Macron et le nucléaire : un « quoi qu‘il en coute » pour échapper au fiasco préparé par les écologistes radicaux.
Normalement, Emmanuel Macron, encore président, devrait annoncer aujourd’hui un programme de relance nucléaire que Macron candidat reprendra en tête de ses promesses électorales. C’est ambitieux mais dangereux parce que les écologistes anti-nucléaires n’ont pas baissé les bras.

Du nucléaire quoi qu’il en coute. Emmanuel Macron, en voyage à Belfort, va sans doute en profiter pour relancer un programme nucléaire susceptible de répondre à la formidable demande d’électricité que la mutation énergétique va engendrer dans les 50 prochaines années. Reconnaissons que, pour un président de la République, annoncer un programme pour le prochain demi-siècle alors qu’il va déclarer sa candidature pour un nouveau mandat de 5 ans, c’est assez courageux parce que jusqu’alors, la plupart des responsables politiques ont quand même assez de mal à voir plus loin que le bout de leur mandat.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la France, qui disposait grâce au Général de Gaulle d’une formidable compétence en matière de nucléaire civil, a perdu une partie de son leadership. Bloqués systématiquement par les écologistes depuis plus de trente ans, les gouvernements ont pudiquement mis un couvercle sur tous les projets de développement de l‘énergie nucléaire.
La France a donc essayé de se convertir à un mix énergétique comprenant une part d'énergie naturelle et renouvelable pour s’apercevoir, mais un peu tard, que les piles solaires ne fonctionnent bien que s’il y a du soleil et que les éoliennes ne tournent que s’il y a du vent. Comme on peut pas facilement stocker de l’énergie quand il y a du soleil ou du vent pour l’utiliser à des moments où il n’y a ni soleil, ni courant d’air, on en a déduit avec raison que la France allait vivre en risque de panne d’électricité, obligée de l‘importer au prix fort ou de relancer les antiques centrales au charbon ou au gaz, ce qu’ont fait les Allemands quand pour des raisons purement politiques, Mme Merkel a pris la décision aberrante de fermer toutes ses centrales nucléaires.
La France n’en est pas à cette extrémité, mais si on veut respecter les engagements de
décarbonisation, et si on veut maintenir un taux de croissance significatif pour les deux ou trois prochaines générations, il faudra forcément réagir.
Soit on réagit à la baisse et c’est la décroissance prônée par beaucoup d’écologistes. Soit on réagit à la hausse et c’est la décision assez étonnante d’Emmanuel Macron de retrouver notre potentiel de production nucléaire.
Parce que pour l’instant, cette affaire de nucléaire est un vrai fiasco.
La France possédait le meilleur parc de centrales qui a fonctionné en toute sécurité depuis 50 ans et dont la technologie et l‘expertise ont été reconnues et exportées dans le monde entier. Seulement voilà, depuis une vingtaine d’années sous la pression politique, la France a arrêté de développer son équipement, se contentant d’entretenir le parc existant et même de fermer la centrale de Fessenheim.
Résultat de ce laxisme et de cette lâcheté politique face à la démagogie des écologistes : la production nucléaire française est retombée à son niveau de 1991 (plus de trente ans en arrière), avec une prévision EDF pour 2022 ramenée à une moyenne de 300 TWh alors que les besoins nécessiteraient qu’on produise entre 340 et 370 TWH. Donc nous sommes en risque de rupture.
EDF se retrouve obligée de baisser ses prévisions de production parce que, pour des raisons de sécurité, elle doit mettre à l‘arrêt des centrales pour les contrôler et les entretenir. Sur les 56 réacteurs du parc français, 12 sont déjà à l’arrêt ou vont l’être sans doute jusqu'à la fin de l’année. Plus grave, compte tenu des problèmes de corrosion qui ont été identifiés, EDF engage un contrôle systématique de l’ensemble du parc, ce qui menace encore d’autres réacteurs.
Compte tenu des besoins en électricité, cette situation génère des tensions sur les prix de l’électricité mais surtout comporte des risques sur l’approvisionnement.
La solution immédiate sera sans doute de rallumer deux centrales au charbon et au gaz pour sortir de l’hiver sans avoir de coupure.
Mais à plus long terme, il faudra évidemment mettre en place un nouveau potentiel de production, c’est sans doute ce que le président doit annoncer.
1er point : Emmanuel Macron doit confirmer le rachat par EDF de l’activité turbines vendue auparavant à General Electric. La fabrique de ces énormes pièces, parmi les plus puissantes du monde, doit revenir sous pavillon français, après 7 ans passés dans le groupe américain. C’est en 2015, qu’Alstom les avait vendues à GE. Triste souvenir. Le rachat est tout un symbole pour E. Macron puisque beaucoup lui reprochent cette vente aux Américains quand il était à l’époque ministre de l’économie dans la gouvernance Hollande. Avec ce rapatriement (symbolique, puisque l’usine était restée à Belfort), le chef de l’Etat veut donc reprendre la main sur l’ensemble de la chaîne nucléaire et renforcer la filière française.
2e point : Emmanuel Macron doit en profiter pour préciser son plan de relance de nouveaux réacteurs nucléaires et confirmer le lancement de 6 nouveaux EPR classiques. Tout en détaillant la construction des petits réacteurs modulaires (SMR) qui sont à l’étude, notamment pour l’exportation.
Techniquement, la France est prête. Mais il lui faut terminer la construction des EPR en Finlande, en Grande Bretagne et en France à Flamanville. Des chantiers qui sont affreusement en retard et dont le cout a explosé tous les devis à plus de 10 milliards d’euros. EDF paie là le cout de la désorganisation de la filière et l’absence d’une stratégie claire de la part de politiques qui se sont succédés au pouvoir.
La relance va néanmoins poser à Emmanuel Macron, deux problèmes
Un problème financier. On va entrer dans une logique de « nucléaire quoi qu’il en coute ». Globalement, le projet dépasse les 100 milliards minimums dans un premier temps, mais on travaille sur un horizon d’un demi-siècle. Un demi-siècle pendant lequel la planète toute entière va se convertir à l’énergie propre. Cela dit, Edf n’a pas de moyens financiers pour financer un tel investissement. L’Etat actionnaire va devoir contribuer, emprunter et peser de tout son poids pour obtenir un accord européen afin de modifier le mode de calcul des prix de vente de l’électricité.
Un problème politique, parce que les courants écologistes et anti-nucléaires n’ont pas tous baisser les bras et abandonner leurs revendications initiales. Mais leur liberté de choix est limitée. Parce que dans l’état actuel de la situation, le refus du nucléaire entraine de facto une pollution insupportable ou une décroissance. Si comme on commence à le croire, l’opinion publique française n’accepte ni la pollution, ni la décroissance, il faudra bien en passer par le nucléaire.