Mais à quelles conditions les entreprises occidentales pourront-elles continuer à faire du business avec des dictatures ?

Au-delà des responsabilités environnementales et sociales, la mondialisation impose désormais aux chefs d’entreprises de nouvelles contraintes morales liées aux contextes politiques.
La morale dans l'entreprise
Il va être de plus en plus difficile pour les chefs d’entreprise de faire du business avec la Chine ou l’Iran et demain, avec la Russie quand la guerre sera terminée.
Avec la crise pandémique, la crise climatique et la guerre en Ukraine, la mondialisation s’est découvert des contraintes qui vont fortement freiner la croissance mondiale, sauf à ce que les acteurs acceptent des changements de comportement personnel et même politiques importants.
Jusqu’alors, les économistes ont rarement pris en compte les questions morales. Une entreprise ne fait pas de morale, elle n’a pas à en faire. Elle créé de la richesse et son obligation première est de générer du résultat. Alors, les chefs d’entreprise étudient les arbitrages, les incitations et les interactions, mais ils laissent les jugements de valeur à la sphère politique et sociétale.
Par contre, les jugements moraux, eux, n’épargnent pas le domaine de l’économie sauf que ces jugements portent le plus souvent sur les chefs d’entreprise et il n’y a rien d’anormal dans cette habitude de s’interroger sur la morale des patrons.
Les chefs d’entreprise ont une responsabilité personnelle et ça n’est pas parce qu’ils sont chefs d’entreprise qu’ils pourraient s’épargner de respecter les valeurs qui normalement s’imposent à tout le monde :
- La justice, la loyauté honnêteté, la générosité et la responsabilité individuelle sont des idéaux supérieurs auxquels on croit important d’obéir. De même qu’il faut respecter la liberté des autres et « ne pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas qu'ils nous fassent ». Autant de règles fondamentales de conduite qui font que la vie en société est régulée pour être le plus souvent agréable.
En clair, et c’est dans l’ADN des systèmes capitalistes, les entreprises ne font pas de moral mais les chefs d’entreprise doivent avoir un comportement moral dans l’exercice de leur fonction.
Alors si les entreprises ne font pas de morale, elles ont un certain nombre de règles à respecter, que la société redéfinit en permanence. Le droit social et commercial a imposé des contraintes qui fixent les conditions de travail et le droit commercial a établi un code qui permet les échanges commerciaux. Le respect de ces codes ne relève pas d’un comportement moral, mais d’un comportement juridique.
Les nouveaux objectifs de l'entreprise
Depuis quelques années, on a vu les entreprises se soumettre à des obligations nouvelles qui ne leur étaient nullement imposées par le droit, puis le droit est venu organiser et définir avec précision la nature des obligations nouvelles : dans l’organisation du travail, les conditions d’emploi et de salaires et surtout dans toutes les questions environnementales et sociales.
Mais dans ces domaines-là, le droit ou la règle sont venus encadrer des pratiques poussées par les contrepouvoirs dans l’entreprise.
Les syndicats, les consommateurs et les actionnaires ont beaucoup œuvré pour obliger l’entreprise à se donner d’autres objectifs que l’optimisation financière. Aujourd’hui, assez peu d’entreprises ne s’occupent pas de leur empreinte Carbone, de recyclage de leur déchets et de la traçabilité de leurs composants.
La RSE ne relève pas de la morale, la RSE relève de la nécessité commerciale et industrielle avant même de répondre à des incitations ou des risques de pénalisation.
Ce qui est nouveau depuis la pandémie, la crise climatique et surtout la guerre en Ukraine, c’est que la société va de moins en moins accepter qu’une entreprise occidentale se soustrait à ses engagements sociétaux en allant travailler ou s’approvisionner dans des pays émergents ou autoritaires qui ne respectent aucune norme sanitaire, environnemental, sociale et qui peuvent en permanence poser des risques juridiques importants.
En termes clairs, une entreprise occidentale peut toujours vérifier que ces productions en provenance de pays lointains respectent les normes écologiques, les normes sociales. Elles peuvent en payer le prix et inciter le pays producteur d’évoluer dans le sens d’une RSE..
Mais une entreprise occidentale ne pourra jamais demander des comptes à un pays qui ne respecte pas les droits de l’Homme, la liberté individuelle. Ce sera pour elle très compliqué parce que l’entreprise n’a pas à se mêler de l’organisation politique du pays dans lequel elle travaille.
Ça va être compliqué, sauf dans les pays franchement autoritaires qui ne respecteraient pas les contrats internationaux, le droit de la propriété, la liberté de faire du commerce.
En Russie aujourd’hui, aucun investisseur étranger n’ira s’engager dans le pays tant qu’il n’aura pas abandonné les pratiques terroristes et réparer les dommages de guerre qu’il a commis.
L’Iran sera interdite et la Chine sous surveillance parce la Chine n’a pas toujours respecté les accords de réciprocité auxquels elle s’était engagée en signant son entrée dans l’OMC.
Les dégât considérables provoqués par la guerre, les dégât provoqués par un covid qui est né en Chine, les dégât climatiques quand on pourra les évaluer, toutes ces crises vont donner lieu à des kyrielles de procès que des milliers d’avocats vont plaider pour pouvoir jouer au commerce international dans des conditions de sécurité acceptable.
Nouvelle donne à la mondialisation
Un chef d’entreprise ou un investisseur peut prendre des risques liés à la concurrence, mais à condition que cette concurrence soit loyale. Aucun chef d’entreprise ne prendra le risque de faire de affaires avec un État voyou, terroriste ou dictatorial qui ne garantirait pas la sécurité.
Si les chefs d’entreprise prenaient ses risques-là, ils seraient très vite sanctionnés par leurs consommateurs, leurs salariés ou leurs actionnaires.
Le comportement moral en Occident est garanti par l’Etat de droit. Mais un comportement immoral à l’international sera sanctionné très rapidement par le marché, c’est-à-dire les clients, les salariés et les actionnaires.
Cette pression-là est nouvelle, elle va changer singulièrement la donne à la mondialisation.
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