Marc de Scitivaux : «Le gouvernement est incapable de faire baisser les dépenses»

Une révolution. Depuis le début de la semaine, le gouvernement commence à se dire que les engagements de déficit public à 3% du PIB ne seront pas tenables. Mardi, Laurent Fabius a jugé « probable » que la France ne teindrait pas son objectif. De son côté, Jérôme Cahuzac a estimé que le retour à 3% serait « difficile », quant à Pierre Moscovici il indique « un possible réexamen » du taux. Pour l’économiste Marc de Scitivaux, le gouvernement prend conscience de ses erreurs mais déçoit car il reste incapable de s’attaquer aux vraies causes : les dépenses publiques. Selon l’économiste, le gouvernement se cache derrière des arguments conjoncturels, mais cela ne devrait pas durer encore longtemps.

Le gouvernement annonce à demi-mot des ajustements des prévisions de réduction du déficit public. Se dirige-t-on vers un mea-culpa gouvernemental ?

Je ne crois pas à un mea-culpa. Évidemment que l’on n’atteindra pas les 3%. Mais la cause, c’est plutôt l’incapacité totale du gouvernement à faire baisser les dépenses que la conjoncture. Je crois que le gouvernement va essayer d’utiliser un nouveau prétexte pour masquer son manque d’efficacité. Cette prévision de déficit a été calculée de manière fausse et rien n’est fait au niveau des dépenses, c’est le cœur du problème. Didier Migaud à la Cour des comptes l’a également souligné.

Pourtant, la conjoncture, c’est l’argument donné par les membres du gouvernement.

Évidement, depuis une semaine c’est l’euro fort qui fait office de bouc-émissaire. Mais franchement, ce n’est pas une hausse de 3% de l’euro par rapport au dollars ou au yen qui va changer quelque chose pour la simple et bonne raison que l’on a déjà atteint de nombreuses fois ces taux. Je pense également que le gouvernement va nous dire que c’est parce que l’Europe fait moins de croissance, pour justifier son demi-tour sur le déficit. Mais là encore, quoiqu’il arrive, 2013 sera l’année d’une reprise mondiale. Les exportations allemandes seront bonnes et c’est un véritable moteur pour la zone euro. C’est le coup classique. On commence par accuser les prédécesseurs et puis on en arrive maintenant à accuser la conjoncture.

« La réalité, c’est que sur la question de la baisse des dépenses, il y a peu de solutions »

Combien de temps cela peut-il durer ?

Il faut être forcé de reconnaître qu’à ce petit jeu François Hollande s’en sort pas mal. Ce mélange habile de faire semblant de faire des grandes réformes tout en cultivant le flou et l’ambigüité. Toutefois, après les élections allemandes de septembre, cela va être plus compliqué pour lui. Les pressions internationales pour faire baisser les dépenses publiques seront plus nombreuses, cela peut poser un problème dans la majorité. Il sera obligé d’agir mais il sera trop tard, son électorat sera désespéré.

Pourquoi le gouvernement ne s’attaque pas à ces baisses de dépenses ?

Parce que politiquement c’est très risqué. La réalité, c’est que sur la question de baisse des dépenses, il y a peu de solutions. La première, c’est taper dans l’investissement. Politiquement c’est bien car on n’en voit pas tout de suite les effets, mais les économies sont efficaces. Ensuite, il y a la possibilité de réduire la masse de fonctionnaires ou de baisser leur salaire. Enfin, l’autre possibilité c’est de s’attaquer aux dépenses sociales. Mais baisser la CMU ou supprimer des aides aux personnes âgées c’est électoralement sanglant, surtout à un an des élections municipales ! Il faut bien reconnaître que la marge de manœuvre est faible.

Vous avez souvent défendu l’idée d’installer des « techniciens » à la tête du pays. Cela peut être une solution ?

Je pense que vous ne pouvez pas raconter des balivernes à nos concitoyens pendant 25 ans et ne pas s’imaginer qu’il en restera des traces importantes. Les politiques ont tellement la trouille d’être battus qu’ils deviennent incapables de faire les réformes qu’il faut. La solution serait peut-être, en effet, d’installer un technocrate comme en Italie ou bien de faire comme l’Allemagne l’avait fait à une époque : un gouvernement de gauche et de droite. Mais franchement, qui peut croire à une alliance PS-UMP !

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