Loi climat : l’Europe fait confiance aux entreprises et au marché, alors que la France compte sur l’Etat punitif

Le Parlement devrait voter cette semaine le projet de loi climat, qui pèse plus de 350 articles qui seront horriblement compliqués à mettre en œuvre. La Commission européenne, en quelques pages, propose des mesures beaucoup plus claires, fortes et ambitieuses, avec une logique très différente.
« C’est la France ... » comme le dit Emily dans Emily in Paris, de la série Netflix. Peu probable que tous ceux qui manifestent contre la dictature sanitaire protestent aussi contre des excès de règlementation contre le climat. Peu probable, parce que ce ne sont pas les mêmes. Ceux qui refusent les règlementations sanitaires adhèrent aussi aux injonctions de Greta Thunberg.
« C’est la France» soit ! Mais en quelques jours, à la veille du 14 juillet, la Commission européenne et sa présidente Ursula Von der Leyen, ont rendu public le contenu du « pacte vert » de l’Union Européenne qui ridiculise le projet de loi français contre le réchauffement climatique porté par Barbara Pompili, la ministre de la transition écologique.
Un projet qui donne à l’Etat beaucoup de pouvoir pour surveiller et pénaliser tous ceux qui se rendent coupable de pollution. On ne prépare pas une dictature écologique mais ça pourrait lui ressembler, si on comparait le projet français contre le climat avec ce qui se passe dans la lutte contre la pandémie.
Politiquement, il se passe d’ailleurs des mouvements et des états d’âme assez curieux en France. Le durcissement des contrôles sanitaires a poussé une minorité de l’opinion dans la rue pour protester contre ce que ces manifestants appellent la « dictature sanitaire » qui nous conduirait à nous priver de notre liberté individuelle. Ce qui est difficile à comprendre, c’est qu’une grande partie de protestataires contre le vaccin sont aussi très souvent ceux qui revendiquent une écologie radicale et une croissance plus ralentie.
Alors le ridicule n’a jamais tué personne, mais dans le domaine politique, il y a des textes qui grandissent par leur efficacité plus que d’autres.
Pour l’ensemble des pays européens, la nécessité de gérer une transition écologique afin de freiner le réchauffement climatique est politiquement très important. Après des mois et des mois de discussions, de commissions, d’analyses et de négociations, par beaucoup de ministres de l’écologie, qui ont dû abandonner en rase campagne lorsqu’ils étaient confrontés à la réalité de l'économie et du social, Barbara Pompili, l’actuelle titulaire du poste, a réussi à présenter un texte de compromis qui ne soulève pas trop d’opposition, mais guère d’enthousiasme, sauf pour la bureaucratie triomphante qui va trouver matière à exceller. D’autant qu’au même moment, la présidente de la Commission européenne a présenté, elle, un texte beaucoup plus court et clair dont les objectifs sont autrement plus ambitieux et permettra sans doute d’assumer les contraintes économiques plus facilement.
Pour résumer, les deux projets sont diamétralement opposés sur trois points.
1er Les objectifs sont les mêmes, mais ceux du projet Europe sont presque plus ambitieux. Le green deal présenté par Bruxelles devrait permettre de réduire de 55% les émissions de carbone d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La loi climat présentée à Paris travaille sur une réduction de 40% des émissions de carbone.
2e Le texte européen est clair, simple avec quelques moyens qui seront compris par tout le monde :
- interdiction des ventes de voitures à moteur classique (essence ou diesel) en 2035.
- instauration d’une taxe carbone aux frontières pour décourager les produis importés de pays qui ne feraient pas le même effort demandé aux Européens, et par conséquent fixation d’un prix du carbone augmenté.
- réduction des émissions dans la construction et le transport public.
En comparaison, le texte français va paraître très détaillé, il se noie dans les détails ou les complaisances pour anesthésier toute velléité de critiques. En fait, Barbara Pompili a voulu donner des gages à tous les courants de l’écologie. Le texte concerne l’interdiction des voitures thermiques en 2040, incontournable, mais il vise aussi les centres-villes qu‘il faut vider de ses voitures particulières, l’artificialisation des sols (moins de béton, moins de pesticides, moins de plastique dans les emballages, limitation des transports aériens, de la publicité qui incite à la consommation). La loi va jusqu'à prévoir les menus végétariens dans l’école etc...
3e point. Les stratégies globales sont opposées. Le projet français vise surtout la consommation par des mesures plus punitives qu’incitatrices. C’est l’Etat qui redistribuera les ressources carbone. C’est l’Etat qui doit donc fixer les normes, et il y en aura des milliers à définir, ce qui va exciter beaucoup les administrations françaises, mais ça va aussi booster le lobbying. Le texte français se compose de 350 articles de lois. De quoi ferrailler. Mais pour amortir les angles d’attaques, le texte réserve aussi une attention particulière à tous les acteurs des filières d’énergies renouvelables.
Le projet européen, lui, vise surtout les producteurs et le fonctionnement du marché. Par la fixation du prix du carbone surtout, le marché doit permettre de peser sur les comportements et favoriser les évolutions. Pour Bruxelles, les trois objectifs les plus difficiles à gérer, compte tenu des conséquences sociales, touchent au secteur automobile, à la construction (matériaux isolants) et à l’agriculture. Dans tous ces cas, il s’agit de préparer une véritable révolution.
Un point commun aux deux projets mais étonnant : silence radio sur la modalité de production électrique. Des vœux pieux pour ménager les militants de l’éolien ou la dé- carbonisation du gaz, mais pas un mot sur l’avenir du nucléaire. Personne ne veut allumer la mèche d’un dossier qui reste inflammable mais incontournable si on veut atteindre l’objectif de carbone zéro.