Pour les chefs d’entreprises, Macron n’a plus de raison de procrastiner
Il faut croire que la procrastination est la maladie des présidents français. La crainte des chefs d’entreprise est qu’Emmanuel Macron rejoigne Jacques Chirac et François Hollande dans la tendance à remettre à plus tard toute réforme qui s’impose…

Compte tenu des résultats aux élections législatives qui vont paralyser la gouvernance d’Emmanuel Macron, beaucoup d’observateurs de la vie publique française considèrent que le problème n’est pas dans l’abstention des Français aux élections, ni même dans l’existence d’un centre politique entre deux extrêmes, le problème français est dans le risque de tomber dans la proscrastination.
Il doit même exister une malédiction qui touche les locataires de l’Élysée, parce que, mis à part Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et François Hollande se sont plutôt distingués par le talent ou l’obligation de remettre à plus tard les taches les plus importantes de leur mission.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron est en risque de tomber dans le même piège, alors qu’il dispose d’un quinquennat tout entier. Il doit donc ou ne rien faire, ou se trouver une majorité de projet ou de gouvernement.
La procrastination est la tendance à remettre systématiquement au lendemain les actions de la vie quotidienne, professionnelles ou personnelles. Celui qui procrastine est un retardataire chronique. Il reporte à plus tard ou fait semblant d’oublier, ou alors il n’ose pas avancer parce que le résultat ne lui parait pas évident à court terme et qu’il pense n’en retirer aucune satisfaction, au contraire. En fait, celui qui procrastine a toujours une bonne raison pour ne rien faire.
Les causes physiologiques de la procrastination ont fait l’objet de beaucoup de débat chez les médecins qui parlent d’un excès d’anxiété ou de manque de confiance en soi. Peu importe le cas, on constate que les leaders politiques sont plus nombreux à souffrir de ce comportement que les responsables d’entreprises. La réalité, c’est qu’ils sont coincés et n’ont pas de marge de manoeuvre.
Les retardataires chroniques ne sont pas pour autant inactifs. Au contraire, ils prennent énormément d’initiatives mais qui sont sans rapport avec les priorités qu’eux-mêmes se sont fixées. Les présidents de la République, comme Jacques Chirac, François Hollande ou Emmanuel Macron se sont tous, chacun à leur tour, arrangés pour beaucoup bouger, beaucoup voyager et parler pendant leur mandat, mais ils n’ont pas forcément répondu aux attentes, ni même réussi à tenir leur promesse électorale.
Pour la grande majorité de tous ceux qui observent la gouvernance française, les diagnostics de la situation sont partagés par le plus grand nombre. La France est bloquée. Les remèdes aussi. En bref, on sait ce qu’il faudrait faire, mais les présidents de la République successifs n’ont pas eu la volonté ou le courage de le faire.
Emmanuel Macron a quatre grandes réformes à lancer:
- une réforme du modèle social. Son mauvais fonctionnement coute très cher sans beaucoup d’efficacité. Le modèle social comporte l‘assurance maladie et le système de santé (c’est une catastrophe), l’assurance chômage et l’assurance vieillesse avec tous les régimes de retraites.
-une stratégie cohérente et supportable pour organiser la transition écologique et la lutte pour le climat, parce qu’au-delà de la prise de conscience, il faut évidemment engager les changements de modèle sans pour autant casser les dynamiques de croissance.
-une réforme de l’éducation nationale dont le dysfonctionnement révèle la faille française la plus profonde et la plus grave pour l’avenir.
-une réforme du système politique pour enrayer la perte d’intérêt pour la politique et le respect des principes de la démocratie et surtout se convertir au compromis. Trouver des alliés, des majorités d’idées ou même une majorité de gouvernement comme en Allemagne.
La quasi-totalité des responsables économiques sont demandeurs de telles réformes. Ils ne veulent pas plus d’Etat, mais mieux d’Etat. Ils croient dur comme fer aux vertus du marché pour gérer les évolutions de la société et pour s’y adapter, mais ils considèrent aussi que l’État a un rôle à jouer qu’il ne joue pas. L’Etat doit fixer les règles et présenter les lois de façon à ne pas asphyxier l’activité. Le modèle social est devenu tellement lourd qu’il paralyse l’activité. Le système éducatif est, depuis longtemps, ingérable et son offre de service est toxique.
Théoriquement, Emmanuel Macron a toutes les cartes en mains, soit pour négocier, soit pour abandonner. Mais puisqu’il embarque dans un deuxième mandat, il peut aisément s’affranchir du risque de déplaire et oser lancer des chantiers à long terme.
Toute la question est de savoir s’il a véritablement l’ambition et le courage (tout est là) de lancer ces grandes réformes, et cela quel que soit l’état de sa majorité avec laquelle il sera obligé de négocier ou de composer. Il en a la pouvoir juridique. Soit il se résout au compromis, soit il se complet dans la procrastination.