Medef : La guerre de succession est ouverte

Par Jean-Marc Sylvestre. Ambiance western au Medef en cette fin de mandat de Laurence Parisot. La patronne des patrons, à la tête du Medef depuis près de huit ans, n’aura pas le droit de se présenter une troisième fois. A l’issue d’un vote décisif, le comité exécutif a refusé le changement des statuts de l’organisation. Les 45 membres du conseil exécutif du Mouvement des entreprises de France (Medef) s’étaient réunis jeudi matin au siège parisien du mouvement. Mais, à l’issue d’un vote très serré, 22 pour, 22 contre et un bulletin blanc, ce comité exécutif a donc refusé à Laurence Parisot la possibilité d’un troisième mandat. Il aurait fallu la majorité.

Certains ont cru ce matin que Laurence Parisot pourrait décider de passer outre l’avis du conseil et convoquer une Assemblée générale des patrons qui auraient, en plénière, voté pour.

Mais elle a finalement renoncé à tenter ce type de coup d’état pour prendre acte de la décision et se porter garante du bon fonctionnement de la campagne électorale. Personne ne se fait des illusions sur les conditions de l’élection. Le monde patronal n’a rien à voir avec celui des bisounours.

Tout commence, mais dans une ambiance déplorable.  Désormais, les couteaux sont sortis. Les patrons donnent aujourd’hui une image déplorable de leur organisation. Au moment où la France s’enfonce dans la dépression, où le chômage bat un record historique, où la confiance dans la gouvernance s’est effondrée, l’organisation patronale française se fourvoie dans des querelles de pouvoirs complètement inutiles et vulgaires.

Les manœuvres de Laurence Parisot vont laisser une très mauvaise image. La présidente du Medef aura réussi à rater sa sortie.

Son bilan n’est pas si mauvais mais il a été fortement hypothéqué par la crise. C’est à cause de cette crise, expliquait-elle, qu’elle  aurait voulu, après huit ans de mandat, en faire un troisième. L’UIMM, (métallurgie), le BTP, la FNB (bâtiment) ont fait savoir depuis bien longtemps qu’ils n’étaient pas partants et le conseil exécutif a suivi ces derniers. Ce qui a pesé dans la balance, c’est le vote à bulletin secret. Cela veut dire que les membres n’ont  pas été obligés de s’expliquer sur leur vote. Ça tombe bien car la grande majorité des membres du conseil exécutif n’était pas favorable à ce que beaucoup appelle un petit arrangement personnel à Laurence Parisot.

Denis Kessler, qui avait jadis fait équipe avec Ernest-Antoine Sellières, n’a pas mâché pas ses mots. Il considère que le patron des patrons est en mission temporaire, qu’un seul mandat suffit et que huit ans c’est déjà trop long. Denis Kessler a dit tout haut ce que beaucoup  pensaient tout bas. Ajoutant que ce qui se passe aujourd’hui nuit grandement à l’image et à la crédibilité du mouvement des entreprises.

Ce qui est grave dans cette affaire, ce n’est pas que Laurence Parisot soit ambitieuse. Après tout, c’est humain.

Ce qui est grave, c’est que cette ambition se résume à un poste de président et une voiture de fonction. Ce qui est grave, c’est que Laurence Parisot n’ai rien d’autre à dire que « si on lui refuse une réélection c’est aussi par misogynie ». La phrase de trop. Les chefs d’entreprise auraient mérité un autre argumentaire, une autre campagne, un autre programme. Dans l’interview qu’elle a donné aux Échos cette semaine, les chefs d’entreprise n’ont rien retenu de son analyse de la situation économique, aucune lecture de la surfiscalité, aucune proposition nouvelle sur la flexibilité et sur la défense des chefs d’entreprise.

En attendant, ses challengers se préparent.

Et ça va être sportif parce que personne ne s’impose vraiment. Au syndicat de la métallurgie et des mines, la fédération la plus puissante, on ne manque pas de candidats. Fréderic Saint-Geours investi quasi officiellement par le syndicat est convaincu d’être le meilleur, (si lui ne l’était pas qui le serait ?). Mais toujours issu de l’industrie Pierre Gattaz ne dit strictement rien. Cependant, il voyage, visite des entreprises et travaille. En fait il n’a besoin de personne. Mieux, il fait croire qu’il a besoin de tout le monde et de ce fait, beaucoup pensent qu’il sera élu à une forte majorité. Il plait aux petits patrons de province et aux entreprises familiales et a su se faire accepter par ceux du CAC40. Les syndicats qui opèrent leur virage réformiste, y compris la CGT avec Thierry Lepaon pensent qu’ils pourraient trouver en Pierre Gattaz un interlocuteur dur mais crédible avec lequel ils pourraient dialoguer.

Du côté du PS, on le connait bien.

C’est lui le premier chef d’entreprise que François Hollande, président de la République, avait visité. Les patrons français ont toujours eu besoin d’un représentant qui a ses entrées à l’Élysée sans être courtisan et qui de ce fait, puisse négocier sans faiblesses des réformes plus libérales. Comme son père dans les années Mitterrand, le fils Gattaz est pour beaucoup « le right man at the right time ». Mais il n’est pas seul.

Toujours, dans la sphère de l’industrie il devra affronter Jean-Claude Volo parrainé par René Ricol et Patrick Bernasconi de la FNB. Lui qui a lâché Laurence Parisot au dernier moment et qui pourrait faire alliance avec Gattaz. Sans oublie Thibault Lanxade qui possède un magnifique carnet d’adresse.

Cela dit il faudra compter avec Geoffroy Roux de Bézieux.

Au départ il ne pensait pas qu’il avait des chances d’accéder à la présidence du MEDEF. Mais il commence à y croire. L’ancien président de l’UNEDIC et patron de Virgin Mobile est sans doute celui qui a le plus de charisme et de modernité dans le discours. Au pire, il pense qu’on aura besoin de lui.

Cette élection ne se fera pas sur les hommes. Ce n’est pas une bagarre de vedettes du CAC40. Cela devrait être une confrontation d’idées et de projets. Sur la compétitivité, la fiscalité, le dialogue social, la reforme administrative, l’énergie, la politique industriel tout est à faire et la voix du patronat ne sera pas de trop. Au contraire. Actuellement cette voix patronale est couverte par le bruit des revolvers. Il va être  urgent de trouver la fin du film pour affronter l’année 2013 qui sera sans doute l’une des plus mauvaises. Le western c’est bien, mais au cinéma.

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