Logement : chronique d’une catastrophe annoncée contre laquelle le gouvernement n’a rien prévu .

Les promoteurs immobiliers sont paniqués , les industriels du bâtiment aussi . Jamais depuis un demi-siècle , la situation du logement en France n’a été aussi tendue . Les professionnels font le siège de Matignon mais n’obtiennent aucune visibilité .

Baisse de 10 à 25%

La phase première  de la procédure de sélection des candidats à la présidence du Medef s’est achevée ce Week-end  par la désignation de trois candidats qui ont obtenu au moins 150 parrainages de leurs pairs . Et ces trois candidats s’affronteront pour l’élection finale du président le 6 juillet prochain.

Trois candidats dont on sait peu de choses si on n’appartient pas au cénacle patronal.

Le favori de cette course  pourrait être le vice-président délégué du Medef , Patrick Martin puisqu’il a recueilli 450 signatures soit 80% des membres de l ‘assemblée générale qui participent à la procédure de désignation .

Le logement en France , c’est sacré . Mais comme partout . Le logement c’est le marqueur de confort minimum , de sécurité et de lien social. Et bien jamais l’évolution du secteur de la construction n’a été aussi décalé par rapport aux besoins. Et ça n’est pas , pour une fois de la faute des promoteurs et de l’ensemble des acteurs de la filière qui n’arrêtent pas d’alerter les pouvoir publics sur l’état désastreux de la situation.

Le ministre du logement a promis qu il faudrait faire quelque chose , la première ministre a annoncé que le gouvernement allait se mettre au travail sur ce dossier. Et la semaine prochaine , promis juré , le monde du logement sera rassuré . Les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent , les professionnels pensent qu’ on va tout droit à la catastrophe financière , economique et surtout sociale.

Les chiffres sont inquiétants :

-le nombre de permis de construire accordés par les maires ont baissé de 12% à 440 000 .

-les mises en chantiers ont reculé de presque 10% à 350 000

-les réservations d’appartements ont baissé de 25 % et les réservations  de maisons individuelles neuves de 30%

Les chiffres provisoires de l’année 2023 marquent  une nouvelle aggravation de la situation  à tel point que les professionnels de la promotion n’osent pas imaginer la situation dans les années qui viennent puisqu’ils chiffrent les besoins a plus 450 000 logements neuf par an pendant dix ans . Actuellement les mises en chantier cette année n’attireront  pas les 350 000.

Le président du Medef , Geoffroy Roux de Bezieux a récemment tiré le signal d’alarme en expliquant que cette dépression allait évidemment mettre en difficultés des milliers de petites et moyennes entreprises de construction mais que ce déficit de logement crée un véritable problème de society ». Le logement c’est comme l’emploi , le cœur de l’ADN social. Pas d’emploi c’est grave , mais pas de logement correct c’est encore plus grave.

Face à lui , il aura Dominique Carlach , une entrepreneuse de 54 ans qui avait déjà tenté l'aventure en 2018 . Puis Pierre Brajeux qui est issu du monde de la sécurité, puisqu’il est président de la fédération francaise de la sécurité . 

Beaucoup croyaient en un quatrième candidat possible  Guillaume Cairou qui n’a pas obtenu les signatures alors qu il voulait dépoussiérer l’organisation patronale , tel était son programme . C’est à la fois ambitieux , provoquant et très flou .

Elle aurait sans doute besoin d’être dépoussiérée , mais on le dit à chaque mandature . Le Medef aurait plutôt intérêt à rendre plus transparente la sélection des candidats .

Pour preuve, cette première étape qui n’a pas fait l’objet d’une campagne très explicative ni dynamique .

En théorie , tous les patrons peuvent être candidats mais encore faut il qu’ils soient parrainés. Ceux qui émanent des plus grandes fédérations professionnelles  ont évidemment le plus de chance d’obtenir le soutien de leurs membres . En tête l’ UIMM , l’union des industries et métiers de la métallurgie  qui rassemble notamment tout ce qui touche à l’automobile , la FNB et  BTP  la fédération nationale du bâtiment et des travaux publics , les industries alimentaires et du côté des services , le gros des troupes viennent de la banque , de l’assurance , et de toutes les professions de conseil, sans parler de la distribution.  

Donc la phase 1 consiste pour les candidats à se rapprocher des fédérations professionnelles et de faire le tour des organisations territoriales … La procédure de désignation est donc très institutionnelle pour ne pas dire relationnelle. D’aucuns n’hésitent pas à dire qu’elle est verrouillée .

Crise de l'offre et de la demande

La situation est le résultat d’une double crise que personne n’a vu venir avec cette ampleur .

Une crise de la demande , parce que les candidats à l’accession à la propriété se sont refroidis après le rebond du covid . Parce que les prix avaient explosé , et surtout parce que les conditions de crédit avaient été durcies et renchéries . Les taux d’intérêt sont passés en peu de temps de zéro %  à presque 4% , pendant que les banques renforçaient les demandes de garantie . D’où un énorme coup de froid sur les projets, et les réservations.

Parallèlement à cette tendance conjoncturelle,  il existe une tendance lourde à la compression de l’offre. Les maires détiennent la clef des permis de construire mais ils ne la sortent pas . Les maires ont peur parce que les recours contre les projets sont trop nombreux , trop couteux . Les associations de protection de l’environnement , les partis écologistes ont acquis un pouvoir considérable qu’ils exercent  le plus souvent sur les droits à construire .

Dans la campagne comme dans les villes moyennes . Le comble c’est que cette attitude malthusienne alimente la spéculation . Parce que dans les conditions actuelle ,tout propriétaire  immobilier dispose d’une rente ou croit en disposer . 

Dans les  grandes métropoles , les propriétaires immobiliers supportent tres bien cette raréfaction de logements neufs parce qu’elle maintient la pression sur les prix . La frilosité est telle que parallèlement , les propriétaires  hésitent à louer leurs biens parce que là encore c’est trop compliqué et trop contraignants . donc ca majore les loyers.

Restes les institutionnels du logement social qui eux aussi freinent des quatre fers parce qu’ils n’ont pas les budgets et sont face aux mêmes contraintes environnementales ou urbanistiques .

Les difficultés de la demande freinent les promoteurs qui feinent l’offre , ce qui renchérit des prix ce qui paralyse la demande . la boucle est bouclée.
 

Logement, ferment de révolution

Face à une situation ainsi bloquée , toutes les parties prenantes sont désarmées . Les investisseurs privés attendent d’y voir plus clair sur les réglementations , les investisseurs publics cherchent de l’argent que le budget ne peut plus leur apporter . Y compris du côté de la caisse des dépôts dont la principale ressource financière vient du livret A des caisses d’épargne. Qui ne sont plus tres bon marche . Puisque ‘il faut rémunérer l’épargnant à 4 % . L’investisseur ou l’épargnant va presque gagner plus avec le livret A qu’avec une part de Spi , c’est-à-dire un placement-papier dans l’immobilier .

Pour débloquer un tel système le gouvernement n’a à priori aucun outil à court terme sauf de parer au plus pressé comme au moment du covid, c’est-à-dire subventionner

la construction de logement , comme l’aide aux locataires sociaux .

Mais ça n’est évidemment pas la solution d’autant que parallèlement l’Etat doit aider le secteur a restaurer les immeubles anciens pour les mettre aux normes d’isolation et participer à la transformation énergétique. Là encore un chantier gigantesque .  

La seule solution serait évidemment de débloquer l’offre et permettre au marché de rétablir les équilibres par la demande . Mais débloquer l’offre , c’est créer une situation qui permettrait de construire plus de 600 000 logements par an .impossible .

Le projet  relève d’un travail politique gigantesque . Il faut convaincre les maires et tordre le bras a défaut de les convaincre aux écologistes.  La recette se trouve dans les permis de construire , et les équipements collectifs qui vont avec . C’est le seul moyen de faire baisser les prix et de répondre à la demande . Si non, au cours des dix prochaines années , le pays cours le risque d’être asphyxié par tous  ceux qui seront obligés de faire des kilomètres pour travailler, de passer des heures dans les transports parce que les centres-villes seront réservés aux tres riches et aux touristes étrangers ce qui est delà un peu le cas … asphyxies aussi par le mal loger et les sans-abris .

Tous les sociologues et les politologues le diront haut et clair , les logements vétustes ou inexistant , dangereux ou inconfortables sont des ferments modernes de révolutions sociale plus puissant que l’âge de départ en retraite.

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