ou non, ces mesures vont ouvrir des pistes pour digérer la crise et installer un modèle de consommation plus frugal. Et c’est intéressant si parallèlement à cela, la pédagogie pour un autre modèle de consommation frugale s’installait et ça n’est pas impossible.

Ce modèle d’une société moins gourmande est diamétralement opposé à la philosophie qui inspire le plan de soutien.

Or, cette société frugale et économe qui ferait attention à tout : moins de KLM, moins de chauffage, moins de consommation de produits qui auraient beaucoup voyager etc. etc., cette société est au cœur de la logique des écologistes. Ils pourraient donc contribuer au plan du gouvernement.

Alors Sandrine Rousseau pensera surement que le plan de frugalité n’est pas assez punitif, c’est probable. Trop d’incitation, trop de pédagogie, pas assez social-militant, pas assez islamo-gauchiste.

Il y a pourtant beaucoup de sensibilités écologistes qui vont se sentir concernées par une campagne massive pour consommer moins. Yannick Jadot pour peut-être sortir de son silence, lui qui aurait refusé net de rentrer au gouvernent avant les législatives alors qu’on avait vaguement compris que si la proposition lui avait été faite après, il y aurait réfléchi. La situation assez confuse l’a convaincu de rester à l’abri du Brouhaha.

C’est dommage, parce que le gouvernement a besoin d’un complément de majorité et un apport législatif à l’occasion de cette crise de l’énergie n’aurait pas été inutile. D’autant qu’il fourmille d’idées.