Mario Draghi : Et si ça n’était qu’un feu d’artifice ?

L’édito de Jean-Marc Sylvestre – Le président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi, a annoncé en fin de semaine un programme illimité de rachat de dette des pays les plus fragiles. Et si l’artillerie lourde dégainée par Mario Draghi ne servait à rien ? Comme un feu d’artifice qui éclaire le ciel et qui s’éteint une fois que la fête est terminée.
Le président de la BCE a décidé de racheter de la dette publique de façon illimitée. C’est une décision évidemment très spectaculaire parce qu’elle permet, en théorie, aux États d’alléger le fardeau de leur endettement et de se donner une chance de se redresser. Cette décision est très importante parce qu’elle donne à la BCE un rôle qu’ont déjà beaucoup de banques centrales dans le monde : celui de banquier en dernier ressort. Elle répond ainsi à une demande politique qui se généralise en Europe. Aujourd’hui, les pays européens sont dans l’impossibilité de rembourser leur dette et de financer en même temps des plans de retour à la croissance. La Grèce, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, et un peu la France, sont coincés entre la nécessité d’appliquer des politiques de rigueur pour assainir les structures et le devoir de relancer l’activité.
La décision de Mario Draghi va dégonfler la spéculation, puisque la BCE dit explicitement au marché que ceux qui jouent la débâcle ne gagneront pas. Cette décision est aussi spectaculaire car elle a été obtenue à l’unanimité du conseil de la BCE… Enfin pas tout a fait, une voix a joué les récalcitrantes, celle du représentant de l’Allemagne. Pourtant, quelques heures plus tard, Angela Merkel a admis que c’était une bonne décision. Désormais toute l’Europe reconnaît que, pour assurer le fonctionnement de l’Allemagne, les autres pays doivent tenir en équilibre. Mercedes vend peut-être ses voitures aux Allemands, mais la marque fait 60 % de son chiffre d’affaires en Italie, en Espagne, en France…
Cela dit, c’est peut-être une autre raison qui pousse la chancelière et tous les hommes politiques sérieux à approuver Mario Draghi. Le président de la BCE a, en fait, offert du temps une fois de plus. Comme le médecin qui apporte de l’oxygène à son malade pour soulager sa douleur. La BCE promet de l’oxygène et donne une assurance tous risques à condition de se soigner. Sur le fond, Mario Draghi ne guérit personne. Ils donnent aux malades que nous sommes une chance de pouvoir administrer un nouveau traitement. Le point fort de ce traitement, ce sont les rachats de dettes publiques : Illimités mais conditionnés par la demande explicite des pays. Il faut que les gouvernements envoient un appel à l’aide auprès des organisations européennes. En d’autres termes, il faudra présenter un plan de redressement de leur situation. La BCE ne rachètera que la dette à 3 ans, encore faut-il que les Etats en aient.
La politique nouvelle de la BCE va permettre de débloquer le système mais elle n’exonère pas les gouvernements de mener les politiques de réformes structurelles qu’ils doivent prendre pour sortir de la crise. Les hommes politiques auraient tort de crier victoire sur le thème, « nous avons fait plier la BCE » car, dans le fond, les hommes politiques ont simplement obtenu du temps pour redresser leurs comptes publics.