Macron passe enfin à l'étape réduction des dépenses publiques en envoyant une lettre de cadrage à ses ministres

Faute de pouvoir rassurer les marchés par une réforme des retraites qui est menacée , Emmanuel Macron a demandé à Matignon d’envoyer une lettre de cadrage aux ministres pour qu’ils s’engagent à réduire les dépenses publiques de fonctionnement.
La promesse des 3%
Ça ressemble à une décision d’arrêter officiellement le « quoi qu’il en coute ». En demandant aux ministres, de façon très officielle, puisqu’il s’agit d’une lettre de cadrage, de proposer urgemment des réductions de dépenses publiques, l'Élysée voudrait de façon urgente rassurer les agences de notation qui vont toutes travailler sur les comptes de la France et rendre leur conclusion en septembre. C’est très important parce qu’aujourd’hui, si la France peut encore emprunter à des taux supportables (moins de 3% par an), c’est bien parce que les analystes financiers ont encore confiance dans la qualité de la gestion de l’Etat français et c’est aussi surtout que les agences avaient la conviction qu’Emmanuel Macron réussirait à redresser des comptes du budget social, et notamment de la retraite.
Or désormais, les acteurs du marché qui mesurent la crédibilité de la France sont beaucoup moins sûr de la capacité d’un redressement.
L’année dernière, les perspectives budgétaires françaises n’étaient pas fameuses mais les marchés avaient considéré que la France sortait d’une campagne présidentielle un peu tendue avec des promesses un peu illusoires, d’autant que la guerre en Ukraine a bouleversé les conditions macro-économiques et notamment explosé les prix de l’énergie et des matières premières agricoles.
A l’époque, les marchés de la dette publique pensaient même que l’activité piquerait du nez et tarirait les rentrées fiscales. Le mal n’est pas venu de la croissance ou de l’emploi, mais de l’inflation. Peu importe. Les marchés ont reporté leur inquiétude sur 2023/2024, notamment pour les pays qui s’étaient beaucoup endettés. Dont la France.
Ils avaient raison, les taux de l’argent ont évidemment augmenté pour cause de changement des politique monétaire afin de corriger l’inflation mais certains pays ont pris plus de risques que d’autres. C’est le cas de la France qui, en Europe, a sans doute le plus subventionner les prix à la consommation pour limiter l’impact social de l’inflation.
D’où la promesse qui avait été faite de contenir l’objectif de déficit budgétaire à moins de 3% cette année. C’eût été réalisable avec une réforme des retraites qui aurait donné un signal très apprécié des marchés.
Convaincre les agences de notation
Mais sans réforme particulière sur la retraite, Bercy aura beau persister sur son engagement, personne ne trouvera Paris crédible. Personne en Europe ne se précipitera pour nous aider - ni les allemands , ni les hollandais , ni les italiens viendront nous faire des cadeaux. Les uns comme les autres ont d’autres problèmes à régler.
En plus nos amis européens n’auront pas très envie de venir soutenir une France qui ne s’est pas privée de leur donner des leçons, que ce soit pendant le Covid ou pendant cette première année de la guerre en Ukraine.
La gouvernance française va donc se retrouver seule avec sa dette. Plus de 3000 milliards d’euros dont il faudra bien financer le coût.
La seule solution pour contenir les taux d’intérêt dans une limite supportable va être de convaincre l’épargne internationale, d’où l’opération spéciale qui va démarrer cette semaine pour faire le ménage dans les comptes publics.
A priori, et à la demande de l’Élysée, la Première ministre va engager une première négociation avec les membres de son gouvernement et ce qui lui reste de majorité
1er point , elle va confirmer et décréter la fin du « quoi qu’il en coute… » possible? pas sûr puisque le gouvernement a déjà annoncé qu’il maintiendrait le plafonnement des prix de l’électricité.
2e point , elle va envoyer les lettres de cadrage qui vont confirmer la revue de détail des dépenses publiques, les audits engagés dans les administrations avec plus ou moins l’aide promise de la Cour des comptes, mais il va surtout falloir que chaque ministre trouve des économies ou des pistes. Avec comme objectif de faire systématiquement 5% d’économie partout et dire précisément où ? A l’éducation nationale ou à la santé, les deux ministères qui emploient le plus de fonctionnaires, on risque de s’arracher les cheveux .
3e point , elle pourrait ne pas suspendre les projets de baisse d’impôts prévus parce que ces projets relèvent plus d’une décision politique du président de la République, qui avait promis ce reflux fiscal. Mais le prochain budget pourrait revenir sur la liste et les montants des subventions et des aides à la production. Mais là encore, ça devrait crier.
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Le problème des 7 ans...
En dehors de ces actions très techniques et comptables, il faudra bien toucher aux dépenses structurelles si on veut réduire de façon significative les engagements de l’Etat. Et pour réduire durablement les engagements de l’État, il n’y a que deux moyens :
-ou bien on accroit son efficacité, c’est-à-dire sa productivité. Mais ça risque d’être compliqué ; il faudrait forcément sceller un accord avec les syndicats. Or la relation avec les syndicats n’est pas fameuse.
-ou bien on réduit le périmètre de l’Etat, on délègue et on privatise tout ce qui pourrait être privatisé, mais là, il faudrait sceller un accord avec une majorité politique que le gouvernement n’a pas.
Enfin, il faudra bien régler la question des lois de programmation. La France a cette manie de prendre des engagements de dépenses pluriannuelles (la dernière en date étant la loi de programmation militaire de plus de 400 milliards sur 7 ans). Les lois de programmation n’ont que des avantages, sauf que leur activation hypothèque le montant des dépenses de fonctionnement annuel. Et la baisse des dépenses de fonctionnement annuel est loin d’être actée.
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