Paradoxe: les ménages dépriment alors que la situation des entreprises reste bonne

L’économie française a grosso-modo retrouvé son niveau d’activité d’avant-Covid, les perspectives restent bonnes mais selon l’INSEE, le moral des ménages français continue de se dégrader.

3 raisons de déprimer

Le divorce entre la résilience des entreprises françaises, le dynamisme de leur activité et le moral des ménages consommateurs et salariés n’a jamais été aussi profond.

Selon l’INSEE, qui analyse chaque mois le moral des Français, le mois de février est resté très dégradé. L’indicateur de confiance, qui agrège tous les comportements et les réactions à la situation réelle et ressentie, a encore perdu un point par rapport à janvier. Très en dessous de la moyenne en longue période.

Concrètement :

1e les Français sont très négatifs sur l’évolution du pouvoir d’achat

2e les Français continuent de retarder les achats importants qu’ils pourraient faire dans l’automobile, l’ameublement, l’électroménager, la rénovation des intérieurs. Bref, les grosses dépenses sont toujours en attente de jours meilleurs qu’ils ne voient pas dans leur radar

3e les Français considèrent au contraire que le moment est venu d’épargner encore et toujours. Selon la Caisse des dépôts, les encours d’épargne liquide et disponible ont battu des records depuis 12 ans. En flux mensuel, la Caisse d’épargne voit ses livrets A continuer de se gonfler et en stocks, le montant global des capitaux épargnés dépasse les 500 milliards,  encore faudrait-il ajouter les comptes bancaires rémunérés et les capitaux mis de côté en cash.

Cette situation inhabituelle est sans doute due à la hausse des taux d’intérêt. Le livret A rapporte du 3% depuis le 1e février  mais cette situation traduit également une inquiétude sur le présent et sur l’avenir ; les Français ont peur de la situation géopolitique avec les risques de la guerre en Ukraine, ils ont peur de l’inflation, des prix de l’énergie et du dérèglement de l’emploi. Donc ils hésitent à investir en immobilier par exemple, ils hésitent à consommer.

La panne de la consommation

Cette inquiétude n’est pas bon signe pour la consommation et pour la croissance et constitue même un des marqueurs de la décroissance.

Cette situation est assez surprenante parce qu’en réalité, les agents économiques producteurs de croissance que sont les entreprises envoient des signaux de bonne santé.

L’économie française n’a pas plongé, contrairement à ce qu’on pensait pendant le Covid et après.

L’économie française n’a pas été submergée par des vagues de faillites et de licenciements que tous les prophètes de la peur nous avaient annoncées. Les pénuries d’électricité se sont faites rares.

Les profits des entreprises battent des records pour les plus grandes et restent très confortables pour les plus modestes. Les unes comme les autres se préparent à réaménager le partage de la valeur entre leur direction et les salariés.

Les investissements restent puissants, le commerce extérieur aussi. Et les entreprises ne sont pas tentées de repartir aux USA, en dépit des mesures d’attractivité déroulées par Joe Biden. Enfin, la situation de l’emploi reste sous tension avec très peu de chômage.

Le seul moteur en panne, c’est la consommation

Si, dans certains secteurs, il existe des entreprises en difficultés de trésorerie ou en risque de faillite, c’est que ces entreprises étaient déjà malades avant l’époque du covid et elles ont été protégées depuis.

Si le robinet du "quoi qu’il en coute" se ferme, il est évident que toutes les entreprises qui n’ont rien fait pour se restructurer ou rénover vont avoir du mal à passer l’année. Ceux qui étaient malades avant le covid n’ont pas investi pendant, et se retrouvent maintenant face à face avec leurs difficultés.

Pour la grande majorité des agents économiques, la bonne santé des chefs d’entreprise est, semble-t-il, incomprise des ménages et des consommateurs qui ont peur.

Alors pourquoi ? Difficile de répondre simplement à un telle fossé entre les chefs d’entreprises qui se portent bien et la majorité des ménages qui se portent mal.

Les sondeurs nous donneront sans doute plus tard l’explication. Mais visiblement, les Français sont touchés par des phénomènes qu’ils ne comprennent pas ou mal.

Personne pour dégager l'horizon

La guerre en Ukraine et le comportement de Vladimir Poutine, la révolution énergétique et le réchauffement climatique etc. etc. Autant de phénomènes auxquels les Français n’ont pas de réponses alternatives. Plus grave, ils pensent que tous ces phénomènes finiront par altérer durablement leur mode de vie.

Par ailleurs, ils sont nombreux à penser que le gouvernement et le chef de l’Etat ne font pas leur travail d’explication et de pédagogie. Ils ne disent pas où on va et comment on y va.

Le gouvernement et le chef de l’Etat donnent l’impression d'hésiter sur la stratégie. L’Europe, par exemple, attend toujours des perspectives à long terme. La guerre en Ukraine ne porte aucune solution responsable et crédible.

Si le présent est à peu près clair, c’est le plus long terme qui ne l’est pas.

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