Macron-Merkel d’accord pour répondre aux agressions commerciales US, mais l’Europe se révèle incapable de taxer les géants du numérique. Malte, le Luxembourg et l’Irlande s’y refusent.

Les GAFA ont passé un bon week end. Les pays de l’Union européenne n‘ont pas réussi à se mettre d’accord pour imposer les grands du digital sur leurs activités en Europe.
Emmanuel Macron et Angela Merkel sont rentrés des Etats unis avec la volonté commune de répondre à Donald Trump s‘il met en œuvre les menaces de protectionnisme commercial à l’encontre des produits européens. Mais la réalité va être compliquée.
Les ministres européens des finances pensaient ce week end réussir leur coup en adoptant le projet de taxation des GAFA. Ce projet avait été présenté par la Commission européenne en mars dernier et soutenu par la France qui pensait avoir convaincu la totalité des membres de l’Union européenne. C’est assez raté.Le dernier Euro groupe, réuni à Sofia vendredi et samedi, n’a pas réussi à rassembler l’unanimité nécessaire.
Bruno Le Maire ne décolère pas. « L’Europe est incapable de se montrer forte et responsable». Sous entendu : c’est irresponsable surtout à côté d’une Amérique qui montre ses muscles sur tous ses tweets.
Le texte de la Commission prévoyait de taxer à hauteur de 3% les revenus générés par les grands du digital. Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et quelques autres. Pas énorme pourtant. D’autant que la taxe ne doit viser que les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial s’élève à plus de 750 millions d’euros et dont les revenus (les profits) dépassent les 50 millions d’Euros.
Ajoutons que pour Bruxelles, cette solution aurait été provisoire en attendant que des solutions soient négociées au niveau mondial.
Et bien, en dépit de toutes ces prudences et de toutes ses attentions, le lobbying de ces géants a fonctionné de façon très efficace. Battus à Bruxelles où la Commission a pris ses responsabilités, on s’est aperçu que les Google, les Amazon et Facebook ont travaillé les décideurs politiques pays par pays.
Les Gafa ont très bien compris que l’Union européenne ne pouvait adopter une directive qu’avec l'unanimité de ses membres. Ils ont donc complètement fissuré l'Union européenne.
En clair, pour beaucoup de pays, on considère que le moment n’est pas venu de taxer les entreprises américaines. Ils craignent des représailles du gouvernement américain. Ils craignent surtout de déclencher la foudre du président Trump, adepte du protectionnisme.
C’est le cas de trois pays qui ont fait capoter le projet alors qu’on pensait en France qu’ils allaient se plier à la règle commune.
La réponse a été non : Malte, le Luxembourg et l’Irlande ont émis un veto !
Malte, qui, par ailleurs, se permet de vendre des passeports européens à des étrangers qui n’ont pas pu obtenir de visas Schengen.
Le Luxembourg, qui veut rester un pays d’accueil des holdings européennes surtout depuis le Brexit.
Enfin l’Irlande,qui joue les paradis fiscaux pour les grands du digital, à commencer principalement par Apple et Intel, le fabricant de puces électroniques.
Ces trois pays ont donc tout bloqué puisqu‘il faut l’unanimité.
Ayant bloqué l’application du dispositif provisoire, ils espèrent bien bloquer le projet définitif. Du coup, les ministres de la Suède et du Danemark ont également fait savoir qu’ils étaient très réservés.
Cette affaire, parmi d’autres, montre à l'évidence que la gouvernance de l’Union européenne paraît désormais impossible.L’une des premières réformes pour redynamiser l'espace sera de replier l’Union sur des noyaux de pays plus volontaristes qui pourront se regrouper autour de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, et de l’Espagne.
C’est d’autant plus urgent que, pour beaucoup d’analystes, la perspective des britanniques après le Brexit sera d’alléger toutes les formes de fiscalité sur leur territoire afin de retenir les investisseurs et les entreprises américaines.
A la sortie de l’Eurotunnel, l'Angleterre offrira donc un paradis fiscal au reste de l’Europe.
La perspective est absolument mortifère pour l’Europe continentale dont l’identité est construite sur un modèle socio-économique généreux, mais couteux. La seule solution pour les Européens sera de serrer les coudes, de se rapprocher mais aussi d’avoir une légitimité forte dans les décisions prises.
C’est sur cette analyse que se fonde le projet de réforme de l’Union, défendu par la France et présenté par Emmanuel Macron. Le problème, c’est que sur la taxation des Gafa, les européens convaincus ont essuyé un échec prémonitoire ce week- end.
